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Critique de CDemassieux


En 1914, Georges Duhamel, dont la vue n'était pas bonne, parvient tout de même à s'engager en qualité de médecin aide-major. Au front aussi bien qu'à l'arrière, il baignera dans le sang des morts et des blessés auxquels il aura souvent affaire. Ce présent ouvrage, récompensé du prix Goncourt en décembre 1918, raconte en quelque sorte son expérience.

Civilisation est une suite de tableaux qui oscillent entre la compassion et le dégoût, le tragique et le burlesque, le chagrin et la pitié pour reprendre le titre d'un documentaire de Marcel Ophüls. Depuis la Somme au Chemin des Dames on découvre ce que l'auteur désigne comme « la réplique de la civilisation à elle-même, la correction qu'elle donnait à se débordements destructeurs », à savoir soigner et réparer des corps brisés par la guerre, lorsque c'est possible...

Ainsi, dans ce maelstrom de chairs abîmées, on lit des histoires déchirantes, telle celle du « Lieutenant Dauche », touchantes avec les « Amours de Ponceau » et grotesques, particulièrement dans les chapitres « Discipline » ou « le Cuirassier Cuvelier », où la soumission hiérarchique et l'autorité sont sévèrement écornées.

Civilisation me fait encore penser à un yoyo qui descend dans l'horreur et remonte dans une certaine insouciance, au fil des récits qu'il déroule. Car, comme le reconnaît Duhamel, « à la guerre, les hommes pensent court : dès qu'ils s'éloignent du canon ils s'abandonnent sans méfiance aux délices de vivre »…

Parmi les différents chapitres, il en est qui occupe, selon moi, une place à part : « Les Maquignons ». Un maquignon, c'est un marchand de bestiaux. Là, les bestiaux en question sont devenus des hommes nus, entassés dans une pièce étouffante et qui passent la visite médicale devant des médecins indifférents afin de déterminer s'ils sont bons pour le service armé ou pas. Je vous laisse deviner à quelles scènes ultérieures de l'Histoire cela peut faire penser, quitte à atteindre le point Godwin. C'est l'occasion pour l'auteur d'ouvrir les vannes de son désespoir face à tant de gâchis : « Sainte chair humaine, substance sacrée qui sers à la pensée, à l'art, à l'amour, à tout ce qu'il y a de grand dans la vie, tu n'es plus qu'une pâte vile et malodorante que l'on prend entre les mains avec dégoût pour évaluer si, oui ou non, elle est bonne à tuer ! »

Dit autrement : « Les blessés étaient tous couchés et gravement atteints. Rangés côte à côte, sur le sol rugueux, ils formaient une mosaïque de souffrance teinte aux couleurs de la guerre, fange et sang, empuantie des odeurs de la guerre, sueur et pourriture, bruissante des cris, des lamentations, des hoquets qui sont la voix même et la musique de la guerre. »

Un roman pour mémoire…

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