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Critique de Seraphita


2005 est une année sombre pour Inga : son mari Mårten meurt brutalement. Elle décide alors de se replonger dans le passé, et, pour ce faire, gagne l'île de Mastrand, sur la côte ouest de la Suède, et se réfugie dans la demeure familiale. Là, elle découvre une lettre datée du début du XXème siècle. Commence une plongée dans les souvenirs qui permet de toucher du doigt des secrets familiaux jusque là bien gardés…

Une rencontre avec l'auteure suédoise, Maria Ernestam, m'a permis d'éclairer ma lecture. Elle vit à Stockholm et a commencé l'écriture avec le journalisme. « Toujours avec toi » publié aux Editions Gaïa, éditeur spécialisé dans la littérature scandinave, s'origine dans un vécu personnel. Comme l'auteure l'écrit dans la postface : « Ce livre est dédié à mon père Arne. Il est mort le 31 mai 2006, au jour près quatre-vingt-dix ans après l'ouverture des hostilités en mer du Nord » (p. 410).

Le livre se propose de plonger dans le passé, celui de sa famille tout d'abord, celui de la Suède ensuite. Maria Ernestam est en effet persuadée que c'est notre passé, notamment notre enfance, qui détermine la trame de notre devenir. Son roman est ainsi construit selon une structure classique (procédé qu'on retrouve dans « L'île des chasseurs d'oiseaux » de l'écossais Peter May) : des chapitres contemporains (années 2005-2008) alternent avec des chapitres datant de 1959. Ces derniers donnent la parole à Rakel, une femme âgée atteinte d'une leucémie, qui se sait condamnée et raconte ses souvenirs, notamment ceux de l'année 1916. le récit des années 1959 permet de mettre en lumière le présent de la narratrice.

Cela nous amène à l'évocation du passé de la Suède : 1916, c'est la période sombre de la première guerre mondiale. La Suède reste neutre, quoique, comme le souligne Maria Ernestam, cette neutralité puisse être interrogée. L'auteure s'est beaucoup documentée (en témoigne la bibliographie en fin de roman) pour conter, en toile de fond du roman, une histoire qui a marqué la Suède à l'époque : la bataille du Jutland ou grande bataille de la mer du Nord. La postface délivre des détails historiques précis. L'auteure souligne notamment que cette bataille « fut le plus grand affrontement naval des temps modernes. Elle ce déroula du 31 mai au 1er juillet de l'an 1916, entre la flotte de haute mer allemande […] et la flotte de la Royal Navy […] Les flottes allemande et anglaise s'affrontent. […] Environ huit mille hommes périssent, et de nombreux cadavres échouent sur les côtes suédoises, norvégiennes et danoises, où ils sont ensevelis » (p. 407-408).

La lecture de ce long roman (environ 400 pages) m'a laissé des impressions partagées, d'où cette appréciation finale de 3 étoiles sur 5. J'ai moins apprécié les chapitres contemporains, décrivant le travail de deuil d'Inga, en quête de son passé. J'ai trouvé ces chapitres peut-être moins aboutis que les chapitres racontant l'histoire de Rakel. Il m'a semblé que l'auteure avait peut-être plus de difficultés à traduire, par l'écriture, les émotions d'Inga, une femme devenue dépressive suite au décès brutal de son mari. le vécu personnel de l'auteure empêchait-il une mise à distance qui s'est répercuté sur l'écriture de ces chapitres contemporains ? J'ai trouvé que les chapitres donnant la parole à Rakel étaient plus riches sur le plan de la palette des émotions retranscrites : amour (des mouvements passionnels animent les deux femmes marquantes du récit : Lea et Rakel) / haine, notamment. Vers la fin du roman, à l'occasion d'un chapitre où Rakel raconte un basculement décisif dans son histoire avec Anton, il m'a semblé que soudain, la crédibilité de l'histoire se perdait, cédant la place à un cliché, visible dans tout roman d'amour. Puis un événement surnaturel présent dans le récit est venu corroborer cette impression : j'ai alors été très déçue, alors qu'avant, je trouvais l'histoire de Rakel émouvante et poignante. Comme si l'auteure avait souhaité forcer la dose des émotions pour que son lecteur adhère encore plus au récit. de mon côté, je n'ai pas adhéré à cet effet.

La construction du roman, sur le mode d'une histoire à deux voix, en deux périodes temporelles bien distinctes, dont l'une a des répercussions sur l'autre, peut paraître complexe. L'auteure témoigne qu'elle n'a pas écrit les deux périodes séparément, mais l'une en même temps que l'autre : chaque chapitre éclaire le suivant, inscrit dans une période différente. Elle s'est beaucoup documentée et a réalisé tout un travail journalistique pour rendre cette période sombre de la première guerre mondiale. Elle a réalisé de nombreuses fiches concernant chaque personnage : avant même d'écrire son roman, elle savait déjà ce qu'elle voulait y trouver.

Un roman qui m'a laissé une impression en demi-teinte, mais une rencontre inoubliable avec l'auteure, très sympathique, chaleureuse et ouverte.
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