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Critique de vincent34380


Au début des années 50, au bord d'un lac de Caroline du sud, la rencontre de deux jeunes garçons, Daniel le blanc et Nathan le noir, et le partage d'un sandwich au jambon cuit « le meilleur jambon cuit de ce côté ci de la frontière avec la Géorgie » va sceller une amitié qui, malgré les obstacles, ne se démentira pas durant les années, jusqu'à l'issue fatale.

Prison de Sumter, trente ans plus tard…
Daniel Ford est dans le couloir de la mort depuis 12 ans, déclaré coupable d'avoir assassiné son ami noir Nathan Verney. le 5 octobre, on lui annonce que la date de son exécution est fixée au 11 novembre.

« Trente-six ans, et certains jours j'ai encore l'impression d'être un enfant.
L'enfant que j'étais quand j'ai rencontré Nathan Verney au bord du lac Marion, à proximité de Greenleaf, en Caroline du Sud.
Accompagnez-moi, car même si je marche lentement, je n'aime pas marcher seul.
Pour moi, au moins pour moi, ces pas si silencieux seront les plus longs et les derniers. »

Trente-six jours, le temps de faire un point sur les trente-six années qu'aura duré sa courte vie. Durant ces cinq semaines, il va recevoir de nombreuses visites du Père John Rousseau. Plus que le salut de son âme, le Père Rousseau semble davantage intéressé par l'histoire de Daniel, et le presse de questions, lui intimant de raconter son histoire dans les moindres détails.
Ces conversations qui ponctuent les dernières semaines de sa vie, Daniel les attend comme une parenthèse, un moment de paix dans la dureté de ce monde carcéral. Nous revivons, au travers de ses souvenirs, presque vingt ans de l'histoire Américaine, du Ku Klux Klan, et le début de la lutte des noirs pour leur droits civiques, des assassinats de John Kennedy, de Martin Luther King et de Robert Kennedy, jusqu'au traumatisme que représenta pour une génération la guerre du Viêt-Nam.
Cette période animée voit l'émergence de la libération sexuelle, l'apparition des drogues, d'une nouvelle culture.

Les personnages sont d'une réelle épaisseur : Daniel et Nathan bien sûr, si proches et en même temps si différents. Caroline Lanafeuille et Linny Goldbourne, les deux visages féminins de la vie de Daniel. Les deux personnages de gardiens, aux personnalités diamétralement opposées : M. Timmons aussi humain que le lui permet sa fonction, et M. West dont le sadisme et la cruauté atteignent des sommets. le Père John Rousseau, charitable et empathique, est le pilier sur lequel Daniel pourra s'appuyer pour aller vers sa fin sans faiblesse.

« M. Timmons est gardien dans le couloir de la mort, il fait son boulot, il obéit aux règles, et il laisse ces questions d'innocence et de culpabilité au gouverneur et au petit Jésus. Il n'est pas censé prendre de telles décisions, il n'est pas payé pour ça. Alors il ne le fait pas.
C'est plus simple ainsi.
M. West, c'est une autre histoire. Certains types ici croient qu'il n'est pas né de parents humains. Certains types ici croient qu'il a été engendré dans un bouillon de culture au MIT ou quelque chose du genre, au cours d'une expérience dont le but était de créer un corps sans coeur ni âme ni grand-chose d'autre. C'est un homme sombre. Il a des choses à cacher, de nombreuses choses, semble-t-il, et il les cache dans les ombres que dissimulent ses yeux et ses paroles, et dans l'arc que décrit son bras quand il abat sa matraque sur votre tête, vos doigts, votre dos. »
L'auteur dépeint de façon poignante la déshumanisation du monde carcéral, et la torture morale que représente l'attente d'une mort annoncée. C'est un véritable réquisitoire contre la peine capitale. C'est également une vision très critique du monde politique de l'époque, entre scandales et complots, et de la guerre du Viêt-Nam, au travers de l'évocation du massacre de My-Lai.

Il déclarait lors d'une récente interview, à propos de ce titre : « J'ai été très content quand lors de sa sortie, il a été chroniqué et les gens disaient : c'est son premier bouquin et il est vraiment bon. Comme s'ils s'attendaient à ce qu'un premier roman ne soit pas bon… »

Pour ce premier roman, publié en Grande Bretagne en 2003 l'auteur fait preuve d'une maturité étonnante et d'un talent avéré. Il présente avec beaucoup de finesse l'histoire récente des Etats-Unis, et porte un regard que l'on devine un peu nostalgique, sur cette époque à tous points de vue foisonnante, et vraiment agitée d'un point de vue politique.

Ce n'est pas vraiment un roman policier, l'intrigue est relativement simple. La question de la culpabilité de Daniel, d'un intérêt certain, n'est pas le sujet essentiel du livre. La force de ce roman tient plutôt à l'émotion qui s'en dégage, au travers des rapports humains entre tous les protagonistes, aux prises avec leur propre histoire, leurs propres choix, et l'Histoire, avec un grand H. C'est un roman sur l'amitié, l'amour, la perte et la trahison.

Je n'irai pas jusqu'à dire que ce roman est génial ou que c'est un chef d'oeuvre, termes bien souvent galvaudés et que je vois fleurir ici et là sur les blogs et réseaux sociaux à propos de tel ou tel roman. Ce roman est tout simplement très bon, excellent même… Et si j'ose la comparaison cinématographique, c'est une mise en scène absolument maîtrisée et un scénario sans faille, avec une tension dramatique permanente, servis par une distribution impeccable, depuis les premiers jusqu'aux seconds rôles.

Et si je peux me permettre, allez le voir, euh, pardon… le lire sans tarder

Éditions Sonatine, 2015.
Lien : https://thebigblowdown.wordp..
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