AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de clesbibliofeel


En exergue, les mots de Pier Paolo Pasolini, extrait de Poésies 1943-1970 :

« Dans ce monde coupable, qui se contente d'acheter et de mépriser,
le plus coupable, c'est moi, desséché par l'amertume. »

Le poète n'a pas a avoir honte…, ne nous a-t-il pas légués ses poèmes et une belle série de films oniriques qui appartiennent à l'histoire du cinéma ! Cela valait bien cette bande dessinée, belle surprise de la fin 2023, magnifique retour sur la rencontre improbable et pourtant bien réelle du réalisateur-poète et de la diva Maria Callas.
Les dessins de Sara Briotti et les textes de Jean Dufaux nous font entrer dans le monde de ces deux artistes au moment où Maria a été abandonnée par le richissime Aristote Onassis et Pier Paolo Pasolini par Ninetto, un garçon de la bourgeoisie rencontré lors d'un tournage. La célèbre cantatrice et le réalisateur se retrouvent pour tourner le film Médée, adaptation du texte mythique d'Euripide.

Sont ainsi présentés au fil des pages magnifiquement mises en couleur :

- le difficile apprentissage du chant par la mère de Maria qui, tyrannique, veut faire de sa fille la plus grande cantatrice que le monde aura connu. Maria : « Je ne me souviens pas d'un jouet, d'un jeu que m'ait donné ma mère. »

- Les moments de bonheur de Maria et Pier Paolo Pasolini lorsqu'ils partent ensemble présenter le film en Argentique et font étape au Brésil. Les regrets de Maria d'un amour impossible, Maria qui s'attache à des hommes qui ne peuvent pas l'aimer comme elle le souhaite. le contraste est parfaitement représenté entre le monde des célébrités où l'argent circule facilement et les favelas que le cinéaste aime à parcourir, dans un rapport ambiguë à l'argent et une certaine mauvaise conscience. L'effervescence et la pulsion de vie sont fortes dans les deux cas, la culture et l'entre soi d'un côté, le foot et la violence de l'autre.

- La désillusion et une grande solitude sont souvent présentes pour ces deux artistes à ce moment de leur vie. Deux belles pages sépias évoquent les manifestions étudiantes de Pier Paolo et ses espoirs politiques qui semblent loin maintenant : « La jeunesse… Cette jeunesse que j'aime car elle m'a appris l'essentiel… Mais je ne la reconnais plus à présent, tant elle me semble triste... »
- L'enfant de Maria, né prématuré n'a pas survécu, mais il est précisé dans le petit dossier en fin de volume qu'il s'agit là d'une pure légende. Un dossier complet et intéressant - avec de beaux portraits crayonnés de la Callas - où il est précisé : « Qu'est-ce que la réalité sans légende ? Pour autant respectons la réalité. »

J'ai apprécié le talent de la dessinatrice pour la minutie des détails, sa capacité à rendre la luxuriance des intérieurs bourgeois et plus encore celle des paysages et des rues du Brésil. Quelquefois, le dessin jaillit du cadre, procédé permettant d'apporter du mouvement. La coloriste Alice Scimia apporte ses merveilleuses couleurs. L'air de la Habanera colle parfaitement à ce superbe album qui nous rend proches de ces deux artistes malheureux, Maria décédée à cinquante trois ans dans la solitude et Pier Paolo assassiné sur une plage. Mais la vie pétille toujours quand on écoute une fois encore Maria chanter « L'amour est un oiseau rebelle ».

L'oeuvre de Jean Dufaux comprend plus de 200 volumes à ce jour. Entre autres "Jessica Blandy" et "Monsieur Noir", une variation satanique sur Alice de Lewis Caroll avec le dessinateur Griffo. En 2013, il prend la suite de Jean van Hamme au scénario de "Blake et Mortimer". Il est nommé Chevalier de l'Ordre des arts et des lettres en 2009.
Lien : https://clesbibliofeel.blog/..
Commenter  J’apprécie          120



Ont apprécié cette critique (12)voir plus




{* *}