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Critique de Isidoreinthedark


White est un essai déstructuré qui mêle le récit autobiographique à une analyse glaçante des nouveaux paradigmes de la bien pensance d'une certaine Amérique.

L'enfant terrible de la littérature américaine des années 80, auteur du triptyque emblématique de toute une génération (Moins que zéro, Les lois de l'attraction et American Psycho), revient dans un désordre parfois déroutant sur la genèse de ses romans, son amour immodéré du cinéma et tente d'analyser la fin de l'Empire américain en s'attardant longuement sur la dérive liberticide du « politiquement correct ».

White est ainsi un objet littéraire hybride, un tourbillon vibrionnant qui emporte son lecteur au risque de le perdre en route, dans lequel Bret Easton Ellis se confie parfois de manière troublante, tout en dressant un portrait au vitriol de l'idéologie progressiste qui entend décider ce qu'il est possible de dire et ce qui ne l'est pas.

Le « name dropping » dont abuse l'auteur, les très nombreuses références cinématographiques de l'essai peuvent évidemment lasser. Il est ainsi préférable d'avoir lu quelques romans clés de Bret Easton Ellis pour savourer à sa juste valeur le retour aussi franc que lucide de l'auteur sur la signification et l'ambition de ses livres devenus cultes (notamment American Psycho). Ce travail « post-romanesque » où un écrivain revient sur des romans qui lui ont en partie échappé et essaie d'expliciter ce qu'il voulait y DIRE est rare, et constitue l'un des axes forts du livre.

Comme le suggère son titre, l'ambition de l'essai est de tenter de comprendre, d'analyser, d'expliquer l'extension à l'infini du domaine de l'offense et son corollaire, la désignation du responsable : l'homme blanc. « Avec des millions d'autres hommes blancs, j'étais constamment rappelé à l'ordre par une certaine faction : nous devrions nous définir par notre identité blanche parce que c'était en soi le problème réel. »

Le romancier revient ainsi avec un humour décapant sur l'hystérie consécutive à l'élection de Trump, l'idole de Patrick Bateman, l'anti-héros d'American Psycho. Il aborde avec son habituelle distance teintée d'ironie la violence des réseaux sociaux dont témoignent ses propres déboires relatifs à quelques tweets alcoolisés qui font objet de l'ire de la nouvelle police de la pensée et s'inquiète de la montée d'une forme de tension qui réduit à néant toute tentative de débat.

Il est amusant de voir Bret Easton Ellis, écrivain irrévérencieux, libéral-libertaire, qui n'a de cesse de dynamiter les travers de ce qu'il nomme l'Empire dans ses premiers romans, endosser dans White le costume d'un observateur atterré, qui ne supporte plus le diktat de l'idéologie de la diversité.

Pour autant, le monde orwellien que nous dépeint l'écrivain, ce piège identitaire qui se referme sur une Amérique fragmentée, où chacun se pose en victime, où le moindre propos potentiellement offensant est traqué par les censeurs de l'idéologie victimaire, où les arrières-pensées (qui font écho au célèbre « crime de la pensée » de 1984) sont elles aussi passibles de condamnation morale, inquiète et questionne le paradoxe de la dérive liberticide du paradigme de l'inclusion et de la diversité.
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