Citations sur Frère d’âme (260)
Mon père porte un casque de cheveux blancs sur la tête depuis que Penndo Ba nous a quittés. Mon père est un soldat de la vie quotidienne qui n’a vécu que pour préserver ses femmes et ses enfants de la faim. Jour après jour, dans ce fleuve de durée qu’est la vie, mon père nous a rassasiés des fruits de ses champs et de ses vergers. Mon père, ce vieil homme, nous a fait croître et embellir, nous sa famille, comme les plantes dont il nous nourrissait. C’était un cultivateur d’arbres et de fruits, c’était un cultivateur d’enfants. Nous poussions droit et fort comme les grains qu’il plantait dans la terre légère de ses champs.
Dès que l'attaque est finie, on doit ranger sa rage, sa douleur et sa furie. La douleur, c'est toléré, on peut la rapporter à condition de la garder pour soi. Mais la rage et la furie, on ne doit pas les rapporter dans la tranchée. Avant d'y revenir, on doit s'en dépouiller, sinon on ne joue plus le jeu de la guerre. La folie, après le coup de sifflet du capitaine signalant la retraite, c'est tabou.
Mais à présent que j'y pense profondément, maintenant que je me retourne sur moi-même, par la vérité de Dieu, je sais ,J'ai compris qu'Alfa m'a cédé une place dans son corps de lutteur par amitié, par compassion.Je sais ,J'ai compris qu'Alfa a entendu la première supplication que je lui ai lancée du tréfonds de la terre à personne ,le soir de ma mort.Parce que je ne voulais pas rester seul au milieu de nulle part sous une terre sans nom.Par la vérité de Dieu, je te jure qu'à l'instant où je nous pense ,désormais lui est moi et moi suis lui.
-.... Je sais ,J'ai compris , je j'aurais pas dû. Moi,Alfa Ndyaye,fils du très vieil homme,J'ai compris je j'aurais pas dû. Par la vérité de Dieu,maintenant je sais.
Par la vérité de Dieu, j'ai été inhumain. Je n'ai pas écouté mon ami, j'ai écouté mon ennemi. Alors, quand j'attrape l'ennemi d'en face, quand je lis dans ses yeux bleus les hurlements que sa bouche ne peut pas lancer au ciel de la guerre, quand son ventre ouvert n'est plus qu'une bouillie de chair crue, je rattrape le temps perdu, j'achève l'ennemi. Dès sa seconde supplication des yeux, je lui tranche la gorge comme aux moutons de sacrifice. Ce que je n'ai pas fait pour Mademba Diop, je le fais pour mon ennemi aux yeux bleus. Par humanité retrouvée.
Oui, j’ai compris, par la vérité de Dieu, que sur le champ de bataille on ne veut que de la folie passagère. Des fous de rage, des fous de douleur, des fous furieux, mais temporaires. Pas de pus en continu.
J'avais été inhumain par obéissance aux voix du devoir. Mais j'étais devenu libre de ne plus les écouter, de ne plus obéir à ces voix qui commandent de ne pas être humain quand il le faudrait.
Je sais, j'ai compris, je n'aurais pas dû. Dans le monde d'avant, je n'aurais pas osé, mais dans le monde d'aujourd'hui, par la vérité de Dieu, je me suis permis l'impensable. Aucune voix ne s'est élevée dans ma tête pour me l'interdire : les voix de mes ancêtres, celles de mes parent se sont tues quand j'ai pensé faire ce que j'ai fini par faire. Je sais maintenant, je te jure que j'ai tout compris quand j'ai pensé que je pouvais tout penser...
Ce que je pense, c'est qu'on veut que je ne pense pas.
Oui, j'ai compris, par la vérité de Dieu, que sur le champ de bataille on ne veut que de la folie passagère. Des fous de rage, des fous de douleur, des fous furieux, mais temporaires. Pas des fous en continu. Dès que l'attaque est finie, on doit ranger sa rage, sa douleur et sa furie. La douleur, c'est toléré, on peut la rapporter à condition de la garder pour soi. Mais la rage et la furie, on ne doit pas les rapporter dans la tranchée. Avant d'y revenir, on doit se déshabiller de sa rage et de sa furie, on doit s'en dépouiller, sinon on ne joue plus le jeu de la guerre.