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Critique de lamouchequilit


Une jeune femme kidnappée puis séquestrée dans une ferme abandonnée. Un suicidé. Des services secrets. Un pays totalitaire... de parfaits ingrédients pour un roman de genre (genre un thriller un brin tordu de Grangé, un polar psychologique glaçant à la Lisa Gardner). Enfin, vous voyez le style.
Or non. Pas si sanglant que ça au fait, ni si farouchement sérieux. Et puis la ferme, eh bien, elle se trouve dans la Creuse. Et il fait beau en ce début d'automne. Et les deux kidnappeurs sont, au fond, de braves gars. Qui se révèlent gentils. Et prévenants. Et puis, on n'a pas mentionné les autres ingrédients : l'histoire du confit aux lentilles et du séjour tellement aérien dans la nacelle d'une éolienne.
Et tous ces petits décalages, à chaque détour de phrase, à chaque situation, décalages tantôt subtils tantôt franchement énormes qui font qu'on est d'emblée ailleurs. Dès les premières phrases et puis tout au long de ce magique tour de manège dans lequel nous embarque le narrateur, son petit sourire en coin et l'étincelle dans l'oeil espiègle. Beh oui, il s'amuse, et puis, en plus, il n'y est pour rien, lui, si ça s'est passé comme ça !
Enfin, vous l'aurez compris, nous sommes là dans le domaine de la littérature, où même de la Littérature, de la fiction qui ne se cache pas mais qui au contraire, s'affiche librement. Comme si le romancier, au sommet de son art et de son expérience, s'était dit : allez, cette-fois, j'y vais vraiment, on est là pour un court moment alors autant tout donner et sans contraintes. Et quelle prodigalité ! Quelle générosité ! Il y a là des inventions qui, à d'autres, tiendraient pour une dizaine de romans.
Pour une description d'un parc au printemps, ça donne des perles du style : « Ça bourgeonnait sec chez les thuyas ». Alors je ne sais pas comme vous, mais moi je ne peux m'empêcher de rire. Et je pense que je ne verrais plus jamais ces innocents (et ennuyeux, au passage) thuyas du même oeil. La littérature a le pouvoir de transformer le réel : ici, elle le rend léger, dansant, transparent. Dans ses « leçons américaines », Italo Calvino consacrait une de ses réflexions à la légèreté, une des grandes valeurs selon lui qu'il nous faudrait cultiver, faute de quoi la littérature pourrait dépérir. Avec des auteurs comme Echenoz, elle a encore de beaux jours devant elle.
Vous remarquerez que je n'ai toujours rien dit de l'intrigue : d'ailleurs, ne lisez pas les résumés et n'écoutez pas ceux qui insistent pour vous raconter l'histoire. Laissez-vous surprendre.
Pour les amateurs d'analyses psychologiques profondes, de grandes destinées humaines et de déchirements historiques (mais oui, moi aussi, j'aime bien parfois), ils risquent d'être déroutés, qu'ils passent donc leur chemin. Ceux par contre qui aiment savourer un bon morceau de littérature, bien juteux, de ceux qui vous éclatent sous la langue en mille pépites de surprise, un seul conseil : régalez-vous !
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