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Citations sur Haute solitude (30)

Marcher (extraits)…
Je parle et j’écris pour tous ceux qui marchent comme moi, courbés dans leur vie. Ils s’arrêteront comme moi, ils se retourneront sur ces chemins, sur ces sentiments qui s’enrobent doucement dans la nuit. Ils songeront, ils tâcheront de comprendre et d’emboîter leur histoire dans l’immense jeu de patience mouvant de la vie terrestre. Et peut-être qu’un jour, peu à peu, quelqu’un, dans les siècles des siècles, arrivera à remonter patiemment, par petites secousses intérieures, par infiltrations, par viols feutrés, à pas de loup, comme un chasseur exercé qui s’approche sans faire même le bruit d’une respiration imperceptible, à remonter jusqu’au début de la rafale qui nous a jetés sur la terre, à toucher timidement, mais à toucher enfin l’écume de l’immense cataracte du départ…

Toute cette vie vécue, éparpillée, fondue, qui se retourne quand je me retourne, qui se baisse quand je me baisse, qui s’endort quand je m’endors, je la revois souvent, souvent, je la reçois comme un élancement, et je m’y perds, comblé d’espérances instantanées qui m’assaillent et me quittent comme des vertiges. Je n’en finirai pas d’être stupéfait, ravi d’avoir vu d’un coup Dieu dans le monde, comme on s’aperçoit dans une glace à l’autre bout de la chambre... Et d’avoir vu, groupées autour de moi, cinq ou six ombres souriantes qui sont toujours celles des miens.
Et depuis cent ans, je suis à la recherche de ces ombres, depuis cent ans je parcours les impasses, je cogne aux portes, j’implore des lucarnes. Mais les couloirs me ramènent aux couloirs. J’attends mon tour de sortir. Qu’il fait noir, dans ce monde où l’on finit par se heurter à son propre corps, par s’apercevoir partout en caravanes! Que faire pour éviter ces hordes de moi-même qui remontent les avenues, font la queue aux gares, occupent les tables des cafés ? Ah! ces rues du crépuscule où, sur un ciel couleur de zinc, une lune ronde et pansée comme une tête de blessé a l’air de voguer, ces rues pleines de sosies qui longent les murs, silhouettes lancinantes, démarches tordues, figures échevelées sortent en coup de vent sous un coup de lumière moqueuse...
Le ciel nous attend à toutes les portes, au vantail de toutes les rues. A chaque tournant, il nous dépiste, étalant devant nous de grandes étendues de désespoir, tandis que nous piétinons cette terre pareille à une pomme de terre qui aurait fermenté un jour, à l’époque quaternaire, cette terre bondée comme un pain au raisin, cette terre pleine de morts qui ont glissé en bas, invisibles, par une trappe. Nos ossements, prolongement des squelettes de nos grands-pères... Le monde... Immense chaîne de squelettes qui se tiennent par les mains, par les pieds, comme une troupe d’acrobates, qui se sont faits les uns les autres, les uns aux autres, qui se sont déduits l’un de l’autre, qui tressent un hamac innommable qu’on ne voit pas qui se balance au- dessus de l’abîme, et dont chacun se décroche du précédent, retombe sur ses pieds, se reçoit seul, devient cette espèce de chaise à bascule, de chevalet d’Homme...
Maintenant, dans ces semailles de la ville, dans ce gâteau de miel où les maisons rentrent leur ventre, ces maisons qui louchent par leurs yeux d’hommes, maintenant, je ploie à droite, à gauche. J’ai commencé jeune cette vie de pierre foulée, cet interminable monologue le long des chemins de halage. J’ai enfilé ces boulevards, j’ai frôlé en série ces portes ouvertes. Souvent, des filles glacées, aux bouches béates comme des fruits, apparaissaient sur les seuils en sautillant, pareilles aux coucous des pendules. Filles blêmes et roses comme les dragées de plâtre des baptêmes de pauvres. Elles avaient l’air crachées par la cave et déposées là, comme des chrysalides chlorotiques, inventées pour remuer jusqu’à l’épais l’âme des passants, des solitaires et des ivrognes. Alors, déjà, je cherchais ce que je n’ai pas trouvé. Cette découverte doit-elle se faire dans l’espace, ou dans le temps ? Quand tombera de l’Inconnu l’avertissement ? Quelle porte s’ouvrira dans le flanc d’une mêlée de maisons ? Quelle voix appellera soudain ? Oui, quelle voix, pour que je me retourne...
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«Toute cette vie vécue, éparpillée, fondue, qui se retourne quand je me retourne, qui se baisse quand je me baisse, qui s’endort quand je m’endors. Je la revois souvent, souvent, je la reçois comme un élancement, et je m’y perds, comblé d’espérances instantanées qui m’assaillent et me quittent. »
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« Je ne suis ni philosophe, ni théologien, ni partisan. Peut-être ne suis-je poète que par le drame de voir mourir autour de moi des physionomies et des façades. Je ne voudrais n’être qu’un pardessus jeté sur ma vieille âme, et trottiner avec mon sac à tendres malices et ma boîte à regrets dans ces appartements que sont les grandes villes et les pays où j’ai voyagé »
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Les fenêtres, de toutes parts, me regardent, se regardent d'une pièce à l'autre, chuchotent, rêvent en chemise, jouent au fantôme, boivent une couleur, disent la messe à l'autel d'en face, à des bras nus qui roucoulent et se reprennent, à la rose de la chaleur , au verre fumé d'un nuage.
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 Je parle et j’écris pour tous ceux qui marchent comme moi, courbés dans leur vie. Ils s’arrêteront comme moi, ils se retourneront sur ces chemins, sur ces sentiments qui s’enrobent doucement dans la nuit. Ils songeront, ils tâcheront de comprendre et d’emboîter leur histoire dans l’immense jeu de patience mouvant de la vie terrestre. Et peut-être qu’un jour, peu à peu, quelqu’un, dans les siècles des siècles, arrivera à remonter patiemment, par petites secousses intérieures, par infiltrations, par viols feutrés, à pas de loup, comme un chasseur exercé qui s’approche sans faire même le bruit d’une respiration imperceptible, à remonter jusqu’au début de la rafale qui nous a jetés sur la terre, à toucher timidement, mais à toucher enfin l’écume de l’immense cataracte du départ...
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Extrait 2

  Mais nous serons forts, mon âme. Je serai le boulon et toi l'écrou,
et nous pourrons, mille et mille ans encore, nous approcher des vagues ;
nous pourrons nous accouder à cette fenêtre de détresse. Et puis, dans
le murmure de notre attente, un soir pathétique, quelque créature viendra.
Nous la reconnaîtrons à sa pureté clandestine, nous la devinerons à sa
fraîcheur de paroles. Elle viendra fermer nos yeux, croiser nos bras sur
notre poitrine. Elle dira que notre amour, tout cet amour qu'on n'a pas vu,
tout cet amour qu'on a piétiné, qu'on a meurtri, oui, que notre amour n'est
plus que notre éternité.
  Alors, mon âme, tandis que je serai allongé et déjà bruissant, tu iras
t'accouder à la fenêtre, tu mettras tes beaux habits de sentinelle, et tu
crieras, tu crieras de toutes tes forces !

             On entendra
             Qui est cet On ?
             Qui ? demandes-tu ?
             Mais toutes les âmes le savent.
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Accoudé


Extrait 1

(…)
  J'ai vu mentir les bouches que j'aimais ; j'ai vu se fermer, pareils
à des ponts-levis, les cœurs où logeait ma confiance ; j'ai surpris
des mains dans mes poches, des regards dans ma vie intérieure ; j'ai
perçu des chuchotements sur des lèvres qui ne m'avaient habitué
qu'aux cris de l'affection. On a formé les faisceaux derrière mon dos,
on m'a déclaré la guerre, on m'a volé jusqu'à des sourires, des poignées
de main, des promesses. Rien, on ne nous a rien laissé, mon âme.
Nous n'avons plus que la rue sous les yeux et le cimetière sous les pieds.
Nous savons qu'on plaisante notre hymen désespéré. Nous entendons
qu'on arrive avec des faux de sang et de fiel pour nous couper sous les
pieds la dernière herbe afin de nous mieux montrer le sentier de la
fosse. …
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Les volcans saignèrent dans l'eau crissante.
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Il plut à trois cent soixante degrés sur des roches sentimentales, dont la douleur peut se mesurer, de nos piètres jours, aux convulsions de homards à l'américaine et de truites au bleu qu'elles ont gardées de cette cuisson tournafolbesque et filpitorve.
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J'entends au-dessous de moi le tonnerre, comme une grande bête rêveuse et qui se retourne dans son sommeil.
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