Citations sur Contrepoint (31)
Le but de la musique est d'imiter la nature, estimait-il. Non, pas les montagnes, les ruisseaux et les arbres, mais la nature humaine. La vie émotionnelle. Les états d'âme.
Cela blesse la mère que la fille préfère les mathématiques au latin. Quant au grec, n'en parlons pas. Comment peut-on grandir sans Tacite, sans Homère?
Une chose ne peut jamais être la même à deux moments différents dans le temps, ne peut du moins plus être perçue comme "la même", parce que l'observateur à changé...Non, l’interprète et l'auditeur ne pouvaient balayer d'un revers de main les trente variations qui s'intercalaient entre le première et la dernière apparition de la sarabande. Même si elle était identique à la première, on entendait la deuxième aria différemment parce que quelque chose s'était produit dans l'intervalle. On ne pouvait pas revenir au moment où on n'avait pas entendu les variations.
Les quelques fois où Anna Magdalena lui avait parlé de l’enfant mort et avait essayé de le consoler, il lui avait imposé le silence. Il devait se concentrer, disait-il, il travaillait à une grande œuvre. [...] Pendant un an et demi, Bach s’enferma avec la musique qui devint un véhicule de son désespoir. [...] Il gardait son fils auprès de lui quand il était plongé dans les variations, il ne devenait pas fou de désespoir tant qu’il composait ; il œuvrait à un monument funéraire retentissant pour l’enfant perdu. Il prenait soin de lui.
Les percussionnistes ne font pas grand cas du temps, ils n'en font pas un problème philosophique. Ils écoutent la pulsation, ils produisent des rythmes à partir de là,ils traduisent ce qu'ils ressentent en mouvements. Leur activité consiste à attendre et frapper, attendre et frapper, frapper.
Jouer. Jouer du piano aidait. Par une étude répétitive pénible, en étant aussi attentive que possible, la pianiste blessée tissait les connexions entre les deux hémisphères cérébraux. [...] Les destructions qu’avait causées le traumatisme restaient visibles, comme des témoins silencieux. En jouant du piano, on construisait une passerelle, une construction bancale de planches qui vous permettait de circuler parmi les décombres et d’avoir un aperçu du territoire violé.
Pourquoi une mélodie qui monte puis descend provoque-t-elle tant de tristesse ? Est-ce qu’on était plus avancé quand on le savait ? Inspirer avec espoir, souffler avec déception. Monter la colline puis, fatalement, la redescendre. Recevoir une chose puis devoir y renoncer. La vie, quoi.
Le but de la musique est d'imiter la nature, estimait-il. Non, pas les montagnes, les ruisseaux et les arbres, mais la nature humaine. La vie émotionnelle. Les états d'âme.
S'il n' y a pas de protecteur, se dit-elle, si je dois me contenter de cet amant parcimonieux qu'on appelle Raison, autant me mettre à crier à pleine gorge, autant hurler contre le vent en expulsant mes poumons.
Avant de se mettre à jouer, la femme prenait le temps d'installer la lampe dans la position parfaite, comme un geôlier qui contrôle les murs d'une cellule à la recherche de ce qui n'a rien à y faire puis referme la porte. Sauf que, en l'occurence, elle restait à l'intérieur. Sauf que les murs étaient faits de lumière. Sauf que la durée de la peine n'avait pas été fixée;