Citations sur La route des clameurs (27)
Mais à chaque fois que je me fachais et brandissais mon sabre étincelant et mon kalach pour bousiller tous ces misérables, il me disait, mon papa, de rengainer mes armes tout de suite, et le répétait que c'est dans les sociétés arrierées que la moquerie et les méchancetés sont les plus développées, de même que la peur et les superstitions.
Eh Allah, que j'avais mal ! Mais cette fois, je n'allais pas crier, wallahi ! Je n'allais pas leur donner ce plaisir de m'entendre hurler de douleur et appeler leur Allah au secours. On ne partageait d'ailleurs plus le même Allah ! Ils avaient le leur, au nom duquel ils massacraient les gens comme des mouches. J'avais le mien, qui me dictait d'être gentil avec tout le monde et seulement très méchant avec les méchants.
«Comme la mémoire de l'oralité est fêlée et mensongère! Elle ne retient de l'histoire que sa coquille vide. Et au bout de deux ou trois générations, l'essentiel est oublié au profit de la légende!»
On ne peut vivre du rêve des autres. Il nous faut réinventer nos propres rêves du bonheur, de conquêtes du paradis! Rêver par la tête d'autrui est toujours fatal!
Les gamins imams ne se contentaient pas de nous gaver de peurs et d'ignorance, comme ils étaient plus riches que la Banque Mondiale qu'ils combattaient d'ailleurs, je l'ai dit, ils achetaient tout le monde en distribuant beaucoup de fric.
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Quand on est au cœur du pouvoir, on doit savoir garder sa langue, sinon on est en danger.
J'étais consterné, décontenancé. Je ne savais plus à quel saint me vouer. Qui croire, qui ne pas croire dans ce monde aux contours imprécis, où mes bourreaux crient à la place des victimes ?
Tandis que pour les autres aspirants Morbidonnes ordinaires de mon âge, c'était tout juste un ou deux mois d'entraînement au maniement des armes et des explosifs. Ils étaient ensuite bourrés de stupéfiants et de foi, puis expédiés au feu. Avec ordre de n'en revenir vivants que lorsqu'ils auraient fini de tuer tous les ennemies du Calife Mabu Maba dit Fieffé Ranson Katar Ibn Ahmad Almorbidonne!
Quand les griots de chez nous s'en mêlèrent en déformant notre histoire et nos cultures, le vacarme devint si fort dans nos têtes que tout le monde perdit le sommeil, en même temps que la mémoire, en plus de l'intelligence. C'est ce qu'attendaient les gamins imams qui en profitèrent pour gaver nos consciences orales fatiguées avec les peurs et les ignorances qu'ils avaient patiemment amassées dans les quatre coins du monde.
Et Allah ! Et nous, désormais démunis d'esprit et de conscience, et pauvres cons devenus, on a accepté bêtement que les autres nous refilent ainsi leurs peurs revenues du fond des âges !
Maintenant, devenus plus puissants que les policiers et les gendarmes, plus puissants que le président de notre République en sursis, et plus sûrs de leur victoire prochaine, les gamins imams des nouvelles mosquées n'avaient plus peur de personne. Ils rentraient dans nos familles et dans nos chambres. Et même des fois, dans nos toilettes. Car malgré leur puissance, ils n'avaient confiance en personne et tenaient à avoir un œil sur tout ce que nous faisions. C'est pourquoi ils regardaient jusque dans nos chiottes pour savoir ce que nous y rejetions.