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Critique de michfred


Il y a des vies qui sont déjà des romans. Et des romans qui palpitent comme la vie même, qui épousent ses soubresauts,  ses accélérations, ses temps de cale sèche. 

Hortense Dufour, grandie dans une Charente maritime battue par les vents et secouée par les grandes marées, fille d'un juge d'instruction et d'une violoniste italienne, remarquée à  12 ans par Jean-Jacques Pauvert pour ses qualités de plume, avait, dans sa vie,  de quoi nourrir plus d'un roman!

Lire le Bouchot - livre Inter 1983- , c'est s'immerger dans une eau saumâtre et intranquille, attendre que les petits crustacés s'attachent ,s'agrègent, se fixent ...et vous grignotent : il y a un temps d'incertitude, de perplexité, d'inquiétude -  et un temps de folie, d'abandon , d'enthousiasme - au sens étymologique.

On hésite à  plonger, puis on est comme happé.  Et retenu.
L' Océan vous dévore,  vous possède.

L'héroïne du roman, justement, s'appelle Océan, fille de Maremme et d'Oléron, "programmée" par sa mère italienne et musicienne à devenir écrivain et qui,  à  douze ans, ne se sépare ni de son chien, Athos, ni d'un manuscrit "La femme cent têtes",  son journal de bord.

 Teresa , la mère,  violoniste fantasque,  accordéoniste à  l'occasion, règne sur une maisonnée à la dérive : le père, un notable,  que tous appellent le Juge, les a quittés pour un poste exotique et se contente de leur envoyer, s'il y pense, un mandat qui semble plus destiné à entretenir sa Bugatti décapotable que l'étrange smala qu'il laisse, volontairement, derrière lui.

Celle-ci se compose , outre Océan et sa mère, d'une vieille tante un peu  folle, Zia, du grand père,  Nonno, et du frère aîné d'Océan, Zino, un garçon sauvage, morbide et méchant  qui ne s'est jamais remis de l'abandon paternel.

Autour de la maison qui s'enfonce dans la vase des marais et se délite peu à peu - seul le garage de la Bugatti reste un asile acceptable- , grouille une faune de pêcheurs, de marins,  d'ostréiculteurs et de paysans , un peuple de gens rudes, violents, les Misérables de la Mer qui supportent mal cette tribu aussi misérable qu'eux, mais tellement  foutraque et regardent d'un oeil soupçonneux  cette Mère Courage prête à tous les expédients pour nourrir sa meute.

L'ambiance est électrique, en tension, chargée de toute la  violence des vents et de toute la torpeur perfide des marais. Mais,  on ne sait pourquoi, cette smala bigarrée,avec ses oripeaux miséreux, ses faims lancinantes  dont  la Bugatti flamboyante, les bijoux de famille disent les revers de fortune, après m'avoir décontenancée  - trop, c'est trop , pensais-je, mais la vie parfois est excessive...-  sonne le son du vrai derrière la fantaisie brillante, les notes du tragique derrière  l'imagination fantasque. 

Et quelle belle ecriture! Dans les dialogues,  des pépites.  Dans le récit proprement dit, les images jamais "cherchées",  éclatent , insolentes, comme ces petits pétards qui vous pètent sous le pied quand on les piétine involontairement. Bref, une vraie poésie et une plume  incisive et vive. 

J'ai beaucoup aimé ce Bouchot. Merci à Agnès, mon amie charentaise, qui sait si bien faire aimer son pays.
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