Citations sur Dommages collatéraux : L'héritage de John Fante (10)
Je venais d'une famille qui étouffait sous des centaines de secrets que jamais personne n'aurait trahis. Vu de l'extérieur, tout semblait parfait, vu de l'intérieur, ça ressemblait à un nœud de vipères. J'avais été élevé par des gens intelligents qui savaient s'exprimer, mais ne parlaient jamais de leur propre folie ou de leurs différences, sauf pour en faire reproche à l'autre.
Mon père avait une âme d'artiste, envers et contre tout. Il a mis de côté sa passion pendant de longues périodes, mais il ne l'a jamais reniée et, bien que la reconnaissance du public a été tardive, il s'est cramponné à ce don qu'il avait pour l'écriture. Il a écrit la plupart de ses romans pour rien. Ni pour la célébrité ni pour le succès. Il les a écrits parce qu'il était écrivain. C'est pour cette constance que moi, son deuxième fils, "ce bon à rien, ce cinglé, cet alcoolo", je l'aimais du plus profond de mon coeur.
L'obsession de ma vie, de mes pensées, était de cacher mon secret: j'étais fou. Vu de l'extérieur j'avais l'air d'être à peu près normal, mais à l'intérieur un ouragan de folie me consumait. C'était comme si je devais nuit et jour comprimer un ressort dans ma tête pour l'empêcher de se détendre.
Mon copain avait suivi des cours de délinquance ordinaire à l'école de la rue et dans les établissements scolaires catholiques: c'était un voleur d'un niveau plus qu'honorable.
Les auteurs les plus doués d'Amérique ont fait le voyage jusqu'à la Cité des Anges pour se faire du fric facilement. Des écrivains talentueux ont négligé leur carrière à cause de l'argent. Quasiment toute sa vie John Fante sera tiraillé entre ses deux maîtres: l'argent et l'écriture.
Lorsque je me suis réveillé, les draps étaient plein de sang et un couteau de cuisine bien aiguisé traînait à côté du lit. Je me l'étais enfoncé dans l'estomac dans un moment d'inconscience. La blessure n'était pas trop profonde, mais très longue. Après l'avoir lavée, je l'ai suturée avec de la Super Glue, des mouchoirs en papier et du chatterton. En proie à une violent gueule de bois, j'avais peur de vomir, peur que la plaie se rouvre. J'ai avalé des médocs pour le bide avec un quart de litre de whisky. Ensuite, je suis allé me recoucher après avoir pris des cachets pour dormir. Le lendemain, j'ai fichu en l'air trois mille dollars pour m'acheter une voiture de sport. Rouge. J'ai toujours eu une prédilection pour le rouge.
Avec le recul, après des années d'abstinence, je m'aperçois que c'est à cemoment-là, avec cette première tentative de suicide, que je suis passé de l'autre côté et que j'ai vraiment sombré dans l'alcoolisme. Au fil du temps, j'étais devenu quelqu'un qui ruminait ses problèmes, qui parlait tout seul, hanté par des obsessions. Pour domestiquer mon cerveau et contrôler mes délires, boire s'est imposé à moi comme un soutien indispensable. Le problème psychologique à l'origine de mon alcoolisme n'a pas disparu lorsque j'ai définitivement arrêté l'alcool ; il m'a poursuivi longtemps après, sans être traité, jusqu'à ce que j'arrive à savoir comment le résoudre.
je l'ai fini , je l'ai aimé , je l'ai adoré .......
vive les Fante père et fils ...
Ce que je n'ai pas vu alors et qui m'a pris des années à admettre, c'est que l'alcool réveillait aussi chez moi de violentes pulsions sexuelles. Ca m'a coûté tout ce que j'ai pu avoir en poche et une série de ce que bon nombre d'alcooliques repentis qualifient avec humour de « mauvaises surprises et malentendus ». En fait, un enfer sans fin. Dès le début, même à dix-huit ans, je n'ai jamais pu me contenter de boire un verre ou deux pour le plaisir avec des amis.
Presque toute ma production avec trois verres dans le nez n'avait aucune valeur alors que, sur le coup, j'étais persuadé que c'était génial.