Les Démons
Dostoïevski, 1871
On retrouve cette volonté là aussi chez
Tourgueniev mais de manière plus large ici de décrire ces révolutionnaires russes qui germent dans les années 1840 avec une forte inclinaison pour les idées libérales occidentales, nihilistes qui vont se convertir vingt ans plus tard en idées radicales pour finalement aboutir aux thèses terroristes ayant pour cible l'administration tsariste. Avec détachement et dérision
Dostoïevski s'emploie de tout son talent à plaider pour la Russie profonde qui est consubstantielle de la religion orthodoxe et à dénigrer ces intellectuels qui tournent le dos à la Russie. Il les met en scène, il donne à penser plus qu'il pense, se donne le beau rôle en quelque sorte, incite le lecteur à se faire sa propre opinion devant tant de cheminements intellectuels dévoyés et qui vont se révéler tragiques.
Dostoïevski est très à l'aise dans cette posture qui est un véritable bonheur de lecture ; l'exercice périlleux et ambitieux en est tout à fait sincère. Il n'est évidemment pas sans me rappeler
Nicolas Gogol ; toutefois sur fond de satire sociale, la dérision l'emporte sur le sarcasme et se termine par quelque chose d'accompli.
A travers la verve de
Dostoïevski, les personnages de ce roman sont typiquement dostoïevskiens, il se dévoile bien sûr à travers eux et y donne en finalité son sentiment profond qui reste sans ambiguïté sur ce qu'il entend de ce monde. Dans cette marmite bouillonnante des idées qu'est cette Russie de la moitié du 19 e siècle, il est bien évident que l'aspect religieux y prend tout son sens
Il cite
Saint Luc : "Et les démons supplièrent Jésus de leur permettre d'entrer dans ces pourceaux. Il le leur permit."
La ligne mi-mystique, mi-réelle de ce roman lui donne à mes yeux une dimension supérieure. Pour l'avoir vu ainsi, j'attribue à son auteur ce qu'il a fait de meilleur dans le genre !
Pour ce qui est de la vie de
Dostoïevski, parlons-en car elle fut loin d'être un long fleuve tranquille.