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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
« Une augmentation démographique progressive a obligé les populations à se procurer davantage de vivres, récompensant ceux qui inconsciemment s'acheminaient vers leur production. »
Cette proposition résume assez bien la thèse de ce livre, à savoir la domestication des plantes et des animaux à l'origine de l'explication des inégalités entre les sociétés humaines.
De ce point de vue l'auteur colle à la théorie de l'évolution et rappelle au passage, que Darwin avait consacré le premier chapitre de sa célèbre théorie à montrer que « ces principes d'élaboration des cultures par la sélection artificielle restent notre modèle le plus compréhensible de l'origine des espèces par la sélection naturelle. ».
J'ai aimé les observations à la loupe des rapports subtils de la domestication, apparue de manière indépendante dans au moins cinq régions du monde, dont la Nouvelle Guinée, terrain de prédilection de l'auteur.
Partout sont rapportés les faits d'hommes qui semblent avoir épuisé toutes les possibilités, face à des espèces plus ou moins récalcitrantes, et donc dans des conditions matérielles plus ou moins avantageuses.
Il faudrait d'ailleurs observer sous le même angle d'autres animaux également capables de cultiver des plantes, même si on estime qu'ils ne le font pas « sciemment ». La nature fourmille d'exemples.
Cette brève remarque suggère encore que la conscience ne joue aucun rôle dans la domestication, ou bien un rôle secondaire comme l'auteur tente de l'expliquer dans la suite des développements technologiques. Chaque innovation récompensée par la nécessité joue un rôle de catalyseur pour les suivantes. Ce processus "auto-catalytique" sape la « théorie héroïque de l'invention » en laissant la conscience au rang d'épiphénomène. En effet, seules quelques inventions « nées du besoin » feraient figure d'exceptions, parmi lesquelles se trouvent pêle-mêle et arbitrairement le projet Manhattan de la bombe atomique américaine, l'égreneuse à coton etc…
Disons que la répartition assez régulière des innovations humaines observées sur une large échelle de temps et d'espace conduit l'auteur à considérer que le caractère novateur d'une société obéit à de multiples facteurs indépendants qui jouent de manière aléatoire à défaut d'en avoir une connaissance détaillée.
De cette manière la thèse remonte rapidement la chaîne causale des inégalités entre les sociétés jusqu'à l'inégalité des chances d'accès aux espèces domesticables il y a en gros 13000 ans.
Pour acquérir la connaissance détaillée permettant d'aboutir à un modèle prévisionniste, l'auteur tend vers l'idéal d'un chercheur en laboratoire « prenant des colonies de rats et distribuant ces groupes de rats ancestraux dans de multiples cages d'environnements différents. Il n'aurait ensuite qu'à laisser passer plusieurs générations avant d'observer comment les choses ont tourné ».
Mais si cet idéal est tenu comme pratiquement impossible à réaliser pour l'étude des hommes, il enferme malgré tout un problème car il ne recherche pas les possibilités du vivant d'agir sur son milieu, celui-ci étant avant tout considéré comme une donnée.
Les animaux domestiqués pour leur consommation ne sont-ils pas faits comme des rats ?
Du point de vue de la théorie de l'évolution, il reste en tous les cas la délicate question de la « récompense » pour les espèces domestiquées, et la réponse du livre est pour le moins étonnante : « Seul un petit pourcentage d'espèces de mammifères sauvages ont fini par être heureuses en compagnie des hommes en raison de leur compatibilité sur ces plans divers. »
Et pour être certain de bien comprendre : « En tant que société, à en juger du moins par les immenses troupeaux que nous gardons, nous nous distinguons certainement par une tendresse peu commune pour les moutons et le bétail. »
L'explication de la domestication comme un « mariage heureux » n'est donc pas qu'une image. Elle introduit une forme de vitalité qui ne se réduit pas au plan matériel et qui fait importer l'agir autant que l'être agi, sans jamais faire appel à la conscience.
La relation de tendresse et de bonheur dans le couple domestiquant et domestiqué est quand même un sacré coup de théâtre dans cette thèse évolutionniste et matérialiste. Il y a en tous les cas un effet divin décelable dans la seule référence de l'auteur à la Bible : « Il y aura beaucoup de candidats et peu d'élus ». Mais si l'hypothèse émotionnelle dans la domestication est séduisante, elle reste tout bonnement à vérifier. En attendant, on peut comprendre ce besoin de croire dans un monde où dominent les désastres engendrés par la diffusion des germes et les conquêtes meurtrières.
Quant au rapport entre les hommes, l'auteur observe le développement de la kleptocratie avec l'accélération démographique. On n'est pas loin d'ailleurs de retomber sur les problèmes de la domestication mais cette fois des hommes entre eux.
L'innovation sociale majeure serait constituée par les mécanismes de règlement des conflits. Cela me parait difficile à comprendre quand on songe aux récits de guerre partout sur le globe. Dans le cas rapporté où un couple de missionnaires débarque chez les Fayus en Nouvelle-Guinée et parvient à pacifier ces tribus, je serai prêt à croire à une tendresse authentique plutôt qu'à l'efficacité de quelques « mécanismes politiques et sociaux, qui nous semblent aller de soi ». Cette thèse pacificatrice devient encore plus louche lorsque l'auteur estime que les Morioris étaient devenus une « petite population pacifique » en « castrant une partie des garçons ».
Si les enquêtes sont bien menées, toutes ces histoires « réjouissantes » me semblent plutôt manifester la pulsation de possibilités infinies que quelque conformité à un modèle. Je ne pense pas seulement au développement économique le plus performant pris comme référence tout au long de ce livre, mais aussi aux tentatives de modélisation comportementaliste.
Demain, si le changement climatique engendre des nouvelles inégalités géographiques, qui à leur tour déterminent des développements économiques inégaux, dira-t-on que l'origine des inégalités fût le changement climatique ou les disparités géographiques ?
Du moins, on peut agir sur tous ces facteurs, c'est ce que nous montrent toutes les non-conformités ou non-linéarités rapportées dans ce récit de l'évolution.
Dans des situations d'isolement relatif, des sociétés se sont simplifiées. La centralisation du pouvoir chinois dans le passé, fonctionnant comme un facteur d'isolement, aurait entraîné une régression technologique. Mais l'isolement relatif des pays européens aurait facilité l'expédition de Christophe Colomb en trouvant une possibilité dans un pays qui lui était refusée ailleurs.
Au rythme des manipulations génétiques, on verra peut-être demain une situation d'isolement reproductif d'une nouvelle espèce d'homme sans savoir à quelle nécessité cela pourra répondre. On pense que cette « innovation » pourrait conduire à une nouvelle forme de domestication, mais le livre montre que l'isolement peut aussi bien conduire à la simplification ou à d'autres innovations. Cette fiction de mon cru n'est là que pour donner le change aux spéculations de l'auteur. En clair, une différence biologique entre les hommes, même radicale, ne changerait rien au champ des possibles exposé jusqu'ici.
Le plus drôle, mais dans l'esprit de ce livre, c'est que cette possibilité fictive d'augmentation de la biodiversité humaine, en apparaissant de manière accidentelle ou inconsciente, pourrait même être récompensée par la nécessité sur une large échelle de temps et d'espace, alors que les efforts de recherche sont consciemment orientés dans une autre direction.
Ce livre est au fond très philosophique, mais brassant des tonnes d'observations naturelles et ethnologiques, submergé même par cette masse, plutôt que faisant tourner quelque introspection sur elle-même.
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Livre excessivement bien documenté qui apporte une explication scientifique et relativement objective de l'état du monde actuel. Il nous donne les clés de compréhension de l'évolution des civilisations depuis le début du néolithique. Si vous voulez comprendre l'évolution de l'humanité, n'hésitez pas. A lire donc, même si certains passages sont un peu longs et redondants.
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