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Citations sur Vie, vieillesse et mort d'une femme du peuple (23)

L'augmentation de l'espérance de vie et donc le « vieillissement de la population », comme on dit dans les discours politiques et les rapports administratifs, impliquent que le nombre de personnes très âgées et devenant dépendantes ne cesse et ne cessera de croître considérablement : la vie, ce n'est pas seulement la vie en bonne santé, c'est aussi la vie en mauvaise santé ; et la vie diminuée.
Ma mère n'a pas supporté cette vie diminuée qui était la sienne. À quoi bon continuer ? Se maintenir en vie? Si c'est pour être prisonnière dans une chambre, seule, rivée à son lit, sans pouvoir désormais se lever, marcher, se déplacer? "L'espoir fait vivre", dit le dicton. L'absence d'espoir, qui conduit au désespoir, peut faire mourir. Le peu de forces qu'il lui restait l'avaient abandonnée, ou, plutôt, elle abandonna volontairement le peu de forces qu'il lui restait. Elle a choisi de se laisser mourir.
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" Maman n'aurait pas dû lui laisser ses clés. On ne sait pas si on peut avoir confiance. "
Et moi : " Ce sont ses clés à elle ! Et elle, elle a confiance... "
- On ne sait pas qui est ce monsieur. Et s'il vole des choses dans la maison !
- Qu'est-ce que vous voulez qu'il vole ? Il n'y a rien à voler...
- Mais les outils de papa dans le garage ? "

Il est vrai que mon père était très bricoleur, et qu'il avait beaucoup d'outils... Mais il était mort depuis plusieurs années et tout son matériel, tout son équipement qui occupait de nombreux placards, rayons et tiroirs dans le garage de la maison restaient inutilisés et inutiles. Pourquoi mes frères s'en préoccupaient-ils ?

"Personne ne s'en est servi depuis qu'il est mort ", objectais-je.
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Au fond, c'est simple, quelque chose a changé dans ma vie, dans mon identité personnelle, dans la définition de moi-même : j'étais un fils, et je ne le suis plus. Elle vivante, si espacées, si intermittentes qu'aient pu être nos relations, et, au fond, si peu fils que j'aie pu m'efforcer de l'être tout au long de ma vie (disons-le : je ne voulais plus être un fils, cela me pesait), je l'étais toujours, je l'étais malgré tout.
[...]
Désormais, je ne le suis plus. Dans le livre qu'Albert Cohen a consacré à sa mère, pleurant la disparition de celle-ci, on peut lire cette phrase coupante : "Jamais plus je ne serai un fils." C'est comme une fissure qui s'introduit dans l’identité personnelle : avoir été un fils et ne plus l’être.
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"Si on excepte le cas des vieux couples mariés, l'admission dans une maison de retraite signifie en général non seulement la rupture définitive des liens affectifs anciens, mais aussi la cohabitation avec des êtres qui ne sont liés à l'individu par aucune relation affective positive. Quand bien même les soins physiques prodigués par les médecins et le personnel soignant seraient excellents, ils ne peuvent empêcher le fait que couper des personnes âgées de la vie normale et les rassembler avec des inconnus signifie les condamner à la solitude. Je ne pense pas ici seulement aux besoins sexuels, qui peuvent être très actifs jusqu'à un âge très avancé, en particulier chez les hommes, mais aussi aux intensités émotionnelles qui existent entre des gens qui ont du plaisir à être ensemble et ont un certain attachement l'un pour l'autre. Les relations de ce type, elles aussi, diminuent en général avec le transfert dans une maison de retraite, et elles y sont rarement remplacées."
Sa conclusion est terrible, mais m'a frappé par sa justesse quand j'ai relu ce livre : "Aussi nombre de maisons de retraite sont-elles des déserts de solitude."
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Il ne cessait de maugréer et de proférer des propos incongrus tels que : " Ça ne devrait pas être à moi de ranger les vêtements dans le placard, c'est un travail de femme. " Je soupirais, en commentant par-devers moi : " Mais qu'il est con, celui-là ", mais je préférais m'abstenir de réagir... La situation était déjà pénible, je n'allais pas de surcroît me lancer dans une dispute inutile avec lui, mais je redécouvrais avec consternation ce que peut avoir d'étrange et d'insupportable le "lien " familial. Qu'avais-je en commun avec lui ? Rien. Absolument rien. Si ce n'est que nous étions réunis là, parce qu'il le fallait bien, pour nous occuper de notre mère.
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L'entrée en maison de retraite
c'est aussi l'entrée dans une sociabilité contrainte
et à laquelle il est quasiment impossible de se soustraire.
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Sa "maladie" s'appelait la vieillesse,
la maison de retraite serait sa "prison",
et elle devait renoncer à vouloir être
bien-portante et entièrement libre
de ses mouvements et de ses choix,
puisqu'elle ne l'était plus
et ne pourrait plus l'être .
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L'état de délabrement du service public de la santé en France (ce n'est guère mieux dans les autres pays) a été si souvent et si fortement dénoncé par le personnel hospitalier, toutes catégories confondues, sans que rien ne change - au contraire, cela ne cesse de s'aggraver, et le gouvernement français a même poursuivi sa politique meurtrière de fermeture de lits pendant la crise du Covid 19 - que l'on aurait presque la tentation de le trouver normal et de ne plus s'en indigner. Il ne faut assurément pas céder à la tentation. Il faut persister inlassablement à s'en indigner, et à clamer haut et fort cette indignation.
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"la société ne se soucie de l'individu que dans la mesure où il rapporte".

Simone de Beauvoir
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Voir sa mère nue, sa mère âgée nue, aurait déjà été très gênant, la voir nue allongée sur le sol, le regard perdu, comme halluciné, avait quelque chose d'insupportable.
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