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Citations sur La culotte en jersey de soie (25)

On a coutume de faire, en littérature, les fillettes semblables à l'idée que s'en doit créer un professionnel de la séduction : un mélange adroit de vices et de chasteté, de pudeurs perverses et d'ignorances lascives. Je me garde bien d'affirmer que cette image soit fausse, car elle fut illustrée au naturel et orne parfois les faits divers de presse. Mais enfin, je la crois artificielle et suggérée par toute une série d'écrits, dont la chasteté n'est qu'une perversion, d'ailleurs foncièrement malsaine.
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— Écoutez ce bruit lointain.
— Ils ont dû faire sauter quelque chose. Au-delà des collines...
— Cela se rapproche...
— Qu'y faire ? Le monde entier et atteint de furie destructrice. J'arrive des îles de la Sonde où l'on et aussi incendié qu'ici ; Georges dit que la Mongolie est en fureur, Tahiti s'ensanglante aussi contre sa tradition millénaire... Nous sommes, par chance, en un refuge heureux. La forêt qui nous entoure a mauvaise renommée et les masses, affolées, redeviennent crédules. Des murs solides et élevés nous protègent et mes Thibétains sont de fidèles gardiens. Nulle part le globe ne nous offrirait un asile semblable et nous jouissons, en surplus, du rehaut sentimental d'être proches des fureurs ennemies...
— Mais des avions pourraient voir ce coin civilisé, qui doit se manifester là-haut par le château et ses pelouses, les jardins et l'ordre qui y règne...
— Idèle ! il n'y a plus d'avions. Les intellectuels ont succombé. Il ne subsiste que des masses illettrées et stupides.
— Cela, c'est leur triomphe...
— Il doit pourtant résister un peu partout comme nous des gens qui philosophent en attendant le hasard. S'il consent à les servir ?...
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Je me sentais guettée par je ne savais qui ou quoi. Tout était d'un silence massif, au-dehors. De temps à autre, seul, le train passant dans la campagne faisait résonner l'atmosphère et agrémentait son roulement métallique de sifflements enroués et sinistres. Au fond, les soirées promettaient de ne pas être amusantes. De plus, je n'ai jamais su parler à la domesticité. Cette familiarité un peu hautaine qui rehausse le prestige des patrons, ces façons intéressées et négligentes, grâce auxquelles certains arrivent à s'attacher les étrangers les plus méfiants, tout ça me fut constamment impossible. Il faut, pour savoir s'entretenir avec le peuple ancillaire, beaucoup le mépriser, et je ne le méprise pas, avoir une idée très haute de soi-même ; or, je n'ai aucune vanité, enfin savoir ne rien dire en beaucoup de mots et entendre des paroles vides sans étonnement ni attention. Je n'ai encore pas cette vertu. Quant à s'intéresser réellement aux actes et à la vie de personnages incolores et amorphes dont le destin repose sur la mécanisation totale, sur l'habitude devenue l'existence même, cela, je ne le puis. Au demeurant j'ai connu beaucoup de types qui s'affirmaient amis et frères de ce prolétariat domestique. J'ai constaté qu'ils pensaient au fond comme moi, mais ne l'avouaient point. Au contraire, ils étalaient une sympathie loquace et obscure à l'égard de travaux et de destinées fort inconnus.
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Valsaudry me regardait attentivement...
— Petite ! je regrette de t'avoir dit que ma maîtresse fut belle que toi. Je l'ai fait pour ne pas sembler chercher à te plaire, car je voyais bien que tu fuyais les hommes. Mais enfin je n'aurais pas dû. Tu es plus jolie qu'elle. Ce qui est admirable c'est cet accord entre ton regard et ta bouche. Tu parles sincèrement de toute la face. J'ai longtemps cherché une femme telle. Je ne cherche plus et, j'aurais tort, car ni toi ni moi ne nous sentons de taille à nous aimer. Mais enfin ce qui caractérise les faces humaines dans les sociétés modernes depuis trois ou quatre siècles, et les portraits de femmes le disent tout net, c'est le divorce des traits du visage. Les jeunes filles passent leurs jeunesses devant leurs miroirs à faire dire aux yeux ce que la bouche dément et à plier la bouche aux paroles niées par le regard. Il a été obtenu évidemment des résultats admirables dans ce jeu menteur. La Joconde fit pâmer des générations d'imbéciles. Mais aujourd'hui tout le monde fait sa Joconde. On n'admire donc plus guère que de confiance ce masque de femme laide. Elle médite d'injurier la chambrière qui raccommode mal ses bas de soie, tandis que le peintre lui dit : souriez naturellement, comme lorsque vous voyez votre amant le plus chéri. Vinci ne savait pas que le plus chéri des amants de Monna Lisa la battait comme plâtre.
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Il y a un retour au chaos dans les âmes depuis un an. Ce retour affecta d'abord des formes pratiques puis impraticables, comme il convenait pour des cerveaux rudimentaires investis de tâches supérieures au génie même. Bon ! Il y eut donc retour accéléré à la barbarie. Cela est mécanique quand les hommes perdent les inhibitions sociales sans acquérir les inhibitions morales. Le fléau peut être calculé dans sa marche jusque-là.
Mais il arrive un point où le relâchement de tous les liens use les forces même de destruction, dans le fait et dans les âmes. Alors les individus vidés de toute révolte et de toute passion de violence ne sont plus que des moutons qu'on pourrait, selon les circonstances, remettre au dressage. Si le phénomène affecte une forme générale et unique, c'est le retour fatal à l'animalité, mais s'il garde des vitesses diverses selon les lieux, il peut rester des milieux non encore vidés de toute raison. Alors, devant la misère psychique de ceux qui les précèdent dans le néant intellectuel, ils feront frein. Ils constitueraient donc volontiers un noyau autour duquel pourrait s'agréger à nouveau une forme sociale. Il faut toutefois qu'il y ait aussi une, ou des, âmes de chefs sous pression. Là est le centre de polarisation indispensable.
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Il y a mieux encore. Pour donner plus de quiétude à leur conscience qui pourrait être troublée malgré tout, la plupart des mâles, quoique la prisant fort pour leur usage, diminuent, en paroles, la valeur réelle de la chasteté des fillettes. Ils répandent des bruits grotesques et grossiers, ils publient des livres, ils font une propagande acharnée, par le théâtre, le roman et les propos de salon, pour qu'il soit bien avéré qu'il n'y a vraiment pas tant de ménagements à prendre avec les adolescentes ; celles-ci étaient gangrénées par mille causes : les ouvrières des quartiers pauvres, par les exemples de la promiscuité (hélas ! trop certaine). Les rurales, par l'exemples des bêtes, et les jeunes filles de la bourgeoisie par les vices solitaires ou unisexuels.
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On maintient l'impunité des satyres et déflorateurs, et cela se fait en tenant les questions sexuelles dans l'ombre. On ne saurait donc se livrer à des enquêtes judiciaires et constituer des dossiers sur cette matière estimée honteuse. La magistrature, où les huguenots sont si nombreux, s'y refuserait. C'est très habile. La tranquillité de ces sales individus que sont les salisseurs de vierges est maintenue hypocritement par cette voie détournée. [...] Il faut, pour faire régner deux sous de justice, non pas améliorer les articles du code, non pas faire les prédicants, mais imposer des principes nouveaux d'où la justice vraie se déduise seule. Que la sexualité cesse d'être une chose horrifique et cachée sous un triple voile. Soudain l'idée qu'il existe des torts sexuels naîtra dans l'esprit de chacun et l'amateur de vierges aussitôt apparaîtra une fripouille. Cela sera automatique. De même, comme nous disions tout à l'heure, que le puissant, à délit égal, soit plus lourdement atteint que le pauvre. La valeur représentative de l'acte répressif augmentera assez pour tenir le bas peuple dans le devoir, car il sait bien que nul espoir ne subsiste plus pour lui d'échapper là où un homme armé de mille moyens de frauder la justice a succombé. Ces principes sont enfantins et leur vérité est dépourvue de complication. L'on reste stupide que des siècles de gouvernement n'aient pas songé à les mettre en action.
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Et comme, particulièrement, les gens de pouvoir centraux sont le plus souvent érotomanes, ils n'envisagent en matière de crimes sexuels rien d'autre que le chemineau violant une bergère au coin d'un champ. Ce délit sous sa forme policée se répète à Paris chaque jour pourtant voilà trois amies qui l'ont connu, ou presque, sous une multitude de formes. Jugez un peu ce qu'il en est pour des jeunes filles qui n'ont ni défense ni esprit critique et qu'on arraisonne avec des promesses sans sincérité ni précision ; éduquées qu'elles furent dans cette religion de la pudeur qui leur fait espérer entendre les hommes parler d'amour avec la foi du missionnaire. Elles sont victimes, et cela les mène loin... Mais nul ne s'en occupe. Ce sont des questions...pornographiques...
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« Que la sexualité cesse d’être une chose horrifique et cachée sous un triple voile. Soudain l’idée qu’il existe des torts sexuels naîtra dans l’esprit de chacun et l’amateur de vierges aussitôt apparaîtra une fripouille. »
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— Tu as gardé ta pensée d'avant le cataclysme.
— Je n'ai qu'une pensée. Et puis j'ai vu cela. Je l'ai vécu...
— Elle a raison. Le goût de s'individualiser est maladif quand il pousse à renier les seules belles choses que les vieilles théologies avaient révérées et qui nous sont chères par tant de fibres ancestrales.
— On ne peut pas tout juger sous l'aspect de la morale nietzschéenne.
— Mais vous savez bien que la conception du Maître, qui règne et fabrique des superéthiques, finit dans la paralysie générale. Je crois bien que cette conversation nous indique un moyen de charmer les heures à passer ici. Que celles-ci soient longues ou que la plèbe vienne nous assiéger.
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