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Critique de Ingannmic


J'étais un peu fâchée avec Brian Evenson, ayant vécu comme une imposture la lecture de sa "Confrérie des mutilés", dans la mesure où ce roman s'est avéré être en totale inadéquation avec ce que j'en attendais...
Sur l'insistance de plusieurs blogueurs/euses, j'ai accepté de tenter une autre expérience avec cet ex mormon que ses écrits ont fait exclure de sa congrégation.

Comme dans "La confrérie des mutilés", Brian Evenson s'attaque, avec "Père des mensonges", à la puissance des dogmes, en dépeignant les possibles et désastreuses conséquences auxquelles peuvent aboutir l'obéissance aveugle qui y est soumise.
Eldon Fochs, doyen de la communauté du sang de l'agneau (dite des "Sanguistes"), est incité par sa femme à consulter un thérapeute suite à des troubles du sommeil. Ses nuits sont perturbées par d'inquiétants cauchemars, dans lesquels Fochs inflige des sévices à des adolescents, et dont la prégnance leur confère une dimension étrangement palpable.
Le doyen est par ailleurs un homme respecté par les membres de sa paroisse, qui mène une existence a priori sans histoires entre sa femme et ses trois enfants. A priori...

Le récit est constitué en partie des rapports établis par le thérapeute qui suit Fochs, perplexe face à ce patient qu'il devine manipulateur, ainsi que de quelques extraits d'une correspondance adressé au docteur Feshtig, par laquelle il est violemment invité à ne divulguer sous aucun prétexte le résultat de l'analyse de leurs séances. Mais la plupart du temps, le lecteur est plongé dans l'esprit de Fochs, et doit supporter le récit par ce dernier de certains faits qui l'éclairent crument sur sa véritable et horrifiante nature.

L'autre point commun avec "La confrérie des mutilés", est que Brian Evenson introduit dans son roman des touches surnaturelles, sous la forme notamment de l'inquiétant Tête sanglante, sorte d'ectoplasme dont on ne sait s'il est réel ou issu de l'imagination malade du héros, à qui il apparaît à plusieurs reprises, pour le sortir d'inconfortables situations.
La comparaison s'arrête là, puisque j'ai aimé "Père des mensonges". Peut-être parce qu'en dépit de son aspect parfois fantastique et caricatural (qui m'avait gênée lors de ma précédente lecture), il est par ailleurs complètement -et malheureusement- crédible.

Certes, le doyen Fochs, qui parvient à se donner bonne conscience malgré les atrocités qu'il commet, est incroyablement ignoble de sang-froid et de mauvaise foi, et on sent bien que l'auteur force le trait lorsqu'il évoque la psychologie de ce sordide personnage. de même, l'humour macabre et cynique dont il pare son texte participe à le positionner en léger décalage avec la réalité, incitant le lecteur à le considérer comme une sorte de fable grotesquement monstrueuse.
Mais c'est curieusement ce qui donne au roman sa force, en plus de le rendre original. le ton grinçant employé par Brian Evenson se révèle être un excellent vecteur pour exprimer son propos, qui s'en révèle d'autant plus virulent.
Il porte un regard sans concession sur un système hypocrite et cruel, qui sous prétexte de porter la parole de Dieu, se montre non seulement incapable de se remettre en question et de considérer la nature humaine -donc faillible- de ses représentants, mais qui de plus préfère protéger ses porte parole des conséquences de leurs actes, aussi répréhensibles soient-ils, que de mettre en danger sa réputation et sa puissance. Et il ne se montre pas plus tendre pour les simples convertis dont l'aveuglement borné participe à raffermir l'impunité que le statut de ces mêmes représentants leur confère.

Un roman glaçant, qui m'a réconciliée avec son auteur...
Lien : http://bookin-ingannmic.blog..
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