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sur 771 notes
Sans voix, mais pas sans mot. Un roman, un réquisitoire et une ode...
Un roman policier, peut être, on part à rebours dans l'histoire, dans le couloir de la mort, un détenu face à la fin de sa vie après douze années de détention, est amené à se souvenir des événements qui l'y ont conduit. Roman policier parce que oui, il y a eu meurtre, complot et une enquête, sous couvert de confession tardive.
Un réquisitoire contre le droit octroyé à certains au nom de la "justice" d’ôter la vie à ceux qui l'ont pris à d'autre...un réquisitoire contre les procès à l'américaine, bâclés et soumis à la règle de l'argent..."en avoir ou pas", c'est là l'argument suprême.
Un réquisitoire contre l'obscurantisme, en nous rappelant le combat pour les droits civiques débuté dans les années soixante et qui reflambe actuellement.
L'Amérique profonde n'a pas évolué en cinquante ans, tous les rappels historiques de ces années "noires", l'abolition des lois ségrégationnistes, la mort de JFK, la guerre du Viet Nam, le KKK, le Watergate, nous la restitue dans son jus de l'époque et pourtant si semblable encore dans "l'Amérique profonde" d'aujourd'hui...
Une ode enfin à l'amour, l'amour, celui des premiers émois,à l'amitié celle nouée dans l'enfance, l'amour, celui des belles et bonnes choses, celles qui donnent un gout indéfinissable à la vie. Une ode à la vie....
Une ode à l'espoir, un espoir dans l'homme....malgré toute la noirceur dont il est capable, y compris contre lui même, ou plutôt dans l'enfant qu'il a un jour été...si, il a eu la chance d'avoir connue "l'innocence de l'enfance" ...bien sur
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« Mettez un homme face à la fin de sa vie, placez-le dans un endroit comme le couloir de la mort, et peut-être que Dieu lui accordera une petite grâce. La grâce du souvenir. »

Daniel Ford fait partie de ces quelques personnages de roman qui accompagnent à jamais leur lecteur une fois le livre refermé. Il faut dire que Ellory parvient à lui donner une réelle et magnifique profondeur, il est impossible de ne pas s'attacher à cet homme qui vit ses dernières semaines dans les couloirs sordides de la mort après douze ans d'emprisonnement, accusé d'avoir tué son frère de sang, Nathan Verney, jeune afro-américain. Il ne fait pas bon être noir dans les Etats-Unis des années 60, ni être ami avec un noir d'ailleurs. Daniel paie le prix cher pour cette amitié, amitié indéfectible depuis que les deux garçons ont six ans. Et tout a commencé avec un partage, le partage d'un sandwich au jambon…

« le petit gosse noir qui est arrivé ce vendredi après-midi était le gamin le plus drôle que j'avais jamais vu. Des oreilles comme des anses de cruche, des yeux comme des feux de signalisation et une bouche qui lui fendait le visage d'une oreille à l'autre ».

La structure narrative alterne entre le passé et le présent.
Entre l'odeur semblable à la brise du Lac Marion en Caroline du Sud, odeur « de tarte à la noix de Pécan et soda à la vanille, le tout enveloppé dans un parfum d'herbe fraîchement tondue », et celles de la prison, mélange infâme et écoeurant de détergent bon marché, de nourriture en train de pourrir, de poussière, de déjections, et de tous les fluides imaginables qu'un homme peut secréter. Entre les doux et rassurants effluves de l'insouciance et les relents, âcres, de la peur. le passage éclair de la chair fraiche à la viande morte ambulante…

Deux histoires entrelacées, telles les deux ailes d'un papillon battant frénétiquement vers la lumière avant l'embrasement.
L'une, actuelle, montre Daniel Ford dans le couloir de la mort attendant son exécution dans quelques semaines. Il fait ses dernières confessions au Père John Rousseau, la purification de son âme le disputant au besoin de se livrer, exutoire comme piètre consolation avant l'entrée en enfer. Quoique l'enfer, il y a déjà mis un pied vu ce que lui fait subir le sadique M.West, chef de la section D, patron du couloir de la mort, qui aime harceler et torturer psychologiquement les candidats à l'électrocution.

« Certains ici pensent qu'il n'est pas né de parents humains. Certains types ici croient qu'il a été engendré dans un bouillon de culture au MIT ou quelque chose du genre, au cours d'une expérience dont le but était de créer un corps sans coeur ni âme ni grand-chose d'autre. C'est un homme sombre ».

L'autre, dans le passé, met en valeur l'histoire vécue par Daniel une dizaine d'années avant le drame, avant qu'il ne soit emprisonné pour le meurtre de son meilleur ami.

Ce livre est une poignante réflexion sur la peine de mort, sur ces couloirs de la mort dans lesquels les accusés passent un certain nombre d'année avec toujours cette épée au-dessus de leur tête qui les coupera en deux forcément, mais sans savoir quand, des années ainsi à attendre et errer, deux étages au-dessus de l'enfer. Cela peut arriver n'importe quand. Cela rend le temps des condamnés à mort relatif, à la fois long et court, irréel, entrecoupé par quelques espoirs soudains qui tombent tout aussi vite qu'ils sont advenus…Et que dire lorsque les personnes sont innocentes…Seuls les souvenirs sont à la fois des échappatoires mais aussi de cruels rappels à la liberté perdue.

Bien entendu, part belle est faite sur le racisme et la ségrégation raciale dans ces années marquées par le combat de Martin Luther King.
Mais ce livre va plus loin, il est également un documentaire - parfois un tantinet long - sur les Etats-Unis des années 60, une décennie totalement folle, marquée par la boucherie de la guerre du Vietnam, sur fond de drogues, de rock'n roll, d'affaires politiques comme les meurtres de deux Kennedy ou le Watergate de Nixon, de l'envolée de stars emblématiques comme Marylin Monroe ou Elvis Presley, de croissance économique solide permettant des prouesse scientifiques incroyables comme celle d'envoyer un homme marcher sur la lune…Et malgré tout une décennie toujours marquée par le racisme envers les personnes de couleur comme le prouve l'ascension, très bien expliquée dans ce livre, du Klux Klux Klan.

L'intrigue, autant le dire, passe en fait au second plan. Je crois que j'ai compris assez vite si Daniel était coupable ou pas. Là n'est pas le coeur du roman. Ce que j'ai trouvé incroyable, c'est cette manière, si fouillée, si approfondie, qu'a Ellory de décrire la psychologie de ses personnages et l'âme humaine. Et cela au moyen d'une plume d'une finesse inouïe et d'une beauté renversante. Les scènes du passé, scènes de liberté et d'insouciance sont d'une poésie sublime, la nature est magnifiée, les scènes d'amour enchanteresses nous subjuguent, lorsque celles du présent sont d'un réalisme glaçant et abject. L'auteur réussit ainsi à alterner sans arrêt le chaud et le froid pour mieux faire sentir à son lecteur le tragique de la situation.

« Un esprit étiré par une idée ne retrouve jamais ses proportions originales.
Mon esprit était étiré. Il ne serait plus jamais le même.
Le monde était fou. Nous l'avions su en Floride, quand nous avions entendu parler des dizaines de milliers de morts d'une guerre lointaine, qui n'avaient ni raison ni sens».

Et dire que ce roman fort et émouvant, cette ode à la liberté, à l'intégrité, à l'amitié et à l'amour est le premier roman de l'auteur…Il me tarde de poursuivre ma découverte de cet auteur anglais !

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Allez une petite lecture facile pour les vacances, un bon vieux thriller, avec en page de garde "Par l'auteur du best-seller..." Ouais chouette ! Un truc à perdre quelques connexions neuronales, c'est pas grave j'en ai plein (si si même que je les ai comptées et j'en ai plus que Trump, enfin j'espère :-O) et j'ai besoin de me détendre...

Alors évidemment ce n'est pas du tout ce à quoi je m'attendais. J'ai eu un peu de mal à accrocher au départ, j'ai trouvé quelques longueurs, enfin j'ai fait ma difficile quoi ! Et puis bon, petit à petit, j'ai été prise par ma lecture, la Guerre du Vietnam, la ségrégation, le KKK et ces décérébrés, l'assassinat des Kennedy et du King Martin Luther, le Watergate, la force de l'amitié, la peine de mort, autant de thèmes abordés avec une écriture simple mais travaillée et quelques très beaux passages. La peine de mort notamment, est traitée avec une authenticité que je ne souhaite pas vérifier mais que je ne mets pas en doute une seconde tant les scènes vécues et l'émotion transmise sont puissantes. Puissantes et fortes au point que j'ai pleuré et autant dire que c'est bien la première fois que je pleure en lisant un thriller. Les personnages sont vrais, épais, consistants. R.J. Ellory leur donne une vraie profondeur psychologique et une trajectoire de vie tout à fait réaliste même si, léger bémol, beaucoup d'"Illuminati" dans tout ça mais après tout pourquoi pas ? il faut reconnaître que cette période de l'Histoire des États-Unis a été particulièrement riche en événements.

Au final, je dois avouer mes préjugés, je pensais avoir acheté un roman de gare et je me suis retrouvée avec un très, très bon livre, une montée en puissance exceptionnelle et un final grandiose. Je suis ravie de cette lecture et du coup le fameux best-seller mentionné en couverture "Seul le silence" va rejoindre ma PAL sans attendre :-D
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Daniel Ford est dans le couloir de la mort. Accusé d'avoir assassiné Nathan Verney, son meilleur ami, il attend le jour de son exécution. Avant d'aller se brûler les ailes à la mort électrique, il raconte le parcours qui l'a mené jusque-là, jusqu'à cet enfer.

« À la brise provenant du lac Marion, au mimosa d'été près de Nine Mile Road, à une odeur qui ressemblait à la tarte de noix de pécan et à du soda à la vanille, le tout enveloppé dans un parfum d'herbe fraîchement tondu. »

Ses souvenirs d'enfance et d'insouciance en Caroline du Sud, ses premiers émois d'adolescent, la pureté de son amitié avec Nathan, vont s'emmêler au tourbillon de fureur et de terreur qui bouleverse l'Amérique des années soixante : le Ku Klux Klan, la ségrégation, la guerre du Vietnam, l'assassinat de Kennedy, le Watergate, la justice expéditive.

En essayant d'éviter une guerre, en essayant de trouver sa foi, sa raison de vivre, sa valeur, le papillon plongé dans la nuit va en perdre la paix. L'envie de vivre pleinement, d'échapper à la faux de la mort au Vietnam, de dire non à la violence pour une couleur de peau, entraînent les deux amis vers une histoire puissante, couleur papillon de nuit s'approchant trop près de la bougie.

Un roman profond, d'une noirceur lumineuse, racontée avec la tonalité, la couleur et l'odeur des mots simples et magiques. J'avais été bouleversée par Seul le silence, ici encore la voix de l'auteur nous embarque.

« Je me demande ce qu'est la vie, ce qu'elle signifie. Peut-être n'est-elle rien de plus qu'une histoire, une histoire chaque fois différente et rare, racontée avec une voix propre. Certaines vies sont riches et grisantes, des odyssées narrées avec une telle ferveur et une telle passion qu'on se perd dans la langue du récit. »
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En Caroline du Sud, Daniel Ford est accusé d'avoir assassiné son meilleur ami, Nathan Vernet. Condamné à mort, Daniel Ford attend depuis des années dans le couloir de la mort. Quelques jours avant sa mort, un prêtre se présente pour ses dernières confessions…

Un résumé simple, mais percutant. Papillon de nuit nous propose une immersion totale dans la vie de Daniel Ford et on découvre toute la vie de ce jeune homme blanc qui liera une magnifique histoire d'amitié avec Nathan Vernet, homme noir. Histoire d'amitié qui dure depuis l'enfance mais qui aura la fin tragique que l'on connait. R.J. Ellory me prouve encore son talent pour construire des personnages complexes. Rarement, on rencontre des personnages autant fascinants.

Papillon de nuit fut encore un véritable coup de coeur pour moi. Lecture totalement marquante, R.J. Ellory nous conte une histoire sombre mais tellement palpable. L'auteur britannique nous dépeint encore une fois une Amérique profonde, meurtrie et souvent violente. Nous sommes en 1982 et les Etats-Unis sont encore choqués par la mort de son président. Papillon de nuit nous raconte l'histoire (en partant de son enfance) de Daniel Ford, on y découvrira donc un pays touché par la Guerre du Vietnam, un Ku Klux Klan beaucoup trop présent et une répression très fortes contre les personnes noires. Nathan Vernet est un personnage qui croque la vie à pleine dent et cela ne plaira pas au plus grand nombre.

Au vu du commencement de l'histoire, on ne peut qu'être immergé dans l'intrigue. Comment Daniel Ford a-t-il pu en arriver là ? Est-il véritablement le fautif ? L'auteur prend le temps de tous nous expliquer. Des éléments nous paraissent futiles, mais tout prend, bien sûr, son sens à la fin. le tout est fascinant et il est impossible de lâcher ce roman. On en arrêterait presque de manger et de dormir tant cette histoire nous obsède. Seul R.J. Ellory est capable de cela avec moi.

Papillon de nuit est un roman marquant, criant de vérité. C'est un roman qui touche, qui fait mal et qui dénonce de façon extrêmement brutale mais indispensable.
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Parlons d'abord, du livre objet, car c'est bien la première approche qui est souvent déterminante. La couverture est sublime, simple, mais quand on y regarde plus attentivement, la finesse des détails est magnifique, le papillon qui retrouve sa moitié à l'intérieur, c'est joliment trouvé. le format aussi est génial pas tout à fait un poche, pas tout à fait un grand livre, mais il est si bien à prendre en main, la taille parfaite d'un trésor. Car n'en doutez pas ce livre en est un. Ellory parle de magie, « Absolument magique p.7 » c'est exact, mais moi, j'y ai trouvé la quintessence. Une lecture à tomber à la renverse. Un chef d'oeuvre! Et quand je pense que c'est son premier livre, on s'étonne qu'il n'est pas été plus reconnu à sa sortie. Cette réédition aura à mon sens tout le succès qu'il mérite….

Je crois que tout s'est joué dès les premières lignes, le premier chapitre. Ses mots sont choisis avec tant de soin, on sent une force tourbillonnante, une urgence effrénée (et pour cause! ), une beauté lexicale qui nous submerge, et le raz de marée nous emporte vers des contrées lointaines, un lieu de non-retour.

Suivre Daniel, c'est plonger en apnée dans les pensées intimes d'un jeune homme, mais aussi dans un contexte particulier, où Liberté est un mot intangible. J'ai adoré partir dans ce passé turbulent, violent, décisif de notre avenir. On voit mieux avec du recul, les évènements qui ont changé le monde, pour nous donner ce Présent aux allures de folie, ses failles et ses avancées notoires. On est pris à la fois dans la jeunesse et ses excès, mais l'auteur sait nous donner aussi un regard très éclairé sur la politique de cette période si contradictoire.

« L'Amérique s'est aperçue que ceux qui pouvaient tuer son président en plein jour pouvaient faire tout ce qu'ils voulaient. Il n'y avait plus un homme seul, le meneur de la nation, mais une fraternité invisible non élue. Et cette meme fraternité nous a donné le LSD et la psychiatrie, l'amour libre, la pornographie, la violence à la télé, tout ce qui faisait qu'il était acceptable d'être dingue. » p71

La guerre est un thème récurrent chez Ellory, mais il arrive à nous la faire vivre autrement, il lui donne des pensées, des peurs, des pertes Humaines. Cela prend plus d'ampleur, une valeur personnelle, un choc plus intime. On n'est pas dans l'Histoire, on vit ses histoires, on la ressent avec ce qu'il en coûte de pleurs et de déchirures internes.

J'ai été émue, le coeur serré de revivre les derniers mots d'un condamné. C'est saisissant cette confession! D'une rare justesse. Toute cette souffrance, cette violence mais, à contrario cet espoir, l'envolée poétique de ce papillon de nuit, nous donne un moment unique et intense de lecture. le battement d'ailes a réussi son effet, un tsunami d'émotions m'a submergée. L'auteur voit toujours la beauté de ce monde dans de minuscules détails, nous fait ressurgir nos plus belles émotions alors que le chaos règne, et c'est cet exploit qui en fait un sublime instant de plaisir , jusqu'à nous monter les larmes.

J'ai tellement noté de citations que si je les livrai toutes, j'aurais l'impression de spolier le meilleur. C'est d'ailleurs tout le livre qu'il faudrait vous retransmettre. Pour moi, c'est tellement riche en perles d'écriture que ça en devient un trésor, mon « Précieux »….Je pense que vous l'aurez compris, ce livre est à LIRE!!!!A relire. A partager. A découvrir…..

Lien : https://fairystelphique.word..
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Quel beau roman, quelle belle histoire que celle contée par R.J. Ellory !
C'est pourtant une histoire triste : Daniel Ford, 36 ans, est dans le couloir de la mort d'une prison de Caroline du Sud pour avoir tué son ami d'enfance. Pendant les quelques jours qui lui restent, il va raconter sa vie à un prêtre, et ce faisant, retracer l'histoire de l'Amérique des années 60.
Attention ! La couverture indique que ce livre a reçu un prix "polar", mais la trame policière est quasi-inexistante : il s'agit avant tout d'un bon gros roman qui raconte une histoire d'amitié sur fond de racisme et de guerre du Vietnam. J'y ai trouvé un de peu de Stephen King et de John Irving dans le côté nostalgique et profondément humain de l'intrigue. R.J. Ellory réussit parfaitement à recréer l'ambiance de cette époque, et à rendre ses personnages terriblement réels et attachants ; je n'avais aucune envie de les quitter. Mais surtout, il instille un peu de mystère (quand même) dans la grande Histoire, celle qui s'étend de l'assassinat de JFK au Watergate. J'ai adoré cet aspect "complotiste", je l'ai dégusté comme un petit plaisir coupable.
Et en plus de tout ce qui précède, R.J. Ellory écrit très bien : j'ai été happée par son style limpide et fluide, et emportée par la virtuosité de sa construction narrative. J'ai dévoré ses 500 pages en 2 jours.
Ce type est un conteur-né. Il m'avait déjà émue avec "Seul le silence" ; il réitère avec ce roman (son premier !). Je ne peux que chaudement vous le recommander, simplement pour le délice de lecture qu'il vous procurera.
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C'est un privilège rare pour un lecteur que de découvrir la genèse d'un auteur connu, douze ans après. Encore davantage me concernant, quand cet auteur est l'une de mes références.

R.J. Ellory est aujourd'hui une tête d'affiche du genre, The King of Roman Noir comme j'aime l'appeler, dont les premiers pas d'écrivain étaient jusqu'alors invisibles pour le public français. Merci aux Éditions Sonatine de nous permettre de plonger enfin dans les origines de la légende Ellory.

Ce premier roman est réellement le terreau dans lequel l'auteur plantera ses futures graines : l'émotion d'un personnage fort comme dans Seul le silence, les réflexions sur la peine de mort comme dans sa formidable nouvelle Trois jours à Chicagoland, les ravages du Vietnam et du racisme comme dans Les neuf cercles

Et puis il y a cette fascination pour les années 60, vues des États-Unis, période de bouleversements (et de bonne musique). Papillon de nuit est l'histoire d'un homme enfermé dans le couloir de la mort durant les années 80 qui se remémore, deux décennies en avant, le chemin qui l'a amené jusqu'ici.

Un voyage dans la vie d'un homme à travers son histoire et l'Histoire avec un grand H, durant cette période folle des 60's. Petite et grande histoires imbriquées ; une Amérique en pleine évolution, où la ségrégation fait encore partie intégrante des mentalités et où la paranoïa est omniprésente.

Un monde de violence où s'enracine ce récit d'amitié, d'amour et de mort pour lequel Ellory prend son temps, tout au long de ces 510 pages. le temps et le bon rythme pour nous conter avec délicatesse et profondeur cette descente aux enfers d'un personnage inoubliable.

Ellory est un magicien des mots, il l'était déjà en 2003. Sa capacité unique à donner vie à cette histoire est extrêmement touchante et particulièrement troublante. Sa plume empathique et travaillée embarque le lecteur comme peu savent le faire. Ce sombre récit, parsemé de fulgurances lumineuses, attire le lecteur comme le papillon vers la lumière.

Récit dur, traitement lumineux, émotions fortes. On sort connecté de cette lecture, dans la plus pure tradition du roman noir. Connecté à l'Histoire des États-Unis qui est aussi la notre. Connecté à la vie, et la mort programmée de ce personnage ordinaire face à un système inhumain.

On suit la destinée de cet homme qui ne fait pas toujours ses propres choix. On suit aussi ses moments passés dans l'attente de son exécution, passages absolument déchirants.

Ce retour vers le passé, dans tous les sens du terme, est un formidable moment de lecture, émouvant et touchant. R.J. Ellory est un grand, et il l'est déjà depuis longtemps.

Le livre en un mot : Lumineux
Lien : https://gruznamur.wordpress...
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Daniel Ford attend dans le couloir de la mort d'un pénitencier de Caroline du Sud. La date d'exécution de la sentence doit être fixée.
Daniel "vit" entre les murs-barreaux d'une cellule : "vit" c'est trop dire, des journées faites d'horaires immuables, d'habitudes codifiées, peuplées des bruits toujours identiques, prévisibles, même le temps se décompose et les semaines qui passent ne sont qu'une seule et même journée toujours renouvelée, toujours immensément longue et monotone.
Il n'y a pas que le regard qui s'est éteint sur ce qui l'entoure, les désirs n'existent plus : que pourrait-il désirer d'accessible ? L'espoir est un mot qu'il a chassé de ses pensées : son esprit, seul espace de liberté, seul oiseau libre - ou plutôt un papillon - qui l'accompagne, est un refuge pour échapper à la cruelle réalité, au terrible décompte du temps, aux persécutions sournoises et inhumaines du chef de bloc qui se réalise en harcelant ces hommes qui vont mourir.
Quand le Père John se présente à Daniel, celui-ci, bien que peu concerné par une foi quelle qu'elle soit, accepte la rencontre, accepte de se confier et se raconte...

Il raconte la vie d'avant le meurtre, son enfance, cette fraternité profonde avec Nathan, cet homme de couleur qu'il est accusé d'avoir assassiné, le temps de cette enfance partagée. Il dit les rencontres, les boulots pour vivre, et il évoque l'époque, les années 60, les années 70. C'est l'Amérique des lois raciales, celle des Droits Civiques. C'est l'Amérique de la guerre du Vietnam et des manifestations pour la paix. C'est l'Amérique de Woodstock, celle de la contestation d'une autorité. C'est le temps de Martin Luther King, de Malcolm X ... C'est L'Amérique bouillonnante, pleine d'un espoir mais aussi terrifiante par son intolérance. C'est l'Amérique de Bob Dylan, de Willie Nelson, de Janis Joplin… Magnifique bande son qui souvent s'invite dans ces pages.
Petit à petit, il donne vie à ces années passées, il raconte le quotidien des affrontements, le racisme, la corruption des gouvernants et comment les remous de la nation se sont imbriqués dans son existence et celle de Nathan, pour tuer Nathan et le mener, lui, jusqu'à ce couloir du dernier silence.


Dans un style qui se veut lancinant, à l'image d'une vie soudain privée de toute perspective et qui revit sans cesse les moments du passé, R.J. Ellory écrit un roman captivant au sens fort du terme : difficile à quitter et particulièrement questionnant.
On pense à "De sang froid" de Truman Capote, au "Dernier jour d'un condamné" de Victor Hugo, à "L'arbre des pleurs" de Naseem Rakha, on pense à la "Pastorale américaine" de Philip Roth… C'est une lecture qui oblige à réfléchir, qui harcèle parce ce qu'elle questionne, qui enseigne aussi…

Ce livre prêchait à une convaincue, il n'en a pas moins été source d'émotion.
L'ombre d'Emmett Till recouvre celle de Rodney King qui se confond avec celle de George Floyd, la déroute américaine au Vietnam ne fait que rendre plus criante celle d'Afghanistan, cette Amérique qui se veut, périodiquement, plus humaine et qui pourtant porte un "Trump" à la présidence de son pays, rendant ainsi une visibilité légitime au KKK - jamais les "couloirs de la mort" n'ont autant été agités que pendant le mandat de ce président -, ce pays qui semble avoir des sursauts démocratiques et continue à soutenir les guerres hors de ses frontières. "America First" ce slogan rémanent et terrible  qui porte en lui toute la fracture d'une nation et tous ses démons. On a plutôt l'impression d'une nation qui piétine, ne parvenant finalement pas, depuis ces nombreuses décennies, à juguler le poison qui empêche les hommes qui foulent la même terre de se regarder comme des frères quelle que soit leur couleur, quelle que soit leur religion, quelles que soient leurs opinions politiques… Comme s'ils étaient condamnés à toujours faire les mêmes erreurs, à toujours être aussi intolérants, aussi violents… Une Amérique qui s'incarne dans la destinée de Nathan et celle de Daniel, une Amérique des années 60 qui semble si actuelle...



Un livre pendant la lecture duquel, j'ai souvent fredonné : "who gonna take away his license to kill ? "...


(Août 2022)
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C'est d'une cellule de prison aux USA qu'un condamné à mort raconte son parcours à un prêtre. A l'âge de six ans, il a fait la connaissance de celui qui deviendra son meilleur ami. le gros problème, pas pour eux mais pour les autres, est que son ami est noir et lui blanc. Dès les premières pages, le lecteur apprend que son pote a été assassiné et décapité et que c'est lui qui a été accusé. Visiblement, c'est le premier roman écrit par Ellroy et déjà sa griffe était présente avec cette façon de nous offrir une histoire bien maîtrisée sous fond d'Amérique raciste. Bluffant, comme d'habitude !
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