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Critique de Floyd2408


Premières miniatures regroupe quatre nouvelles écrites entre 1846 et 1848 par Fédor Dostoïevski, Un roman en neuf lettres, Polzounkov, le voleur honnête et Un sapin de Noël et un mariage.
Ces courtes chroniques restent un tableau mouvant de la Russie de cette époque, une peinture vivante perçant la nature humaine errante, les couches sociétales, point picturale du coeur de ces petites miniatures Dostoïevskiennes. Débute dans ses écrits l'âme première et le sang bouillant de sa vie littéraire, cette source inépuisable dévorante, une folie destructrice d'écrire encore et encore.
Un roman en neuf lettres, ébauche d'une nuit d'octobre 1845 sera publié dans le Contemporain de janvier 1847, Dostoïevski entremêle son intrigue dans neuf correspondances comme un combat entre deux adversaires se livrant l'un à l'autre, l'histoire s'articule dans cet échange. L'argent semble être le point de rupture entre ces deux hommes, mais trouble dans cette petite prose l'adultère troublant comme une comédie moderne, un vaudeville finale amusant.
Polzounkov écrite en 1847, sera éditée dans L'Almanach, début 1848 est une petite farce savoureuse, plaisante, critique amère et acidulée la crédulité et de l'avarice des êtres humains. le narrateur témoin de la scène brosse le portrait de ce bouffon, hilare du public, vivant au crochet des autres depuis six ans d'emprunt successifs. Cette histoire au comble de la bêtise est celle de ce plaisantin clamant sa déconvenue à tous comme une bouffonnade d'un autre, se moquant de lui comme pour se soustraire de sa bêtise, cet homme fantôme et prisonnier de son passé, revit encore et encore son erreur pour l'offrir à ses hôtes. Dostoïevski adore se jouer des incrédules avec ce troubadour psalmodiant son idiotie comme une liqueur enivrante, amusant son public. L‘amour s'égare d'une dote, l'argent devient chantage, le 1er avril attrape son poisson, notre acteur perd sa fiancée, son travail, son argent devant le dindon de la farce.
Le Voleur honnête, troisième nouvelles de ce court recueil, écrite au printemps 1848 puis parut dans Les Annales de la Patrie en avril 1848, raconte l'histoire d'un homme se remémorant une anecdote, en subissant avec celui qui l'héberge grâce à la cuisinière un vol dans l'enceinte de cet appartement. Dostoïevski aime la faiblesse des êtres pour la mettre en valeur puis la creuse dans un détail si minutieuse, la fissure craquelle la fibre des humeurs sensibles d'un coeur en peine où l'interstice de la pitié généreuse caresse ces êtres perdus. La pauvreté, la misère, l'alcool, la miséricorde sont les fléaux émergeants de cette courte prose, cette photo fige la Russie de cette époque, le manque d'argent, la sous location d'une pièce pour survivre et héberger les plus nécessiteux, l'alcoolisme, les petits larcins comme le vol …Cette histoire encrer dans l'histoire par un des personnages n'oublie pas cette parabole du voleur honnête ? La bonté, la misère et la faiblesse sont les couleurs de ce sombre décor russe obsédant Dostoïevski. L'ivrogne voleur au coeur noyé dans le veloute de la boisson en retrait des évènements aspire dans l'enfer de son addiction, son paysage est le nihilisme du présent, son bienfaiteur du moment le logeant pas charité sera le lieu de son larcin et de son mensonge.
Ce drame est la descente en enfer de cette loque humaine imbibée d'alcool vivant dans l'errance, refusant avec stoïcisme et fatalisme l'aide de son logeur, cet homme, au coeur faible, à la bonté généreuse, des années se sont écoulées qu'il narre cette histoire avec émotion et regret.

Un sapin de Noël et un mariage, la dernière nouvelle de cet opus écrite en 1848 puis publiée dans Les Annales de la Patrie en septembre 1848 sous le titre L'Arbre de Noël et le Mariage. Cette courte nouvelle riche par sa dramaturgie est un récit de souvenir, celui d'une soirée pour enfants où se mêlent des adultes. Cette scène est atroce dans sa manière d'être, le narrateur témoin d'un acte outrageant et malsain, reste en suspens, dans l'inertie stagnante du voyeur. Un invité dodu au penchant pervers ose s'éprendre d'une jeune fille d'une dizaine d'année, pour en devenir goujat envers le petit garçon jouant avec lui. Ce jeu ignoble a cette sournoiserie de la convoitise double, celui de la proie juvénile, celle de la chair mais de la cupidité de la dot offerte. Dostoïevski lentement joue de la misère humaine, la petite fille innocente jouant avec son camarade issu d'une famille modeste, reste dans ce monde d'enfants happée par cet homme avide, le pseudo pédophile. le plus affreux dans cette aventure enfantine où le sapin de noël prône le mensonge des adultes, l'opportuniste aura sa convoitise abreuvée mais le témoin dans sa neutralité relatant cette mauvaise intrigue est le plus horrible, il devient l'homme sans âme, son regard sans machiavélisme désarçonne, laissant le loup attraper sa proie sans mots dire.
Ces quatre nouvelles auront l'initiative d'annoncer l'oeuvre futur de ce grand génie torturé de l'écriture. Une mise en bouche agréable et savoureuse.
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