La peur et l'angoisse

Tristesse et gaieté sont des sentiments dus au penchant du tempérament et déclenchés accidentellement par l'évènement extérieur. Angoisse et joie par contre sont des états d'âme durables. Elles indiquent la valeur ou la non-valeur vitale de l'individu, car elles sont essentiellement consécutives à la nature positive ou négative du travail intrapsychique.

Vivre, c'est sentir. Sentir c'est osciller entre un état d'insatisfaction et un état de satisfaction. Ces états opposés se manifestent au niveau humain sous la forme de sentiments clairement différenciés : angoisse et joie.

L'angoisse humaine, sous sa forme naturelle, est d'une part un tourment d'insatisfaction qui cherche son apaisement dans la satisfaction la plus intense, la joie (sublimation, formation saine du caractère), et elle est d'autre part un état de désorientation, un aveuglement affectif, à surmonter évolutivement par l'orientation élucidante (spiritualisation, formation d'idées justes).

La peur imaginative est l'angoisse. La réactivité n'est plus automatique et immédiate ; elle est sous-tendue par des intentions, par des motifs angoissés qui, déclenchés par la menace, prévoient - par voie d'exaltation imaginative - la difficulté, sinon l'impossibilité d'une future décharge satisfaisante.

L'angoisse élémentaire est germe d'esprit parce qu'elle porte en elle le besoin d'être surmontée. Cette exigence n'est autre que le besoin élémentaire de conservation et de satisfaction. La conservation satisfaisante ne peut s'accomplir que par voie d'adaptation évolutive dont les étapes sont : besoin élémentaire de survie, pulsions, automatisme instinctif, émotions, affectivité diversifiée, pensée affective, pensée lucide.

(...) il ne peut être superflu de rappeler l'inscription au fronton du temple d'Apollon - divinité de l'harmonie et de la santé - "Connais-toi, toi-même". La condition de l'harmonie, autant dire de la santé psychique, est la connaissance de soi.

Imputable à la rumination imaginative et à son pouvoir aveuglant, la morbidité réside en un manque de "présence d'esprit" dont la conséquence est une insuffisante élucidation du danger devenu obstacle représenté et angoissant.

L'angoisse est le produit d'une rétention imaginative de la peur. Peur imaginativement représentée, l'angoisse est un état d'inquiétude qui n'est pas ressenti face au péril actuel, mais devant un danger seulement envisagé comme possible. L'évènement qui déclenche la peur est toujours dans le présent ; la menace qui provoque l'angoisse se trouve, soit dans le passé, soit dans l'avenir.

L'acceptation est une force spirituellement lucide et sublimement combative.
Par elle s'assume au plus haut degré d'intensité autant la maîtrise de soi que la maîtrise de l'ambiance. L'homme qui saura constamment changer le changeable et accepter l'inchangeable saura, par là même, combattre et vaincre toute source d'insatisfaction.
P.164

L'opinion publique se subdivise en traditions idéologiques (théologiques, politiques, pseudo-artistiques) d'où il vient que la pseudo-culpabilité se réveille à l'occasion de chaque manquement à l'égard des croyances adoptées. A mesure que l'individu gagne en authenticité, son attachement crédule aux conventions diminue. Plus intense aussi et plus affranchie de pseudo-culpabilité sera en lui la force essentielle d'avouer les égarements à l'endroit de l'instinctivité surconsciente restée indemne.