J'abhorre cet américanisme creux qui espère s'enrichir à crédit, être informé en tapant sur les tables à minuit, apprendre les lois de l'intelligence par la phrénologie, le talent sans étude, la maîtrise sans apprentissage, la vente des marchandises en prétendant que tout se vend, le pouvoir en faisant croire qu'on est puissant ou en s'appuyant sur un jury ou une convention politique dont la composition vous est favorable, la corruption et des votes « répétés », ou parvenir à la richesse par la fraude. On pense y être parvenu, mais on a obtenu quelque chose d'autre, un crime qui en appelle un autre, et un autre démon derrière celui-ci : ce sont des étapes vers le suicide, l'infamie et les affres du genre. Nous nous encourageons mutuellement dans cette vie de parade, de boniment, de réclame et de fabrique de l'opinion publique, et dans cette faim de résultats et de louanges rapides, on perd de vue l'excellence.
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Les trois règles pratiques que j'ai à offrir sont: - 1. Ne jamais lire un livre qui date de moins d'un an. - 2. Ne lire que des livres réputés. - 3. Ne lire que des livres que vous aimez.
Les gens doivent être pris à très petite dose. Si la solitude est orgueilleuse, la société est vulgaire. Dans le monde, les capacités supérieures de l’individu sont considérées comme choses qui disqualifient. La sympathie nous abaisse aussi facilement qu’elle nous élève. Les hommes n’arrivent pas à s’unir par leur mérite, mais s’ajustent les uns aux autres par leurs infériorités. Ils troublent et font fuir l'être qui a de hautes aspirations.
Il est des gens qu’on ne peut cultiver, qu’il faut contenir et faire taire si on le peut. Il en est qui ont un instinct de chauve-souris pour voler contre tout flambeau allumé et l’éteindre – gens importuns et contredisants. Il en est qui ne viennent que pour parler, et d’autres que pour écouter : les deux espèces ne valent rien. Une règle excellente pour un club serait la suivante : N’admettre aucun individu dont la présence exclut un sujet quelconque. Il faut des gens qui ne s’étonnent ni ne se choquent à tout propos, qui agissent, laissent agir, et laissent être, laissent tomber les vétilles, savent ce qui a une réelle valeur, et prennent beaucoup de choses pour accordées.
Les opinions des gens sont fortuites – ont un air de pauvreté. Un homme qui se regarde comme l’organe de ce dogme-ci ou de ce dogme-là est un assez triste compagnon ; mais une opinion propre à l’interlocuteur est chose aimable, réconfortante, et inséparable de son image. Et ce n’est pas non plus toujours pour causer que nous allons trouver les gens. Combien de fois nous ne disons rien ! Et cependant, il nous faut aller les trouver : tel un enfant qui soupire après ses compagnons, et une fois au milieu d’eux joue tout seul. C’est uniquement de la présence que nous avons besoin.
Les villes forcent la croissance, rendent les hommes causeurs et divertissants, mais les rendent artificiels. Ce qui a pour nous de l’intérêt, c’est le naturel de chacun, son mérite constitutif.
La conversation dans le monde est à un niveau si bas, qu’elle exclut le savant, le saint et le poète. Au milieu de toute la gaîté railleuse, le sentiment ne peut se profaner et s’aventurer au-dehors.
Mais la nécessité de la solitude est plus profonde que nous ne l'avons dit; elle est organique. J'ai vu plus d'un philosophe dont le monde n'est assez large que pour une personne.
Parmi les nombreux exemples de son savoir bienveillant, on raconte à propos de Linné que, quand le bois d'oeuvre dans les chantiers navals de Suède fut abîmé par la pourriture, le gouvernement lui demanda de trouver un remède. Il étudia les insectes qui infestaient le bois, découvrit qu'ils pondaient leurs œufs dans les rondins certains jours du mois d'avril et recommanda d'immerger pendant dix jours, à cette saison de l'année, les rondins sous l'eau dans les docks. Une fois que ce fut fait, on constata que le bois ne pourrissait plus.
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La seule façon de se faire un ami est d'en être un.