C'est devenu un classique : les civilisés ne sont pas ceux qu'on croit.
Diderot, comme
Montaigne avant lui et comme
Montesquieu, délègue au bon sauvage la mission de critiquer sans en avoir l'air la société européenne. Bien sûr, ce bon Otaïtien est un mythe, ses moeurs libres sont plus un rêve de
Diderot qu'une réalité, mais la critique reste judicieuse. Pourquoi ne se marier qu'une seule fois et pour toujours? Pourquoi refuser de céder à la tentation naturelle? Pourquoi condamner des actes qui ne sont pas, si l'on y réfléchit à travers le point de vue innocent de l'étranger, si funestes que cela? Ce que met en avant
Diderot, c'est la loi naturelle, qu'il oppose à la morale d'une société dominée par des fripons qui inventent des crimes pour mieux faire main basse sur ceux qu'ils ont à leur botte. Les institutions les plus sacrées, la religion, l'Etat, le mariage (qu'il soit pour tous ou pour quelques-uns), semblent soudain contre-nature. Les tabous tombent. Pourquoi interdire l'inceste et dénigrer l'adultère, si cela permet d'accroître la richesse des hommes et des femmes en leur donnant des enfants? La question reste scandaleuse. Ce n'est pas une raison pour ne pas risquer de la poser.
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