AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Eve-Yeshe


« le double » (en russe : Двойник), deuxième roman de Dostoïevski est très différent du premier » Les pauvres gens » car il s'attèle à un sujet cher à l'auteur : la folie. Il affuble son héros d'un nom prometteur qui voudrait dire « Nu » ou « insignifiant ».

Au début on peut parler d'hallucination : Goliadkine voit apparaître un double, une réplique de lui, comme dans un miroir. En regardant de plus près, il est plus jeune : on les désignera donc le jeune, et l'aîné (que l'auteur appelle souvent « notre héros »). En fait, c'est plus compliqué, on est au-delà d'une simple hallucination car tout le monde voit les deux personnages… mais est-ce vraiment le cas ?

On hésite entre le dédoublement de la personnalité, le délire paranoïde et le fantastique, de type Dr Jekill et Mr Hyde, durant une bonne partie du récit.

On a un dédoublement de la personnalité, un délire de persécution : son double est mieux apprécié que lui, toute sa hiérarchie le dénigre. Il est constamment dans la suspicion, et surtout l'interprétation, ce qui donne des cogitations incessantes, parfois obscures.

L'état de notre fonctionnaire se dégrade brutalement dans le froid, la neige, la boue qui sont omniprésent au propre et au figuré. Analogie avec le froid de son âme ? En tout cas, cela joue un rôle dans la décompensation des troubles.

On peut aussi faire le parallèle avec : le petit moi étriqué, enfermé de Goliadkine, les pulsions de vie qui s'expriment chez son double qui semble sociable mais manipulateur, en gros comme le théorisera Freud plus tard : le ça, le moi et dans le rôle du surmoi le médecin, que l'on rencontre deux fois dans le récit, ou l'administration et ses règles rigides…

On sent la fascination de Dostoïevski pour la folie, l'aliénation mentale, il en perçut certains aspects, alors que c'était le flou artistique à son époque. On reste dans le visuel, alors que les hallucinations sont souvent auditives (entendre des voix, les ondes émises par les extraterrestres…) en tout cas il réussit très bien à mettre en évidence le mode de fonctionnement de son héros, à nous faire entrer dans son mental.

Ce livre a été écrit, pour la première fois, en 1846 (le terme psychose a été évoqué pour la première fois en 1845 !) : on a parlé de « démence précoce » à la fin du XIXe siècle et schizophrénie au début du XXe… la première classification psychoses et névroses remontant à Kraepelin en 1898 mais Dostoïevski était mécontent de son texte et aurait voulu le réécrire entièrement.

Un texte hallucinant et halluciné percutant, dérangeant, qui rappelle « le journal d'un fou » ou « le manteau », donc un hommage à Gogol au passage. L'auteur met bien en évidence avec son style torturé, les paroles étranges et le récit heurté de la « folie » dont le rythme va crescendo. Freud a dû apprécié ce texte, lui qui aimait à dire : « j'ai bien compris Dostoïevski mais j'ai suffisamment de patients ».

Ce court roman est très particulier, avec plusieurs niveaux de lecture, on l'aime ou le déteste, en tout cas, il ne laisse pas indifférent car il soulève beaucoup de réflexions et je ne suis pas sûre d'avoir donné envie de le lire, tant ma critique est décousue…


Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
Commenter  J’apprécie          444



Ont apprécié cette critique (36)voir plus




{* *}