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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ca commence bien ! 2014…
Et ça commence par « Prendre fin », un comble, de Jean-Pierre Enjalbert
C'est décalé, décapant, impertinent, ironique, cynique, iconoclaste, un brin misanthrope, un brin macho, et pour tout dire, un brin décousu…


Mais comment pourrait-il en être autrement.
Imaginez : un beau jour de printemps, voilà notre héros (malgré lui) étendu sur l'esplanade du Centre Pompidou, à l'article de la mort… « un article, ni repris ni échangé », nous dit-il…Il est probablement victime d'une crise cardiaque et ne peut plus bouger ; mais son cerveau bouillonne, il fulmine même, par moments... Il passe sa vie en revue, comme il est recommandé de le faire en de pareilles circonstances.
Alors tout y passe, « la gauche, la droite, même le Don Dieu » et surtout « La Mort » qu'il veut déférer devant un tribunal du genre La Haye pour génocide et crime contre l'humanité. Constituons nous partie civile.


« Prendre fin », c'est le procès de la Mort, mais c'est aussi l'occasion de régler quelques comptes avec la propre vie de l'auteur : allusions dans les Aurès, dans les manif de 68, dans les cafés existentialistes…
Mais c'est aussi l'occasion d'évoquer les bons moments… presque tous liés à des rencontres féminines : Maryse, la poinçonneuse du métro Robespierre, Zaza, « la négresse qui le perfectionna », Gloria, Yvonne la fellinienne , et puis Sylvie, Nadine , et puis…et puis… ». Impossible, alors, de ne pas penser à « L'homme qui aimait les femmes » …


Quant au style : un feu d'artifice ! Détournements de sens, oxymores, zeugmes, jeux de mots… tout y passe.
Du Desproges , un peu. du Devos, y'en a. du Frédéric Dard, sans aucun doute… Y'a p't'être même de la pomme, mais là il faut voir avec les frères Volfoni…
Même si Petitebijou (dont je salue la superbe critique) a beaucoup apprécié, c'est pt't'être quand même de la « littérature d'homme », qui sait… c'est un peu macho, un peu misogyne… bon !…
Avec une petite pique sur le sabir des cités : « C't'hyper djeust trop relou t'aaas vu j'suis genre grave dégoûtéeuh c'est craignos morteleuh ; » et sur celui des bobos : « Car c'est en m'éteignant voilà que j'ai retrouvé la lumière, je me suis mis en danger en prenant le risque de la mort, oui c'est juste que voilà, la mort on la sent dans mon oeuvre voilà comme une blessure inguérissable. »


« Prendre fin » : Un éloge des femmes et de leur plastique, certes, mais aussi et surtout un réquisitoire contre la soumission : « On ne naît pas soumis, on le devient. Ou non », à la mort, d'abord… à la vie aussi , les fausses jumelles consubstantielles en l'humanité…


Pour ma part, un grand bouquin qui entre, et c'est le premier de l'année, dans ma liste des coups de coeur. Un bouquin que je m'imagine entendre, lu par Fabrice Luchini…Merci encore aux Editions Belfond et à l'équipe Babélio pour ce cadeau de début d'année.


« La Camarde qui ne m'a jamais pardonné d'avoir semé des fleurs dans les trous de son nez me poursuit d'un zèle imbécile… »
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Critique réalisée dans le cadre de Masse Critique.
Merci aux Editions Belfond et à Babelio.
Comme le narrateur, c'était un vendredi après-midi pour moi aussi.
J'avais des choses à faire. Urgentes.
J'avais des livres à lire. Pressants.
Des lignes à écrire. Impatientes.
Avant de m'en occuper, j'ai voulu découvrir ce que le facteur avait déposé dans ma boîte aux lettres. Editions Belfond. Masse Critique, pensai-je.
J'ai ouvert le paquet.
En effet, à peine plus haut qu'un livre de poche, sur la couverture, un homme multicolore est pointé par un éclair bleu. Il est dessiné dans sa chute, les bras écartés comme deux ailes d'oiseau qui tentent de ralentir le mouvement vers le sol, en essayant de prendre de l'amplitude dans un élan contraire à la gravité. Au dos de sa silhouette colorée, comme en filigrane, une esquisse de jambes de femme.
« Prendre fin », Jean-Pierre Enjalbert.
J'ai ouvert le livre.
En exergue, une citation d'Albert Camus.
(Tu as des choses à faire…me souffle la petite voix de la raison).
Bon, me dis-je, voilà un homme qui a du goût. Juste les premières pages, et après j'y vais…
Deux cents pages plus loin, j'étais toujours assise, vêtue de mon manteau. J'avais juste retardé mon départ de deux heures.

Vous voilà prévenus. Tels le narrateur, vous, lecteurs potentiels, allez être immobilisés environ deux heures, suivant votre vitesse de lecture.
Ceci dit, comment parler de ce moment exquis ?
Je pourrais vous dire :
Vous allez mourir de rire… bien des fois.
Je meurs d'envie de vous transmettre ce coup de coeur presque fatal… cette petite mort…
Vous n'en reviendrez pas… sinon transfigurés… non, là, j'exagère, mais deux heures de littérature française qui décape à ce point, des mots qui bousculent, dérangent, démangent, titillent avec une intelligence rare, drôles, poétiques, méchants, jubilatoires, ça vous arrive souvent ? Moi non, du moins dans la chose éditée.

Jean-Pierre Enjalbert est né en 1939. Cuvée Desproges.
Il est vrai que j'ai beaucoup pensé à Pierrot durant ma lecture. D'ailleurs, l'auteur n'écrit-il pas : « Mourir de tout peut-être, mais pas avec n'importe qui… » (ça ne vous rappelle rien ?).

De quoi s'agit-il ? Un homme s'écroule sur le parvis de Beaubourg, devant l'affiche de l'exposition du moment, un énorme portrait de Salvador Dali.
Il comprend qu'il va mourir.
Non, rassurez-vous, si le roman est tout entier un monologue, le narrateur va vous épargner les souvenirs d'enfance, ses premières fois, ses chagrins, ses bonheurs, ses amours, ses regrets… enfin, le malin, il en parlera mais à voix déguisée, il vous suffira d'écouter derrière les mots, de lire entre les lignes, percevoir la petite musique qui s'épanche avec style.
En apparence, il s'en tiendra à ses principales obsessions : son amour de la vie, des femmes, son indécrottable résistance à tout esprit communautaire, son mépris des pouvoirs, des religions, des ambitieux de tous poils et surtout, surtout, son désespoir au constat d'une langue qui s'appauvrit à tous les étages.
Tel Charles Denner dans « L'homme qui aimait les femmes » de Truffaut, notre moribond ne pense qu'à ça : les jambes des femmes.
Oui, Mesdames, ce roman recèle un bel hommage à la féminité auquel vous serez sensibles à moins d'être un chouia pointilleuses sur l'idée de l'exclusivité. Pas très regardant question « beauté intérieure », notre Don Juan impénitent ne peut résister à la tentation d'un mollet galbé, si possible serti dans un écrin de soie noir (mais cette option reste facultative).
Misogyne ? Macho ? Allons, allons… laissez-vous faire, et allez jusqu'au bout du roman. Vous succomberez.
Bon, je ne vous cache pas que ça grince, ça griffe, ça n'épargne personne. de temps en temps, le narrateur se laisse aller à un jeu de massacre. Si vous tombez avec lui, même avec entrain, n'oubliez pas votre parachute. Par-dessus-tout, vous rirez bien des fois devant le portrait acerbe et cruel de notre monde contemporain.

Ce roman est une performance (écrivant ceci, je songe spontanément qu'on pourrait en tirer un moment de théâtre).
La vie, l'amour, la mort, et Dieu dans tout ça ?, tout est là, brûlant, fiévreux, urgent. Cela part du coeur, des tripes, du sexe, mais évite le nombril tant exploité par la plupart de nos auteurs français contemporains.
Ce n'est pas un strip-tease indécent, vulgaire, la lumière y est belle, tamisée, ne cachant rien mais suggérant tout, quand ce tout est mis en valeur avec grâce.

Les dernières pages s'envolent, dans une rupture avec ce qui précède, en glissements progressifs vers un apaisement.
Post mortem ? Je ne vous le dirai pas.
« Prendre fin » est un grand livre.
Je suis sortie de ma lecture toute ragaillardie, revigorée, pleine d'envies, après cette ode à la vie, cette unique vie, chienne de vie, mais il est vrai que nous n'en avons pas d'autre jusqu'à preuve du contraire. Les mots célèbrent le plaisir et l'appétit de vivre qui nous maintiennent en vie plus que tout.
Plus intimement, j'ai lu « Prendre fin » de la première à la dernière page comme un superbe acte d'amour avec l'écriture.
A Jorge Semprun auteur du bouleversant « L'écriture ou la vie », Jean-Pierre Enjalbert offre ce credo païen : « L'écriture ET la vie ».
Ne vous en privez pas.

Lien : http://parures-de-petitebijo..
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