Déjà, remarquez la couverture. le nom de famille de l'auteur est bien plus gros que le titre même de l'oeuvre. Comme si la notoriété de
Maurice Druon (ministre, coauteur du Chant des partisans, membre de cette maison de retraite d'élite que l'on nomme l'académie française...) était plus importante que la qualité du bouquin.
Or donc, alors qu'il est en train de cuire à petit feu sur son bûcher, Jacques de Molay, grand maître de l'ordre des templiers, lance une malédiction sur Philippe le Bel et sa descendance. Et comme par hasard, le roi et ses successeurs vont effectivement tous y passer dans les années suivantes. C'est donc la valse des rois de France entre maladie et empoisonnements. le cycle raconte cette succession d'accidents plus ou moins hasardeux qui vont mettre le trône à mal entre 1314 et 1342. Mais le récit est également centré sur la vie de Robert d'Artois, un personnage pantagruélique qui est toujours plus ou moins témoins de ces étapes importantes de l'histoire de France.
Le problème avec
Les rois maudits, c'est le mélange des genres. C'est à la fois un livre d'histoire qui donne un tombereau de données sur cette période troublée et un roman qui veut raconter un drame. le hic, c'est que qu'en voulant courir après deux lièvres en même temps, le cycle est bancal.
Druon alterne l'énonciation pompeuse de faits historique avec des passages romancés, et le mariage des deux ne fonctionne pas. Par moment, il se met à donner des détails insignifiants comme le salaire précis des soldats de l'ost royal, à d'autres il raconte pendant de longues pages insipides la romance d'un banquier lombard avec une jeune noble de province. Ce grand écart constant rend la construction très branlante.
Qui plus est,
Druon est capable d'asséner des grandes phrases pontifiantes sur la royauté, la grandeur d'une nation et le destin. C'est lourdingue. Il a beau décrire une famille royale corrompue et viciée, il est fasciné par cette soi-disant sublimité. Difficile de ne pas remarquer l'ombre pesante du gaullisme de l'auteur dans cette manière de décrire les grands hommes.
Comparé à l'aune de la première trilogie fantasy venue,
Les rois maudits forme une longue série de 6 romans (car personne ne lit sérieusement le 7e volume qui n'est que du remplissage) très bavards qui veulent à la fois raconter le destin des rois de France, la vie tumultueuse de Robert d'Artois et les amours d'un lombard. le tout en basant l'intrigue principale sur une prophétie en forme de malédiction. Pas terrible. Inutile de dire que je me suis plusieurs fois embourbé dans le texte.
Qui plus est, comme les rois meurent à un rythme soutenu, impossible pour l'auteur de donner un semblant de véracité psychologique dans le portrait qu'il dresse du bonhomme. À peine on commence à comprendre les motivations d'un roi qu'il y passe pour laisser sa place au suivant. du coup c'est une farandole de portraits assez légers. Étrangement, on en sait plus sur les personnages secondaires qui survivent au 6 volumes.
J'ai vraiment eu l'impression de lire le cours magistral d'un universitaire plus que des romans marquants de la littérature française. C'est d'autant plus dommage que les tribulations de Robert d'Artois sont elles passionnantes. J'aurais adoré lire un unique roman basé sur la vie de cet ogre qui aurait pu, en toile de fond, raconter la chute des rois. Mais en l'état,
Les rois maudits c'est 1 600 pages bourrées de notes historiques et animées par une langue ampoulée. C'est hallucinant comme 60 ans après leur publication,
Les rois maudits ne correspondent plus à ce que l'on attend de l'Histoire et de la littérature.
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