Et un jour, tu es apparue et tu as soufflé sur ma tente. Tu as mis à nu mes blessures les plus profondes. Tu m'as obligé à affronter des sentiments que j'avais décidé d'enterrer. Tu m'as fait comprendre à quel point ma vie n'avait aucun sens. Et surtout, à quel point je désire rester à tes côtés...
Vous m'avez tous tourné le dos en criant à une malédiction. Des livres, tu dis? Je les échange sans hésiter contre une mère pour panser mes plaies.
- [...] Maintenant raconte-moi, petit fantôme, comment tu t'es retrouvé ici ?
La gorge de Sirem se serra.
- Par ma faute. Uniquement par ma faute.
- Mmm. Derrière chaque faute réside une action, et à la fin, c'est une vie que l'on a vécue. Et crois-moi, la mienne, je l'ai bien vécue.
Sirem lança un regard à Tanit qui trépignait sur son épaule.
- Mais le but de la Capitale est d'unir le peuple de la Constellation en promouvant ses valeurs et le partage du savoir, objecta-t-elle au souvenir de son travail au Jardin.
- Les valeurs et le savoir de qui, au juste ? Une belle excuse pour uniformiser les cités et s'assurer qu'aucune d'elles ne se démarque trop, la contredit Hicham. La cité d'Argent a refusé de se plier à la tyrannie du roi, et tout le monde sait comment elle a fini !
Le couturier se servit un verre d'eau, les mains tremblantes de colère. Sirem ne savait plus quoi penser. C'était à cela que travaillait Ziri ? Elle se remémora tous les manuscrits détruits, car non conforme au classement de la future université. La véritable mission du Jardin était-elle d'imposer une vision unique du monde et ainsi garantir la domination d'Ithri sur les autres cités ?
Tout ce qui est perdu n'est pas voué à être retrouvé… (...) Mais tout ce qui disparaît n'est pas forcément perdu.
Réfléchis, Sirem : à quoi bon rassembler tous ces livres, si c'est pour ne tirer aucune leçon de notre histoire ?
Apprends à être ta propre lumière, Kamil, pour que rien ni personne ne puisse te plonger dans l'obscurité.
Surtout ne prononce pas mon nom, ni le tien ni un autre. Et quand ils s'interrogeront, ne réponds à aucune de leurs questions. Mais ne t'avise pas de rester silencieuse ! Ainsi, ils sauront que tu viens de ma part.
Intimidé par son examen, le sorcier baissa légèrement la tête et la flamme se mit à vaciller, révélant son arcade fendue. Une trace de sang séché luisait dans la nuit, l'écaille d'une plaie qui marquerait son visage à jamais. Une chape de plomb s'abattit sur les épaules de Sirem. Combien de personnes devraient encore payer pour lui avoir fait confiance ? Non, elle ne le permettrait pas. Elle ne le supporterait plus.
Elle se releva et tourna le dos à la mer.
- Apprends à être ta propre lumière, Kamil, pour que rien ni personne ne puisse te plonger dans l'obscurité.
Les yeux secs, Sirem rejoignit la grotte et s'enfouit sous sa couverture.
Un écho déformé retentit parmi les ombres.
"Pour aimer, il faudrait déjà être en vie", souffla la voix de Yidir.
- Je quitterai ce taudis, que les Astres m'en soient témoins.
- Je sais.
Jamais Tanit n'abandonnerait. Jamais elle ne céderait. Pour Sirem, cette certitude formait le plus solide des remparts.