Citations sur Stone Butch Blues (80)
J’ai montré à Theresa l’exemplaire de The Souls of Black Folk de W.E.B. Du Bois. Theresa a lu l’inscription : À mon amie, Jess. – Je t’aime, Edwin.
Ed avait fait un petit cœur à la place du point sur le i de son prénom.
Quand Theresa a relevé la tête, j’ai vu des larmes dans ses yeux. Elle m’a baissé la tête et m’a embrassé partout sur le visage.
– Moi aussi je t’aime, Jess, m’a-t-elle chuchoté à l’oreille.
J’ai juste peur, je lui ai dit. Toutes ces choses ne m’avaient pas encore vraiment touchée jusque-là. Mais tout à coup, je réalise combien tu as changé, et ça me terrifie. J’ai peur que tu changes, et moi pas.
- C’est une de tes qualités. Cette manière de calmer les gens quand ils sont furieux les uns contre les autres. Parfois, c’est très important de rester soudées. Mais pas toujours.
Je me suis assise.
– Qu’est-ce que tu veux dire ?
Theresa s’est assise à côté de moi.
– Des fois, tu dois prendre parti.
- Tous ces trucs qui se passent là où tu bosses. Ça ne nous atteint pas à l’usine, à part quand un des gars est appelé ou tué.
Theresa a hoché la tête.
– Je sais, chérie. C’est la première fois de ma vie que j’ai un boulot où je peux voir ce qui se passe dans le monde. Toute la journée, j’entends des personnes débattre de choses qui se passent.
Avant, j’écoutais juste. Mais maintenant, c’est important pour moi. Maintenant, j’ai des opinions sur ce qui se passe et je veux aider à essayer de changer les choses.
J’ai savouré son nom, en le répétant dans ma tête. Quand tu te retrouves à faire ça, c’est le signe que quelque chose de grand est en train de se passer dans ton cœur.
- J’aime Rocco et Jan parce qu’elles sont prêtes à affronter le monde entier plutôt que de tricher sur ce qu’elles sont. Et tant bien que mal, elles se débrouillent encore pour être des femmes d’honneur. Elles ont été loyales envers moi et envers leurs amies.
J’ai hoché la tête et baissé les yeux.
– Je les respecte pour ça, m’a-t-elle dit, ça fait partie de pourquoi je les aime tant. Et je vois ça en toi.
J’avais peur d’oublier ma décision et de plonger dans ses bras si on continuait à discuter. J’avais envie de lui demander de m’apprendre à me laisser toucher, mais je ne pouvais pas trahir la confidence de Jan
Mais je ne peux pas vieillir en un instant. Je ne peux pas sauter par-dessus toutes les choses que je dois apprendre et je ne peux pas toutes les obtenir à travers toi. Ce que je suis en train de dire, j’imagine, c’est que la première fois que je te prendrai dans mes bras comme amante, et je le ferai un jour, je voudrais être plus adulte que je le suis maintenant.
Et des fois, quand je suis trop embrouillée et que je ne sais plus quoi faire, je me dis que tu pourrais donner un sens au monde pour moi.
Au fond de moi, je bouillonnais. Je savais que j’étais stone, moi aussi. Être stone, c’était comme être équipée d’un système d’alarme qui ne semblait pas avoir d’interrupteur. Une fois installées, les sirènes se déclenchaient et les barrières se fermaient, même si l’intruse était tendre et aimante.
– Écoute-moi, Jess. On va s’occuper de ça. On va prouver ce que Jack t’a fait et on va expliquer à la direction que soit ils le virent, soit on fait grève.
J’étais ébahi à l’idée que des hétéros se mobilisent pour moi, ou pour n’importe quelle il-elle.
Duffy a ajouté :
– Tu sais, je crois que je n’avais pas réalisé à quel point c’est dur pour toi. Je sais quel genre de connards peuvent parfois être les gars au boulot