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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« T'es écrivain? »
« Faut croire. »
« Les écrivains sont des bons à rien. »
« Tout à fait », dis-je. »
« Absolument nuls. »
« Je ne saurais mieux dire », fais-je.
En faites il ne plaisante pas, en panne d'inspiration il s'est terré dans un village de pêcheurs au bord de l'océan. Une panne qui va lui donner matière à un autre livre.
Isolé du monde mais pas tant que ça, entre des beaux paysages de mer et de pluie, et un quotidien peuplé de gestes et d'actions simples pour vivre ou survivre, il suit l'actualité mondiale qui lui donne le pouls d'un monde à la dérive.
Ni histoire ni action à proprement parler ici, pourtant, en brèves notations donnant souvent matière à méditer, un texte bouillonnant de réflexions et de références littéraires et musicales, chargé d'un regard humble et ironique à la vie, avec l'arrière goût d'un amour terminé. le temps d'une lecture et de quatre saisons, une rencontre interessante avec un écrivain qui ne prend ni la vie ni lui-même au sérieux, une lecture extrêmement plaisante où il m'a très souvent fait sourire avec son humour subtil. Deuxième rencontre avec Gyrdir Eliasson après son magnifique « Au bord de la Sanda » un poète, un grand écrivain.

« Si c'était la radio qui faisait la loi, l'univers ne serait qu'un brasier de conflits. C'est peut être le cas en réalité. C'est malgré tout difficile à croire, quand on contemple par la fenêtre la mer tranquille et les boutons d'or du jardin qui inclinent leur corolle dans l'ombre. »



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Au bord de la mer.
Le vent, des larmes tombent du ciel, une pluie glaciale.
Des maisons noires, des flocons blancs.
Un soleil, éphémère.
Quatre saisons qui s'enchaînent, et un homme qui écoute Vivaldi, qui écoute le vent et la mer, qui écoute le silence de sa vie.
 
Il est assis, face à une table en bois rustique, une machine à écrire Olivetti posée dessus. Face à la mer et au vent, il laisse court à son imagination. Ses pensées aussi fugaces que l'espace dans sa maison dépouillée. Une maison au toit noir, aussi noire que le goudron une nuit sans lune. Une feuille blanche sur la machine, aussi blanche que la neige qui tombe en flocons d'hiver. Un hiver qui commence tôt, aussi tôt que la nuit dans la journée. Il cherche l'inspiration, le coup de la panne on dirait. Qu'est-ce qu'un écrivain a à raconter ? Ses nuits... Ses jours... Ses pensées.
 
Il allume la radio : On y parle de Ben Laden, de Fukushima, de Syrie. Encore un massacre au Texas. Dehors le blizzard, il ferme les volets, et écoute les quatre saisons de Vivaldi. Printemps, été, automne, hiver. Autant de feuilles qui s'ouvrent, s'envolent, tombent, se fanent et se meurent. Sur sa table, quelques feuilles aussi s'envolent et s'entassent. Est-ce le début d'un roman. Il ne sait pas encore. Il repense à ce concerto n°1 de Chostakovitch qu'écoutait son père jusqu'à ce que sa bouteille soit vide. Il ouvre la fenêtre, laisse pénétrer la fraîcheur comme on laisse entrer l'inspiration. Il plonge son regard dans l'infini de la mer, bleue foncée presque noire. Pas un bruit, pas un son, juste la musique de la pluie, des notes qui tapissent ce champ visuel vert d'une fin d'automne. Avant d'entendre le feutre de la neige, les sons oppressants du vide et de la solitude. Un autre concerto.

L'encre du ruban de l'Olivetti manque de force. Bientôt les lettres ne seront que taches blanches sur feuille blanche. C'est peut-être ça, l'inspiration. Un courant d'air enveloppé de neige qui se couche sur sa feuille posée sur sa table pendant que lui se couche sur son lit à la lueur d'une bougie dont la flamme ressemble à l'âme d'une étoile. Il aurait dû être marin plutôt qu'écrivain. Se dit-il. Sombres pensées, s'imagine-t-il, sombrant dans le tréfonds de l'océan.  

Il retourne au café du village, avant qu'il ferme pour les six prochains mois, pendant le plus dur de la saison. Dans ce village loin de Reykjavík, les gens ne restent pas toute l'année. Seuls les écrivains en mal d'inspiration restent péniblement - ou tristement. La serveuse lui sert une bière. Elle est froide, la bière, la serveuse. Elle n'a pas aimé son premier livre. L'a-t-elle seulement fini. Pourtant, il doit être le seul auteur qui est entré ici. Il boit sa bière en silence, avant de remonter sur les hauteurs, en même temps que les brebis. 
 
Reste au café un pauvre type assis à la table du fond, il boit sa bière, lui aussi seul. Il n'est pas écrivain, il est juste lecteur d'auteurs islandais qui sonnent comme Eliasson ou Vivaldisson. Aujourd'hui et pour deux nuits, il lit un grand roman, une poésie nordique, il est accaparé par la beauté de la mer, par la magie du blizzard, par les maux de ce nouvel écrivain. Ces mots venus du froid, qu'il en oublie la tempête dehors, les marins qui ne reviendront plus, la lune bleue qui a disparu même lorsqu'il pose son regard sans âme à travers la fenêtre au sud.  

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[Ne cherchez plus, le plus beau roman lu en 2022 est celui-là.
Bon réveillon à tous.
Bonnes lectures]
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Merci Bookycooky pour ce bonheur de découvrir un auteur qui correspond à ce que j'aime ! Ce qui m'arrive en moyenne tous les 5 ans. J'ai fait une superbe pioche chez mon mentor, une fois de plus...
Un écrivain, pas vraiment à succès, s'isole en Islande entre mer et montagne. Des réflexions sur l'actualité, la nature, la vie, l'art, la musique, la solitude, l'écriture. Un texte assez court et qui fourmille de mille choses intelligentes et poétiques. de la première à la dernière page, c'est comme si j'avais passé séjour chez un ami, restant à l'écouter, béate. Gros coup de coeur ❣
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Le roman grisaille par excellence!
Le gris du paysage de bord de mer, sur quatre saisons, à la fenêtre d'une maison noire derrière laquelle tape à la machine un écrivain en panne d'inspiration.
Le gris des nouvelles mondiales, des cataclysmes écologiques, des guerres illogiques, que notre écrivain essaie d'éluder en fuyant la civilisation.
Le gris d'un amour en panne, qui ressort en pâleur, comme un ruban qui s'efface, comme un b qui devient croche au gré du temps.

Ce roman est celui de l'oisiveté, cette façon d'attendre que le temps règle les choses, que la fuite est la seule solution. On dit que la panne d'inspiration guette l'écrivain, moi je dis que la panne d'amour guette cet écrivain.

« Mais, bien sûr, ce n'est pas la longueur du chemin entre les maisons qui détermine la distance entre les hommes. »

J'ai trouvé quelques longueurs au début. C'est certain qu'après mes dernières lectures, la lenteur peut surprendre. Il faut s'y habituer mais c'est tellement bon. Vivre quatre saisons en Islande, au pied d'un volcan, entre la lave et la mer, écouter du Vivaldi et marcher jusqu'au phare en ressassant ses vieilles hantises. C'est du vrai bonbon.
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Comme un journal de bord, un Moleskine islandais,
Des pensées évanescentes, poétiques ou terre à terre, une page de roman blanche comme la neige sur laquelle le ruban encreur pâli de la vieille Olivetti écrit blanc sur blanc, des rêves, des personnages du roman qui n'arrivent pas à vivre leur vie, un abattoir, la mer, un poêle qui dévore les lettres non ouvertes de celle aux yeux gris tachetés de brun.

Un livre à acheter en papier, qui va trainer sur une table basse, sur un coin de canapé, dans le fond du sac à main, à picorer, lire, relire, feuilleter, à ranger, à ressortir, juste rassurée par sa présence. Quand j'ai un livre comme ça à côté de moi, tout va bien.

Evidemment, il va aussi falloir trouver le temps de voir Dersou Ouzala, de lire Oreiller d'herbes, de replonger dans le marin rejeté par la mer etc. Bref, mes Pal et Pav ont encore grandi.

Et un véritable et sincère merci à le _Bison pour ses incipit qui me font chavirer.
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Ravie de découvrir ce nouvel auteur islandais.
Un voyage en Islande et un voyage intérieur, dans lequel le narrateur n'est pas nommé - non plus que les autres personnages, ce qui renforce le côté universel...
En toile de fond, l'immensité de la mer, infinie, promesse d'inspiration pour un narrateur auteur, qui vit seul dans la maison noire d'un ami, afin d'écrire son roman. Un roman qui, étrangement, rappelle quelque peu sa propre histoire d'amour, puisque son couple et celui de ses personnages semblent désunis et surtout désenchantés.
Solitude amoureuse et aussi solitude de l'écrivain en panne d'inspiration, face à la mer avec vue sur le phare, sur les vagues toujours semblables et toujours différentes, aux couleurs changeantes selon ses humeurs, au gré des saisons.
Le roman est envoûtant. Entre autres parce que la typographie, les découpages, les thématiques fonctionnent en miroir des états d'âme du protagoniste et des couleurs omniprésentes.
En fin d'ouvrage, nous découvrons le prénom du protagoniste, Jonas qui, tel un prophète, nous met en garde contre les dangers et méfaits de nos sociétés : crises environnementales, politiques, sociétales, perte du "savoir-vivre ensemble" et des valeurs communes, dans des paragraphes qui semblent s'opposer en tout. Se confrontent ainsi le monde extérieur et le havre de paix islandais du protagoniste. Deux visions, deux univers aux antipodes, et pourtant deux mondes très sombres : l'un à cause des exactions dont les nouvelles à la radio s'abreuvent, l'autre, moins métaphoriquement, par ses couleurs parmi lesquelles le noir prédomine.
Deux opposés qui se rejoignent dans la solitude, la recherche de sens, les efforts pour se réaliser.
La Fenêtre au sud interroge sur le sens de l'art, sur le sens de la vie. C'est aussi pour moi la chronique d'un romancier en train de disparaître, comme les lettres de son roman inachevé.
Avant de conclure j'aimerais revenir sur la célèbre figure de Jonas, qui apporte, à mon avis, une lueur d'espoir à ces pages tourmentées.
Jonas, le cinquième prophète, est colérique, bouillonnant et surtout désobéissant ! Même pétri de bonnes intentions, il fait tout de travers, regimbe et proteste...
Certes, il sera puni mais ressortira non seulement indemne mais transformé du ventre de la baleine, libéré de ses oeillères. Dans la matrice, il fait noir, comme pour notre héros dans son havre obscur, mais on a des chances de ressurgir de ces endroits avec une vision nouvelle...
Jonas ne comprend rien à la miséricorde (divine, en l'occurrence) mais apprend à découvrir que repentir et prise de conscience peuvent apporter pardon et justice. Il est celui qui annonce une catastrophe qui, finalement, n'a pas lieu, et qui parvient à accoucher d'un autre lui-même, meilleur.
Métaphore de l'écrivain qui arrache son oeuvre du fond de ses entrailles dans le "travail" (de la naissance, ou renaissance), dans la douleur, leçons à entendre pour l'être humain face à la destruction de sa planète.
Beaucoup de grands messages dans ce très beau livre, à découvrir absolument.
Je conclurai avec la citation qui ouvre ce roman : "L'écrivain est celui qui a plus de mal à écrire que les autres."
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Un écrivain, qui n'a plus écrit de poésie depuis des lustres, tente de rédiger un roman sur un couple , personnages auxquels il ne parvient à insuffler aucune énergie.Les saisons, du printemps à l'hiver, scandent son séjour dans un hameau de maisons noires , fréquentées uniquement en été, à deux pas de la mer, en Islande.
Notations sur la nature, les rares humains qu'il est amené à fréquenter, sur la littérature, l'état désastreux du monde viennent au fil de sa plume, tandis qu'il s'échine à frapper sur une vieille Olivetti dont les rubans n'impriment plus grand chose, reflet de son manque d'inspiration, sans doute.
Ici la frontière entre rêves et réalité devient poreuse, et, non, sans humour, le narrateur nous livre des bribes de sa vie familiale et amoureuse, de manière pas toujours fiable d'ailleurs.
Il se dégage de ce texte une véritable fascination, comme dans le premier volet de ce tryptique sur la solitude Au bord de la Sanda. Un coup de coeur. Et zou, sur l'étagère des indispensables.
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Nous voilà à suivre une année durant, au rythme des saisons, la vie d'un auteur qui peine à écrire sur sa vieille machine Olivetti dont on ne trouve plus très facilement les rouleaux encreurs.

Nous observons avec l'auteur les paysages changeants au fil du temps, les couleurs du ciel, la vie dans ce village d'Islande, les sorties au bar ou les courses alimentaires. Une vie de solitude, visiblement choisie, au cours de laquelle l'auteur va s'isoler encore plus ne répondant même plus au téléphone. C'est à la fois long et bon, une certaine langoureuse douceur, un peu d'humour avec une lettre récalcitrante, la vie qui s'écoule tranquillement, pas de mélancolie, pas de nostalgie, juste les jours et les saisons qui passent. Un livre reposant.

Lien : http://keskonfe.eklablog.com..
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Merci Catherine Eyjólfsson parce sans vous je n'aurais pas accès aux mots de Gyrdir Eliasson (je ne lis pas l'islandais dans le texte) et ce serait si dommage.
Je ne saurais expliquer pourquoi mais ses mots, les vôtres en français provoquent chez moi une émotion immédiate. Je me sens chez moi, la musique de votre langue m'est familière, avec évidence je me plonge dans le récit et c'est délicieux.
Ce récit à la première personne du singulier raconte la vie d'un auteur qui a choisi de s'isoler dans une maison de bord de mer quelque part en Islande, une maison très isolée, pour écrire ou fuir, ou les deux.
Quatre parties dans ce roman correspondant aux 4 saisons.
Et puis de courts paragraphes qui disent un petit événement du quotidien, un moment d'observation de la nature, une pensée, une page d'écriture, une lettre écrite à l'être aimé et qu'il ne poste pas, un événement survenu dans le monde et parvenu jusqu'à lui par le truchement de la radio.
En apparence, mais en apparence seulement, il ne se passe grand chose, cet homme est le champion d'une douce et peut-être nécessaire procrastination.
Souffre-il ? Il pose sur lui un regard assez critique, ne se plaint pas mais est-il là par choix ou bien parce qu'il ne sait être ailleurs.
Et si il ne se pose pas beaucoup de questions et ne propose pas toujours une réponse, moi je m'en suis posé plein. Sur lui et son apparente faculté à vivre ainsi. Et sur moi un peu aussi.
J'attends avec impatience le troisième volet de ce triptyque sur la solitude.
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La fenêtre au sud” est le second tome de la trilogie de Gyrdir Eliasson, après "Au bord de la Sanda". Cette fois, nous découvrons un romancier, que son éditeur laisse tranquille dans l'attente d'un nouveau roman. Notre héros s'est réfugié au bord de la mer, dans un village de maisons noires qui ne sont fréquentées là encore que l'été. Pour lui aussi, fréquenter les autres lui est insupportable. Il est à un tournant de sa carrière, son nouveau roman piétine, sa machine à écrire fétiche, une vieille Olivetti, lui donne du fil à retordre et l'encre du ruban disparaît au point que l'écrivain tapera bientôt blanc sur blanc. Métaphore de l'épuisement de la création. La nature que l'homme observe par la fenêtre au sud, la mer, les arbres, les saisons qui passent durant une année entière, renforce la solitude et la méditation désenchantée de l'auteur.
Lien : https://camusdiffusion.wordp..
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