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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un trope est une figure de style qui sort du code habituel de la communication. le signifié, ce dont l'on parle, n'est pas exprimé directement. le trope plus connu est la métaphore, l'image linguistique. Une métaphore est, essentiellement, une comparaison qui n'est pas rendue explicite par les indicateurs « comme », « pareil à » etc.
Souvent, le langage que Dunyach emploie vire au métaphorique. Mais, plus que ça, son histoire entière transmette la vision d'une métaphore. Souvent l'auteur saute sur des explications des éléments fantastiques ou les remplace par un langage saturé d'images. Souvent des allusions parsèment les conversations des personnages : « On n'en finit pas de démêler les sous-entendus. » Souvent, en autre mots, l'histoire n'exprime pas directement ce qu'elle signifie. C'est précisément en ceci que consiste la valeur de cette oeuvre.

Au début, le lecteur est plongé dans la confusion. Les informations pour tisser l'arrière-fond des événements racontés sont éparpillées dans les premiers chapitres Il y a un artiste, Closter, qui saute entre des villes qui paraissent se trouver sur des planètes différentes. À chaque saut, à travers un système d'échange, Closter, un des doubles du vrai artiste Monteori, change place avec lui. Et puis apparaît une Astrale, voyageuse spectrale qui réclame être à la recherche de son corps : Marika. Les destins des deux personnages s'unissent, sans indication par où leur chemin commun puisse déboucher.

Une métaphore est nécessairement détachée de l'immédiateté de la compréhension: elle est une image du signifié, pas le signifié lui-même. Plus la métaphore est inusitée, plus grand résulte le détachement entre l'énonciation et la compréhension.
« Étoiles Mortes » est, comme chaque histoire, une histoire unique. Ainsi elle est aussi une métaphore unique. le lecteur va tarder à la déchiffrer. L'auteur est économe avec des éclaircissements, le triage entre l'actuel et le métaphorique prend son temps, le signifié ne se dévoile que lentement – et quelques parts resteront à l'ombre.

Par exemple, au début, on est tenté de croire que les villes n'ont pas une vie organique, comme ils l'ont réellement, mais que c'est plutôt la perception artistique de Closter qui les dotent d'une telle vie. C'est assez difficile à imaginer, voire d'expliquer : une ville étant une entité sensible. Ainsi, c'est seulement conséquent que les descriptions dérivent au métaphorique. Cette tendance est le plus accentuée quand des éléments fantastiques prédominent dans le texte.
Par exemple, Closter se braque sur le système neuronal d'une ville et se met en communication avec elle. Ce procès n'est pas décrit en termes bio-physiques ou informatiques, mais par des images : « Je m'enfonce dans les profondeurs, parcours salle après salle le labyrinthe de son esprit. » Au lecteur revient d'interpréter ces images de l'immersion dans le réseau nerveux d'une ville : « Je suis une lame qui tranche, une épée qui pourfend. » etc.
La divergence du code habituel du langage ne s'achève pas seulement par le penchant vers le tropique, mais aussi sur le niveau de la syntaxe : « Froid, silence, flétrissure. Engourdissement. Vieillesse. » – « Je capte des bribes de pensée (lumière/douceur, vision d'un échiquier circulaire où s'affrontent des pions bicolores.) » L'effet est le même que pour les altérations au niveau sémantique. L'immédiateté de la compréhension est retardée, si peu qu'il soit, parce que les parties essentielles pour la formation d'une phrase ordinaire sont tronquées, principalement le prédicat. Pour que la compréhension se maintienne, le lecteur lui-même prête de la cohérence aux phrases, en ajoutant mentalement les parties manquantes.

Par endroits la cohérence semble aussi faire défaut au récit. La valeur exceptionnelle de cette oeuvre réside en que les failles dans la cohérence augmentent sa qualité, au lieu de l'abaisser.
Le livre ne perd en rien parce que certains faits sont recouverts de silence ou d'un voile d'ambiguïtés.
Tout le signifié ne se dévoile pas. Par exemple, pourquoi Closter se réveille deux fois dans la ville Nivôse, s'il n'y est sauté qu'une fois ? La double amnésie serait-elle un contrecoup tardif du saut ? Ou : comment sont censés fonctionner les échanges ? Est-qu'ils sont seulement immatériels, comme la nécessité d'avoir des doubles l'implique ? Mais dans ce cas, comment peut Closter affirmer qu'il ne devienne pas excédentaire quand il part d'une ville mourante où il laisse son corps ? Comment Closter et Marika peuvent quitter Aigue-Marine par la frontière, sans se voir incommodés par des gardes, malgré que les contrôles sont plus strictes aux frontières d'Aigue-Marine qu'aux autres villes ? Les autorités les auraient-ils laisser s'échapper par exprès ? Ou encore : Guanadi a-t-il trahi Closter en mettant à sa disposition une arme ineffective ? Pourquoi Vorst continue quand même de croire qu'elle fonctionne ?
Voilà quelques des questions que le livre évoque sans les résoudre. le lecteur remplit les lacunes en l'effort d'établir l'équilibre d'une unité de sens. Pourtant, s'il y avait lieu une résolution complète, la métaphore deviendrait méconnaissable : le signifié s'offrirait directement au lecteur. Comme ça, le livre perdrait son caractère particulier.

La parcimonie des explications donne aussi plus de poids aux explications qu'il y en a. Ces éclaircissements soudains, qui change pourtant profondément l'aspect de l'histoire, se glissent à pas feutrés dans le récit. C'est conséquent que l'auteur ne les signale pas expressément, parce qu'ils ne sont pas la clé pour entendre une métaphore, ils font partie même de la métaphore, c'est-à-dire, du récit entier. du reste leur apparence peu spectaculaire ne diminue point leur effet. Un de ces éclairs, lancé au début, j'ai déjà lâché : « Je suis un de doubles de Monteori. » Mais viendront des autres, plus significatifs encore : « Des dieux habitables. » – « Lui aussi est une personnalité multiple, n'est-ce pas ? » – « Tu es l'original. » – « — Et la bombe ? L'expression de son visage est éloquente. » – « Monteori m'a chargé de gérer son passé à sa place ».
Le lecteur, voyageant dans le clair-obscur du récit, est soudainement confronté à la clarté aveuglante que jette ces phrases. Sa perspective sur l'histoire se bascule, mais se stabilise aussitôt en nouveaux paramètres, le récit continuant dans son style ordinaire.

« Étoiles Mortes » arrive au but suprême de la création artistique, c'est-à-dire, l'unité de la forme et du contenu, du langage et du récit. Ici ni l'un ni l'autre se concrétisent complètement, ni l'un ni l'autre sont conçus pour achever une structure aboutie, mais ils sont conçus pour composer un ensemble que lui si irradie toute la vigueur d'une oeuvre d'art ciselée à la perfection.

Lien : http://simonbrenncke.wordpre..
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Le cycle des Étoiles mortes a vécu quelques autres vies avant d'arriver aux éditions Mnémos, notamment chez J'ai lu puis, avant cela, au Fleuve noir dans la collection anticipation. La belle édition de Mnémos regroupe en un seul les trois volumes, sous une couverture cartonnée. Ce chef-d'oeuvre de la SF méritait bien cela.
Ce cycle est donc composé de trois parties, mais la deuxième étant la suite directe de la première, je choisis de les évoquer ensemble et d'en séparer la dernière qui constitue un roman bien distinct.

Dans un futur difficile à situer, mais probablement pas si loin de notre propre époque, la Terre est surpeuplée, les zones cultivables de plus en plus rares et la méditerranée est devenue un vaste désert. Au coeur de celui-ci, les hommes ont fait une découverte : un AnimalVille. Ils l'ont nommé Aigue-marine et cette immense créature, grâce à sa connexion avec ses soeurs, leur a ouvert les portes de l'espace.
Quelques années plus tard, on rencontre ainsi Closter, artiste en manque d'inspiration devenu doublure, qui sillonne les AnimauxVilles avec son chat au rythme des échanges entre les cités. Il semble se laisser balloter par l'existence, jusqu'à sa rencontre avec Marika, une ancienne Aléatrice qui erre à la recherche de son corps…
Et vous vous demandez probablement de quoi je parle, mais le mieux à faire pour comprendre tout cela est de lire ce récit aussi complexe que brillant. Je ne savais pas moi-même où j'allais et n'en ai que plus apprécié ce roman époustouflant qui, outre ses qualités de texte de SF, offre au lecteur qui s'implique une course poursuite déchaînée et des mystères dignes d'un bon polar.
Les personnages eux-mêmes évoluent beaucoup au cours du voyage. On apprend à les connaître. Les esquisses se complexifient sous nos yeux, gagnent en relief et en zones d'ombre. Fuyants, quelquefois inconsistants (c'est le cas de le dire, mais Marika l'Astrale l'est moins que Closter) de temps en temps malaisés à suivre, on finit par les aimer, les détester aussi, parfois en même temps. Cependant, même les caricatures se fissurent et nous laissent entrevoir la complexité de l'âme humaine. Et il y a Ombre, un des plus formidables chats littéraires qu'il m'ait été donné de rencontrer.
Je me suis glissée lentement dans l'intrigue, jusqu'à ne plus pouvoir lâcher ce roman avant d'en connaître la conclusion. C'est de la très bonne SF, imaginative sans perdre contact avec la réalité, offrant une vraie réflexion tout en restant ludique et distrayante. Ce roman m'a tout de suite plu, mais il n'est pas facile de prendre pied dès les premières pages sur ces cités de chair. L'histoire se dévide petit à petit, se dérobe souvent, comme les souvenirs de Closter. J'ai adoré cela, mais si ce dédale vous décourage, je vous exhorte à la patience. Elle sera récompensée.
Ce texte est magistral, déroutant, empli de suspense jusqu'à la toute fin. J'en suis sortie lessivée. Cette première partie des Étoiles mortes m'a offert mon dernier, mais pas des moindres, coup de coeur de l'année. Je ne l'avais pas encore terminé que je bousculais ma liste de Noël pour faire passer en priorité Étoiles mourantes, autre facette de l'histoire des AnimauxVilles que Dunyach a écrit en collaboration avec Ayerdhal, c'est dire.

J'avais besoin de digérer cette première partie et n'étais pas particulièrement emballée à l'idée de me plonger immédiatement dans une suite, surtout axée sur un personnage secondaire. Mais je n'avais pas le choix. En tournant les pages de Voleurs de Silence, je ne savais pas vraiment dans quoi je m'embarquais. Après un récit pour le moins haletant, j'ai pénétré dans une oeuvre très différente. le changement d'ambiance fut perturbant, mais les événements plus encore.
Voleurs de Silence est une création esthétique, peut-être trop pour moi. le lecteur passe sans cesse du réel au rêve, à la suite des personnages. Les songes qui sont ainsi vécus par Vorst comme par le lecteur éclatent le récit, le fragmentent ou le lient de force. Ils sont artistiques, contemplatifs et peu perméables. Ces rêves sont des cabochons incrustés dans la part de réel du roman, des parties qui semblent indépendantes, mais sont nécessaires à l'ensemble.
On apprend ou non à aimer ce roman bizarre qui ne m'a pas semblé facile d'accès. Je pense que le premier rêve, qui m'a profondément dérangée, a contribué à ma difficulté à entrer dans ce texte, mais je me suis laissé convaincre au fur et à mesure. L'harmonie vient malgré le doute, ou peut-être grâce à lui.
Voleurs de Silence est à la fois un labyrinthe et un puzzle, une méditation active, quelque chose à vivre et non à raconter, le voyage y compte autant que la destination. Deux forces s'y opposent, mais laquelle représente vraiment le chaos ? Et, surtout, vont-elles saisir qu'elles ne sont pas dissociables ?
Encore plus déroutant que le roman précédent, Voleurs de Silence m'a laissé une très étrange impression. Cette lecture fut épuisante, nettement moins plaisante, et me donnera longtemps à réfléchir.

Étoiles mortes est un chef-d'oeuvre qui ne doit pas être uniquement réservé aux amateurs de Science-Fiction. Donnez-vous la peine de découvrir ce cycle qui sait garder ses secrets, éveiller l'intérêt tout autant que l'intelligence du lecteur et qui crée un équilibre artistique qui, ma foi, est bien digne de ceux de Closter.
Lien : http://livropathe.blogspot.f..
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Un gros coup de c?ur que ce roman à la fois poétique et philosophique ! Il serait difficile d'en évoquer les tenants et aboutissants en quelques lignes, tant il est riche et dense. Mais jetons quelques éléments évoqués par l'auteur : statut de l'artiste, difficulté à créer, a fortiori dans un monde pourri par l'argent, mémoire, immortalité, difficulté d'aimer, mais aussi rébellion, oppression et prix de la liberté. Oui, tout cela, et avec une grande cohérence par dessus le marché ! La plume sensible de Dunyach apporte la touche de poésie qui manque souvent aux romans de science-fiction (à mon goût) et le choix d'une temporalité au présent renforce cette sensation de fragilité de l'individu, au milieu de toutes ces grandes questions et de tout ce grand univers.
Pour moi, c'est un must have read !
Lien : http://livre-monde.com/chron..
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Dunyach est souvent considéré comme un auteur de SF « exigeante » mais je n'aime pas trop cette idée car à trop vouloir être exigeant en SF comme en général en littérature, on en devient vite abscons et on publie de la merde sans s'en apercevoir. Je fais partie de l'école « la beauté est dans la simplicité ».
Etoiles Mortes est à la fois indéniablement poétique, légèrement érotique et parfaitement onirique sans jamais être obscur.
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