J'avais vu cette couverture émerger parmi d'autres en librairie avec le regard distancié de celui qui est intéressé par l'oiseau rare, la perle, la pépite dans ce fatras de BD indigestes pour la plupart. Je n'ai jamais cessé d'aimer la BD, mais la bonne, celle qui a une histoire, originale, qui est bien dessinée, au bon trait et de belles couleurs ; et j'ai conscience que l'âge d'or est derrière. Quand j'achetais 7, 8 BD par mois, aujourd'hui j'en achète une tous les 3 mois. Mais je ne désespère pas non plus qu'après une génération sans comme une année sans pommes, de voir surgir des talents chez les tout jeunes, et je pense que le renouveau de la qualité ne peut venir que de là.
Je n'avais même pas vu le titre, encore moins le surfeur, je pensais même qu'il s'agissait de montagnes issues d'un esprit imaginatif; et bien en fait de montagnes, il s'agit de montagnes de vagues vues avec l'oeil du surfeur, et de l'artiste bien sûr. Et Angoulême en a parlé, l'a repéré, et ainsi j'ai appris l'histoire et l'ombre ou l'anonymat qui planait sur l'artiste s'est présentée à moi en jetant le masque et mon intérêt a jailli comme un geyser.
AJ Dungo dit : " Il fallait que je rende justice à Kristen, il fallait que je sois à la hauteur de ce qu'elle m'avait demandé".
AJ Dungo est un jeune artiste passionné de surf, au moment d'élaborer son premier livre graphique, il vient de perdre son amour dans des circonstances tragiques. Son éditeur lui dit qu'il faut apporter un paramètre à son histoire de surf, que c'est insuffisant pour entraîner l'adhésion du lecteur, il lui raconte un peu sa vie et le drame qu'il vient de vivre, cette absence qu'il ressent cruellement, et l'idée d'intégrer son épreuve personnelle est née, et c'est l'album, et c'est l'envol international ..En quelque sorte un bonheur naît d'un malheur, et c'est triste !.. Je pense qu'un livre littéraire n'aurait pas été possible, car trop d'émotion, trop de larmes, et du pathos.
AJ Dungo dessinateur a pu exprimer valablement son idée car sa main talentueuse a pu griffonner presque mécaniquement des pages comme le rescapé d'un naufrage aurait dessiné sur le sable sa détresse , les images fortes qu'il vient de vivre et son cri, gommant ainsi les faiblesses du récit littéraire, et on peut penser aussi que l'idée du surf qui préalablement s'avérait insuffisante, est venue possiblement objectiver son projet et surmonter les aléas du coeur.
Un grand artiste est né, la BD je ne sais pas si elle renaît de ses cendres, mais en tout cas
AJ Dungo sort du lot de manière éclatante et sert son art à merveille