Le propos de "
Naître fille" est encore d'actualité, on l'accordera.
Le titre refera un point, décomplexera, libérera la parole sur le "faux" tabou féminin qui pourra parfois installer les femmes encore comme un citoyen de second ordre, un personnage à charge ou hélas, un bien meuble à certains lieux du monde.
Le titre piochera dans plusieurs sociétés des exemples concrèts, ancrés dans les habitudes et les normes de société (plutôt patriarcales). La preuve que l'égalité homme-femmes n'est pas une nécéssité ou une urgence allant toujours de soi partout.
Si certaines filles en France vous diront que lancer des alertes est peut-être exagéré, parce que leur famille, leurs parents, leur communauté, leur tribu d'amis, les ont aidé à grandir, s'émanciper, à se montrer pleines d'espoirs et de projets, libres de faire, en tant que fille, il faudra aussi se résoudre: ça ne sera pas le cas partout, ici et ailleurs.
Avec "
Naître fille", garçons et filles, on se permettra de découvrir des cultures, de dire, de voir, de juger et d'en parler peut-être après, entre filles, entre jeunes et adultes.
Un drôle de regard sur le monde en tant que fille (et en tant que garçon).
Nous parlerons tabous, à plusieurs niveaux, sur les secrets du corps féminin d'une part (dont la meilleure compréhension pourrait rapprocher les deux sexes, justifier des aménagements à l'école, au travail...) et aussi sur la place, le regard à porter sur les filles dans diverses sociétés (c'est la loi de la tradition, donc le mauvais traitement est un mal nécéssaire, il ne se discute pas et encore moins en dehors des communautés). Tabous.
Le titre est bien fait et très avenant malgré les révélations des textes.
La charte graphique est extrêmement fraîche et colorée, on peut parler de choses qui fâchent sur un terrain apaisé et une lecture attrayante.
On se raconte en fille, en amie et non en martyr grâce à cette présentation des profils girlies rouges et roses.
Le déroulé est originale: un cas féminin différent abordé en fiction et un développement simple par la suite pour creuser le sujet, concis, en plusieurs points clé de compréhension.
Le sommaire le montre, différents destins en France, le Népal, l'Afghanistan, le Kenya et le Mexique, dans lesquels nous nous immiscerons avec les confidences des personnages sous forme d'extraits de journaux intimes.
Kaneila et ses cycles de menstruel, sa foi, Jade et ses formes généreuses, Manoosh la Basha posh qui devra se vêtir en garçon, Makena et l'excision, les mariages forcés, Luisa et les harcèlements de rue.
Non, l'injustice et la maltraitance ne sont pas culturels, insistera le titre et l'auteure
Alice Dussutour.
On en apprend vraiment, c'est un titre à recommander à toutes les très grandes ados mais aussi aux garçons du même âge.
Nous irons parfois dans les extrêmes parce que ces témoignages n'iront pas dans l'exception, ces brimades et humiliations des filles seront des modes de comportement pensés, validés, normalisés sur la base négligeable d'une femme possiblement ignorée, bafouée, parfois battue pour avoir fait valoir son libre-arbitre.
Qu'il est dur de découvrir le " Chau Goth", la petite cabane d'exil dans laquelle Kaneila doit se rendre à chaque menstruation pour ne pas "souiller" les gens et la nature ou bien les craintes de Makena de se voir mutiler les parties intimes de force.
Intéressant, la situation des familles de filles qui peuvent choisir de les troquer le temps de leur enfance avec des garçons, les déguisant. Ces filles pourront jouer à découvert, circuler sans permission, faire du vélo sans violer la décence. Jusqu'à la puberté seulement car après, hélas pour les familles, il n'y aura plus rien à faire pour camoufler l'escroquerie.
Certaines n'iront toujours pas à l'école pour les rendre dociles et soumises.
Chacun en sortant de ce livre devra se poser les questions: est-ce normal pour les filles de ne pas naître comme l'égal de ceux qu'elles devront épouser, aimer?
Est-ce normal qu'ils ne leur souhaitent pas toujours la pareille?
Un document riche, touchant dans sa dimension de vérité et instructif.