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Critique de Titine75


Rodion Romanovitch Raskolnikov est habillé de loques, il loue une chambre minuscule dans un des quartiers les plus malfamés de Saint Pétersbourg. Il est « (…) sombre, renfermé, hautain et fier, ces derniers temps (et peut-être bien avant), susceptible et hypocondriaque. (…) Parfois, du reste, il est tout sauf hypocondriaque, mais simplement froid et insensible jusqu'à être inhumain (…). » Cet être peu avenant est pourtant le héros d'un des plus grands chefs d'oeuvre de la littérature russe : « Crime et châtiment ». Raskolnikov est une âme rongée par la pauvreté. Il a dû abandonner l'université faute de liquidités et depuis, il ressasse les idées les plus sombres. Une seule issue lui semble possible pour sortir de son marasme : assassiner une vieille usurière pour la voler et recommencer à vivre. le crime, longuement préparé par le cerveau malade de Raskolnikov, est mis à exécution, mais ne se passe pas comme prévu. La soeur de l'usurière, Lizaveta, rentre plus tôt que prévu et meurt sous les coups de hache de Raskolnikov. Ce dernier s'en sort en apparence, mais son esprit, son âme ne vont plus cesser de le tourmenter.

« Crime et châtiment » raconte la longue rédemption de Raskolnikov, du crime vers le châtiment. Il ne tue pas la vieille usurière uniquement pour l'argent. C'est pour lui également une mise à l'épreuve : va-t-il franchir le pas ? Ce crime est très intellectualisé chez Raskolnikov. Il distingue les êtres supérieurs des êtres inférieurs, les premiers pouvant faire couler le sang des seconds si la nécessité les y oblige. Pourquoi un être comme Napoléon est-il admiré alors qu'il a fait couler autant de sang ? Parce que c'est un génie et Raskolnikov pense en être un également. L'ennui, c'est que notre jeune homme ne digère pas ses actes aussi bien qu'il l'avait pensé. Il ne peut se défaire de son crime, il est obsédé par lui. Ce qui est pour lui en contradiction avec son idée du génie, ce qui le dévore d'autant plus. le chemin suivi par Raskolnikov lui apprendra à devenir tout simplement humain.

Cette résurrection de Lazare ne se fait pas seulement par la réflexion, mais surtout grâce aux gens qui l'entourent. Dostoïevski compose une fabuleuse galerie de personnages pour accompagner son héros vers la lumière. On ne peut tous les citer car ils sont nombreux, mais les plus importants sont Razoumikhine, la mère et la soeur de Raskolnikov, et surtout Sonia. Cette dernière vit également dans la misère la plus noire, devant se prostituer pour aider sa famille. Mais, son âme a su rester pure ; c'est sans conteste le plus beau personnage du roman. Humble, généreuse, douce, c'est la force de ses sentiments qui tirera notre Lazare de son tombeau psychologique. Ce sont tous ces personnages qui rendent Raskolnikov si touchant. Tant d'amour l'entoure, tant de fidélité que cet être-là ne peut pas être entièrement mauvais.

Tous ces personnages si parfaitement dessinés sont bien évidemment une des forces de « Crime et châtiment ». Mais il y a aussi l'écriture si puissamment évocatrice de Dostoïevski. André Markowicz, excellent traducteur, parle dans sa postface de la pesanteur qui nous écrase durant tout le roman. L'écriture de Dostoïevski rend parfaitement l'oppression qui accable Raskolnikov, le poids de la pauvreté puis du crime qu'il porte sur les épaules. Mais, toute la population des quartiers pauvres de Saint Pétersbourg semble totalement appesantie par la misère et l'alcool. Et ces gens parlent beaucoup, énormément même. « Crime et châtiment » est rempli de dialogues et de monologues fiévreux et exaltés. Ce qui nous donne notamment de splendides face-à-face entre Raskolnikov et le commissaire Porphiri Petrovich.

Les personnages et l'écriture de Dostoïevski sont habités, possédés par la soif de vivre. Malgré les épreuves, la pauvreté, rien ne semble plus important que de vivre. J'ai été bien entendu captivée par tous ces destins, par cette langue hypnotique. C'est tout simplement ce que j'appelle la Littérature, avec un grand « l'».
Lien : http://plaisirsacultiver.unb..
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