L'état où vous met le café pris à jeun dans les conditions magistrales, produit une sorte de vivacité nerveuse qui ressemble à celle de la colère : le verbe s'élève, les gestes expriment une impatience maladive ; on veut que tout aille comme trottent les idées ; on est braque, rageur pour des riens ; on arrive à ce variable caractère du poète tant accusé par les épiciers ; on prête à autrui la lucidité dont on jouit. Un homme d'esprit doit alors se bien garder de se montrer ou de se laisser approcher...
Des amis, chez qui je me trouvais à la campagne, me voyaient hargneux et disputailleur, de mauvaise foi dans la discussion. Le lendemain, je reconnaissais mes torts, et nous en cherchions la cause. Mes amis étaient des savants du premier ordre, nous l'eûmes bientôt trouvée : le café voulait une proie.
BALZAC Traité des excitants modernes
On s’enivre avec Baudelaire ; on compte les arêtes de poisson avec Perec ; George Sand fait du pied à Boris Vian un peu gris, puis on portera un toast à Rabelais, un très long toast, et on rotera de plaisir avant de rouler sous la table, d’un seul homme. Ah, ce sera bon.
Extrait du Dictionnaire du diable d'Ambrose Bierce
COMESTIBLE, adj.
Susceptible d'être mangé et digéré comme un ver pour un crapaud, un crapaud pour un serpent, un serpent pour un cochon, un cochon pour l'homme et l'homme pour un ver.
De même, si un homme même du riz avec des œufs de moineau, puis, après avoir fait bouillir dans du lait, y ajoute du ghee et en boit autant qu'il est nécessaire, il obtiendra le même résultat.
Sans lard, point de roman.
Mais en attendant, et puisque nos moyens et notre panse sont limités, contentons-nous de lire, d'imaginer et peut-être, pour les plus poètes d'entre nous, ces pages nous donneront-elles une subite envie d'entrer à la cuisine, de mettre un tablier, de prendre un couteau, de découper quelques bonnes bardes de lard, de foncer une cocotte et de commencer un roman.