Pour ma part, ce sera une déception. Rien à redire sur le style ou la maîtrise technique.
En revanche, je ne suis pas bien sûr de saisir l'intérêt de l'histoire qui nous a été racontée. Je précise : je ne suis pas sûr de l'intérêt d'avoir suivi Michel Adanson.
Après avoir pourtant reconnu l'humanité de ses interlocuteurs Sénégalais - il est le seul à les nommer par exemple, et il apprend leur langue, le wolof - il en arrive au même déni d'humanité dont font preuve les autres Français du livre.
Je ne parle pas uniquement de son rapport prônant les vertus de la traite ; je pense également à sa confusion entre Madeleine et Maram. Ne sachant pas gérer son sentiment de culpabilité, il souhaite s'excuser auprès de l'une des torts causés à l'autre. Voyant l'une, il croit voir l'autre. Mal nommer et ne pas donner de nom, cela est somme toute très proche, et cela a la même conséquence de nier l'identité, l'humanité de ces deux femmes.
D'ailleurs, on le sent très bien à la réaction de Madeleine. Et ce chapitre, le seul à donner le point de vue d'un autre que Michel, est bien seul. le livre aurait gagné en équilibre à livrer plus souvent d'autres points de vue - celui de Ndiak par exemple ?
J'ignore si l'intention du livre, avec sa fin notamment, est d'être critique vis-à-vis de Michel. Mais ce n'est pas l'impression que j'en retire. Etant quasiment le seul à avoir le privilège de s'exprimer de sa propre voix, très peu de recul est permis. Je sens que l'on essaie de nous faire croire que Michel était différent, plus humain que ses compatriotes. Et pourtant, malgré des efforts et des gestes d'humanité qui le distinguent un temps, il en arrive au même point. Il ne tire aucune conclusion de ce qu'il a appris. Que pense-t-il de l'engagement de l'abbé Grégoire par exemple ? Plus important encore, qu'a-t-il pensé du soulèvement de Saint Domingue ? N'a-t-il jamais été tenté de rejoindre une Société des Amis des Noirs ? A-t-il célébré la première abolition ? Lui est-il arrivé d'imaginer s'opposer au virage réactionnaire de
Bonaparte ? Non. Il s'est muré dans sa science. Pis encore, il se fend d'un rapport pro-traite dans l'espoir de se concilier les bonnes grâces de l'élite. Que lui a servi d'apprendre une autre langue et d'être, un temps, le camarade de chevauchée de Ndiak, qu'il ose appeler son ami le plus fidèle ? Au moins a-t-il la lucidité de reconnaître qu'il n'a pas la même grandeur d'âme.