Le livre se présente comme une suite de notations, aphorismes et citations, à la fois matière et making of du poème.
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… La rétine du chat et l’œil du poète
… La rétine du chat est dotée de deux sortes de cellules sensorielles, des bâtonnets et des cônes, les premiers détectent les mouvements, les seconds, les couleurs. Extrêmement développés chez eux, les bâtonnets leur permettent de détecter le plus infime mouvement dans l’espace (de détecter une proie de très loin, ils ont un regard d’aigle), c’est la raison pourquoi certains croient, à tort, que le chat détecte la présence des fantômes. Par moments, je me demande si ce n’est pas pareil pour le poète, qui regarde quelque chose dans le langage, qui bouge imperceptiblement, que seul son œil mental perçoit, qu’il fixe.
Je vis dans une forêt de livres…
Je vis dans une forêt de livres. Quand l’écriture est en branle, il me semble que la forêt est en remuement ; j’entends respirer, murmure, grogner ; une pleintée de présences s’active : livres, auteurs, phrases, mots ; une sarabande sauvage plutôt désordonnée qui peu à peu pénètre le corps et remonte jusqu’à l’esprit
Un enchâssement de lieux…
Un enchâssement de lieux crée mon lieu de travail : en Brocéliande, dans la forêt, dans la maison de vie, dans mon bureau, à mon bureau ; une mise en abyme qui me met en abyme. Je m’engouffre dans cet abyme. Un enfermement volontaire (le bureau) au cœur d’un lieu ouvert (la forêt) ; ça génère un sentiment d’isolement profond, d’ermitage intérieur, de retrait délicieux. Alors, quelque chose est là qui respire, tout près de la solitude du bureau, quelque chose d’enfoui dans la nuit et dans la forêt, qui fera le jour sur l’évènement de la matinée ; c’est instinctif et sensitif.
Je ne suis pas philologue…
Je ne suis pas philologue, mais j’ai l’enthousiasme grand à plonger dans l’étymologie des mots, j‘ai l’impression de partir alors en aventureuse expédition dans un monde fantastique en allant à rebours du sens en cours d’un mot, en me dirigeant vers son origine, en regardant son évolution, ses transformations voire ses déformations, ses usages, quelquefois contradictoires, et bien souvent, ce faisant, je rencontre des mots qui ont disparu ; et de ce, m’en merveille durement. « L’étymologie, au sens moderne, c’est donc la biographie d’un mot. » (Kurt Baldinger)
Écrire en accompagnant l’arrivée du jour…
Écrire en accompagnant l’arrivée du jour est la manière de se connecter au monde ; je le sens monter en moi comme la sève monte dans le chêne au printemps. Chaque jour consacré à l’écriture est un bouleversement, ‘ne rien lire, ne rien écrire, qui ne soit vérifié par la sensation, intime, d’un bouleversement’ (Agnès Rouzier). Cette relation intime au jour qui vient et au monde avec lui. C’est parfait, les conditions sont réunies ; je suis bouleversé par l’arrivée du jour. En état de perception permanente.