J'avais envie de lire depuis un moment
Elisa Shua Dusapin. J'ai donc démarré avec «
Les Billes du Pachinko », un peu par hasard, ou plutôt guidée par un hasard bien orchestré : les bibliothécaires de la Médiathèque que je fréquente proposaient de découvrir des livres recouverts de papier cadeau, avec juste une petite étiquette pour attirer l'attention des lecteurs. Celui-ci mentionnait une touche nostalgique et une forme d'exotisme : je n'ai pas du tout été déçue en déchirant le papier cadeau qui entourait celui-ci.
Claire est une jeune femme étudiante suisse, qui passe ses vacances d'été chez ses grands-parents à Tokyo. Elle parle le japonais et travaille à temps partiel dans une famille pour s'occuper de la petite Mieko, à la demande de sa mère professeure, pour qu'elle perfectionne son français en vue d'un déménagement en Europe.
Mais Claire est aussi la petite fille de grands parents coréens. J'ai découvert à cette occasion l'histoire de la guerre entre la Corée et le Japon, et l'installation de Coréens au Japon après ces évènements. le grand-père de Claire s'occupe d'un lieu où l'on pratique le « Pachinko ». Renseignements pris auprès de Wikipédia, le Pachinko « est un appareil pouvant être décrit comme un croisement entre un flipper et une machine à sous. Très populaire, plus de cinq millions de machines sont dénombrées au Japon ».
Claire est aussi censée préparer un voyage de retour qu'elle devrait faire avec ses grands-parents en Corée. Mais ils sont partis depuis cinquante ans. Et on comprend en creux que la grand-mère ressent à la fois du désir et de l'appréhension à l'idée de retrouver le pays de sa jeunesse où elle n'est jamais retournée depuis la guerre.
Il y a un côté « Lost In Translation » dans ce livre d'
Elisa Shua Dusapin. Elle-même issue d'un père français et d'une mère sud-coréenne, ayant grandi entre Paris, Séoul et Porrentruy en Suisse (on comprend mieux le personnage de Claire), personne n'est vraiment à son aise dans ce récit. Ni les relations qu'entretient Claire avec ses grands-parents, pour qui elle éprouve de l'affection mais avec qui les malentendus s'accumulent, ni non plus celles entre la petite Mieko et son enseignante, qui s'efforce pourtant de se mettre à sa portée, ni entre la mère de Mieko et Claire : rien ne va vraiment.
Par-delà la barrière des trois langues (français, japonais, coréen) c'est toute la difficulté de la communication interpersonnelle qui est interrogée : chacun possède ses codes, qui sont issus de la culture et de l'histoire de chaque personnage, et personne ne se comprend vraiment. Malgré l'attachement et l'affection mutuelle, tous sont en proie à une forme de solitude dans l'impossibilité de communiquer profondément les uns avec les autres. le final métaphorique en sera le symbole.
Je salue donc la prouesse de l'autrice suisse, qui, sans jamais tomber dans le pathos, parvient au travers de scènes minuscules à nous faire prendre conscience de toute l'ambivalence des relations familiales.
Et je lirai avec attention les autres récits de
Elisa Shua Dusapin, à découvrir sans modération.