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Critique de Zebra


Zebra
30 décembre 2014
En mars 2014, Marc Dugain publie chez Gallimard « L'emprise », roman de 314 pages dédié « à Maxence, minuscule et colossal, à sa soeur, ses frères et sa mère, à Édouard, avec » sa « grande affection ». D'emblée, l'auteur met en scène Lorraine, agent des services secrets chargée d'une enquête qui va s'avérer un tantinet complexe, et son fils Gaspard, autiste atteint du syndrome d'Asperger. Puis beaucoup d'autres personnages se succèdent sur fond de démocratie française en pleine déliquescence. le paysage que dépeint Dugain n'est pas rose : pouvoir, fric, sexe, trahisons, cupidité, corruption, complicités et liaisons très intéressées. Vous voici plongé dans un bain où grouillent des bestioles peu ragoutantes : un favori à l'élection présidentielle, un président de groupe militaro-industriel, un directeur du renseignement intérieur, un syndicaliste qui disparait après avoir zigouillé sa famille, Li, une photographe chinoise très en vogue que Lorraine met un soir à son menu, et bien d'autres encore avec leurs faiblesses, leurs peurs, leurs lâchetés, leurs espoirs, leurs compromissions et leur absence de scrupules. Entre eux tous, quelques points communs : cynisme, fourberie, arrogance, amoralité et défense des intérêts personnels (le fameux « tout pour ma gueule »). le lecteur de ce thriller politique est promené, sans concession aucune, dans les coulisses sordides du pouvoir, Dugain portant un regard réaliste et implacable (ou impertinent ?) sur le monde politique actuel, côté vie publique et vie privée, avec un focus particulier sur une élite grisée par le pouvoir.

L'écriture est simple, soignée, efficace et lucide. le style et les dialogues sont justes, vifs, nerveux, incisifs, sobres et sans détours, avec quelques réflexions intimes de la part de certains acteurs. Les scènes d'action ne manquent pas. le suspense est réel et l'ensemble sonne vrai, Dugain ayant pioché et à peine modifié le nom de certains capitaines d'industrie et de certains politiques appartenant à la vraie vie politique française. Ce roman qui oscille entre politique fiction, thriller et journalisme d'investigation est bien construit et plaisant à lire. Écrit au vitriol, sans langue de bois et avec les tripes, il nous tient en haleine jusqu'au bout, d'autant plus qu'il y a comme un air de « déjà vu » dû au fait que les emprunts à l'actualité politique sont nombreux et évidents.

Mais aussi criant de vérité soit-il, est-ce là le reflet de la vie politique française ? Et dans l'affirmative, pourquoi avoir travesti l'ouvrage en en faisant un roman ? Et puis, trop de sujets sont abordés de front : la mondialisation, la financiarisation croissante de la société, la pollution de la vie politique par le nombre grandissant des « affaires », la part exagérée prise par les communicants (conseillers, sondeurs, psy et devins de toutes sortes), la puissance occulte des services secrets qui régiraient nos vies sans que nous en soyons conscients, l'apathie du peuple incapable de penser par lui-même (certes, le général De Gaulle a dit en son temps que les Français étaient des veaux). Et où nous mènent toutes ces considérations à l'emporte-pièce qui donnent l'impression d'un sujet lourd et de messages dont nous devrions nous pénétrer ? Et à quoi servent tous ces stéréotypes qui donnent l'impression d'un roman fourre-tout, superficiel et un peu vite écrit ? Sans compter qu'on finit par perdre le fil de l'histoire, compte tenu de la multitude de liens tissés entre tous ces personnages, même si Lorraine sert apparemment de fil conducteur entre eux. Pour en terminer avec ce tableau, l'intrigue n'est pas très forte et un peu décousue et la fin est surprenante, pour ainsi dire bâclée, et sans issue. A trop vouloir en dire, Dugain nous laisse un livre assez peu crédible et passablement indigeste avec, en supplément, le risque que son attaque contre la démocratie à l'occidentale entretienne le slogan « tous pourris » et ne soit, au final, pas très constructive. Pour ce livre écrit par un adepte de la théorie du complot, je me force et mets 3 étoiles.
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