La rivière des âmes perdues

(...) tu sais qu’elle a des… visions, je ne sais pas quoi. (...) Au bout de quelques minutes, quand je suis avec elle, je me mets presque à y croire moi-même, à ces histoires.

Chapitre 28

Il jeta un coup d’œil vers la lune. Elle était beaucoup plus haute. La plus grande confusion régnait dans son esprit. Son côté rationnel refusait de tenir compte des prédictions de la vieille femme. Des superstitions, voilà ce que c’était ! Un niveau plus profond de sa conscience, celui qui invente les rêves et confère à chaque ombre des formes sinistres, redoutait de voir la lune atteindre dix fois sa hauteur.

Chapitre 28

Le possédé demeura debout à jubiler au-dessus du corps torturé, tel un artiste sans grand talent qui aurait finalement réussi un chef-d’œuvre. Égaré en pleine extase, il n’avait pas conscience des larmes qui laissaient des traces mouillées sur ses joues. Le policier avait regardé tout droit dans sa direction pendant qu’il étranglait sa victime, mais il n’avait rien vu. Désormais, il en était convaincu : la Voix n’était pas un symptôme de folie. La Voix était source de puissance… d’une puissance immense. (...) C’était pour lui un immense soulagement de savoir que la Voix était une réalité objective. De savoir avec certitude qu’il n’était pas fou.

Chapitre 18

La Voix, d’ordinaire, était dans sa tête, mais cette fois elle semblait prendre naissance près de son épaule gauche, comme si cette entité immatérielle se déplaçait en même temps que lui. Il jeta un coup d’œil sur sa gauche et crut entrevoir une silhouette floue, mais cette apparition disparut aussitôt dans les cristaux de neige qui tourbillonnaient en flocons.

Chapitre 17

C’était une grande rivière, dans une contrée inconnue qu’elle n’avait encore jamais vue lors de ses voyages dans le Monde Inférieur.

Chapitre 13

Elle sentit son corps spirituel flotter à travers une brume grise humide, puis pénétrer dans la terre à l’endroit du trou qui menait au repaire du pitukupf.

Chapitre 13

Cela faisait de très nombreuses années que son mari était parti, mais le tambour était toujours accroché par sa lanière de cuir au-dessus de la table de la cuisine. Elle se concentra sur l’instrument, se remémorant sa voix basse et sourde. Elle l’entendit avec difficulté, très loin d’abord, puis plus proche. Bientôt, le tambour fit vibrer le cadre de son lit. Le rythme monotone emplit sa conscience jusqu’à ce qu’elle ne perçoive rien d’autre, pas même les soudaines rafales de vent qui ébranlaient sa fragile caravane. Elle sentit son corps spirituel flotter à travers une brume grise humide, puis pénétrer dans la terre à l’endroit du trou qui menait au repaire du pitukupf. Il ne s’arrêta pas dans la tanière du nain, mais continua à suivre les longues racines du genévrier jusqu’à ce qu’elles deviennent un tunnel brillant. Elle se sentit tomber à une vitesse toujours plus grande vers sa destination dans le Monde Inférieur, si vite qu’il lui fallait haleter pour parvenir à aspirer un peu d’air. Elle avait souvent fait ce voyage et n’avait pas peur, même s’il se terminait fréquemment dans une partie du Monde Inférieur qu’elle n’avait jamais vue. Elle émergea dans un univers humide de lumière jaune filtrée par des tourbillons de brume bleue. Des créatures reptiliennes se précipitaient sous des taillis luxuriants ; des oiseauxmouches de la taille de rouges-gorges voletaient nerveusement parmi les fougères démesurées et les cyprès noueux.

Chapitre 13

(...) le tambour-médecine. Le Lakota, Lawrence Short Hand, lui avait solennellement garanti que l’instrument détenait le Pouvoir. N’était-il pas décoré de la peinture rouge sacrée de Wovoka, le Wanekia païute, le prophète de la danse des Esprits ? Sa promesse était exacte. La première fois que son mari avait frappé le papu-ti pour produire un rythme monotone, le roulement creux et sonore avait emporté Daisy dans une profonde transe. Elle avait quitté son corps et visité une contrée lumineuse où tous ses ancêtres vivaient dans le bonheur. Sa visite n’avait été que trop brève ; quoiqu’elle eût essayé à maintes reprises, elle n’avait jamais réussi à retourner dans ce lieu agréable.

Chapitre 13

Loin sur la droite par rapport aux personnagesbâtons et au serpent cornu, se dressait la petite représentation d’un homme dont une main était tendue vers la spirale qui symbolisait le soleil. Son autre main était refermée sur un bâton orné de plumes. C’était une représentation du pitukupf, le nain était la force la plus puissante parmi les esprits fondamentaux de la terre.

Chapitre 13

— Nul besoin de cogner à ma porte ; vous n’obtiendrez pas de réponse.
Il se retourna pour voir l’homme qui s’était exprimé avec beaucoup plus qu’une simple trace d’accent britannique. Ce personnage anguleux, qui mesurait un peu plus d’un mètre quatre-vingts, tenait dans une main deux lapins par les oreilles. L’autre était refermée sur un fusil de chasse à canon double bien huilé, négligemment pointé vers les genoux du policier. Sa peau parcheminée était tendue sur son visage comme si elle avait été mouillée et avait rétréci sur son crâne ; une couronne de fins cheveux argentés coiffait son visage comme d’un halo. Il donnait l’impression d’être fatigué par une longue marche en forêt, mais pas celle d’être faible. Il ouvrit le fusil, en éjecta deux cartouches vides. Le policier perçut une faible odeur de poudre brûlée. C’était une émanation étrangement agréable, ici, dans la profondeur des arbres, où un fusil de chasse était davantage qu’un simple ornement destiné à être accroché au-dessus de la cheminée.

Chapitre 12