Citations sur À l'ombre de l'oubli (28)
J'ai mis du temps à pouvoir en parler, à demander de l'aide puis à réclamer justice, je n'en avais pas encore la force. C’était comme tenter de marcher quand on n'a plus de jambes. D'abord on rampe, on se traîne, on a mal et on saigne mais on ne se plait pas. Ensuite, on se fabrique des mollets de bois puis de fer, on se redresse et plus jamais on n'est la même... mais on avance. On se remet à marcher. Coûte que coûte. C'est le moment, ce point qu'il faut atteindre pour ne plus jamais reculer.
Violette a un caractère particulier : peur de rien, loyale, mais mal à l'aise avec le mot " non ". Incapable de rejeter même les pires spécimens de la race humaine et, donc, vraiment pas douée pour se débarasser d'un pleurnichard (Sven) ou d'un type collant (Ahriman). Pourquoi ? Sûrement par besoin d'être acceptée et aimée de tous.
C'est arrivé sans prévenir, quand on chahutait pour se piquer des frites qu'on partageait à la cafète, avant le cours de 13 h 30. On avait pris l'habitude de camper toujours à la même table, au fond, derrière un palmier en plastique. Quand Violette s'est esclaffée en avalant la dernière frite, son rire aigu, je l'ai pris pour moi seul... un cadeau exclusif. Là, ma main a saisi la sienne, ce n'était pas calculé. Vaguement fiévreux, on s'est contemplés durant de longues secondes, sans les mots pour décorer ce moment et surtout... ne sachant comment continuer avec le désir qui se pointait.
Je ne parvenais plus à faire la part des choses. J'avais besoin qu'on me soutienne, qu'on me console, qu'on m'explique que ce n'était pas moi la fautive, ni moi l'inconsciente ou la " paumée " et que je n'avais pas perdu le beau, en moi. J'avais besoin de savoir qu'il restait quelque chose de moi, de celle que j'étais avant.
Un jour en novembre quelque chose est arrivé.
Le chaos a suivi et, dans ce chaos, j'ai surnagé comme un sachet plastique sur le fleuve. Troué, ballotté, puis rien d'autre.
[Violette]
" Mais, hélas ! Qui ne sait que ces loups doucereux,
De tous les loups sont les plus dangereux. "
Extrait du Petit Chaperon rouge, des Contes de Perrault.
[citation d'ouverture du chapitre 27]
Les entrailles me brûlent. La violence du venin tord mes membres, me rend difforme, me terrasse. Je meurs de soif, j'étouffe, je ne puis crier. C'est l'enfer...
Rimbaud, Une saison en enfer
[citation d'ouverture du roman]
Au début, cette attirance entre elle et moi m'a dérangé. ça risquait de tout compliquer puis de saboter l'essentiel : notre amitié. Alors...dans un premier temps, j'ai freiné l'attraction.
Mais la gêne n'a pas duré. On a vite compris qu'on changeait à très grande vitesse, et que faire de la résistance ne servirait à rien. Aller de l'amitié vers l'amour? C'était risqué mais surtout, c'était bon, de plus en plus. Car la tension, le flux continu entre nous...préfigurait une suite. Mon imagination se mettait à galoper vers elle en accéléré.
Il excellait surtout dans l'art de jeter de la poudre aux yeux. Sur Internet, c'est encore plus facile.
En plus , je me voyais mal mélanger le virtuel avec ma vie, pour l'instant. Les masques tomberaient , les pseudonymes aussi. Forcément on serait déçus par l'effondrement de l'image que chacun nous servait, à l'abri derrière son écran. Bref, j'ai expliqué tout ça à violette, qui n'a pas été vraiment été convaincue par ce qui me bloquait.