Angélina, tome 2 : Le temps des délivrances

Il neigea toute la nuit sur le vieux château, où, dans le silence et la joie, se concevait une nouvelle âme, un germe d'humanité, né d'un fol amour et d'une noce en plein hiver.

Ce sang drainait un embryon, une créature vivante qu'elle avait assassinée. Qu'il fût le fruit d'un inceste et d'un viol ne parvenait pas à amoindrir sa faute, car pour une sage femme, c'était un écart grave, irrémédiable.

Je ne veux plus quitter la cité. Octavie, papa m'a pardonné, il tient à connaître Henri et à nous inviter à déjeuner chaque dimanche. Je li briserais le coeur en m'en allant d'ici.

Une larme roula sur sa joue. Elle l'essuya du revers de la main, puis un timide sourire vint fleurir sur ses lèvres d'un rose délicat. Il y avait dans la cité de Saint-Lizier quelqu'un capable de la consoler de tous les chagrins, et c'était un petit garçon, Henri, son fils. Lui seul comptait, lui seul. Elle s'endormit enfin.

- Tu choisiras une bague pour la femme que tu aimes, tu la garderas avec toi et, s'il te vient un peu de courage, tu pourras l'offrir à Angélina.
Elle y verra un gage de tes sentiments.

Perplexe, le baladin obéit et revint s'asseoir en face de la vieille dame.
Il l'avait sous-estimée, cette mère qui lui convenait de plus en plus, dotée d'un caractère fantaisiste et passionné, d'un esprit habile et fin, d'une grande culture et d'une vive intelligence.

- Dites-moi, est-ce que mon père, quand il vous avait promis sa foi, vous avait offert une bague ? interrogea-t-il néanmoins dans le but secret de la peiner.
- Bien sûr, et elle est dans ce coffret (...)
A toi de la reconnaître parmi les autres.

- Tu ne m'as pas répondu, Luigi. Je t'ai demandé si tu aimais Angélina.
J'ai besoin de le savoir. Et, si tu l'aimes, je veux te mettre en garde, voilà !
- Contre quoi ? grogna-t-il.
- Contre Philippe Coste, qui lui a écrit et qui rendra visite ce mercredi.
Un brillant médecin, un homme séduisant. Une jeune femme aussi belle et intelligente, lasse d'être célibataire, peut céder à une promesse de fiançailles.
Et Guilhem ? Il prétend vouloir divorcer. Une fois guéri, il est capable de persuader Angélina de renouer avec lui. Il a un atout énorme, c'est le père d'Henri et elle l'a aimé.
Même si ces deux prétendants n'ont guère de chance de te l'enlever, eux au moins lui montrent qu'ils l'aiment, ce que tu ne fais pas.

Luigi tomba dans le piège (...) A la fois furieux et vexé, il s'écria :
- Je lui montre que je l'aime à ma façon !
Je l'ai soutenue dans son projet de dispensaire, j'ai mis la main à la pâte, j'ai travaillé pour elle. Je me suis chargé des commandes de matériel et des installations indispensables.
Et figurez-vous, madame, que je lui ai même avoué que je l'aimais.
Qu'a-t-elle répondu en retour ? Rien, aucune déclaration, aucun élan de joie, juste un regard étrange, plein de mélancolie et de doute.

Il savait pertinemment qu'il travestissait la vérité, mais il n'avait pas le goût de se livrer davantage.
- Aimer ne suffit pas toujours, mon fils,
il faut s'engager aussi, échanger des serments

Comme toujours une histoire passionnante on attend la suite avec impatience...

La jeune fille respira à pleins poumons les senteurs familières des sous-bois humides, en s'interrogeant sur les mystères de l'existence.

Foc del cel !