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Critique de afriqueah


Coup de coeur, depuis le début jusqu'à la fin, tout à la fois grand thriller où tous nos doutes sombrent devant une autre explication des mêmes évènements présentés au début et un livre sur l'histoire de cette Afrique Australe sur laquelle pèse le souvenir de l'apartheid de l'Afrique du Sud, puisque la Namibie lui a appartenu avant la guerre de libération portée par Cuba et le bloc communiste.
Aux chasses aveugles, massacrant par exemple douze mille éléphants dans la seule année 1887, mélangeant l'exotisme au danger, cela sur les terres dont les animaux sauvages attiraient le reste du monde, a succédé la nécessité de créer des parcs pour les survivants.
Ces réserves, outre le travail donné aux sociétés privées de sécurité, souvent des mercenaires pro- apartheid, sont le pain béni du braconnage, quatrième commerce illégal au monde. En voulant les préserver, créer des parcs de la paix pour transcender les frontières, en suivant l'idée de Mandela, on met en danger, puisque regroupés, les troupeaux de rhinocéros et des éléphants dont la mémoire des carnages s'est transmise de génération en génération. Ces derniers, depuis le massacre des « grandes défenses » se sont adaptés, et leurs défenses ont raccourci.
La sauvagerie continue cependant : Solanah la « ranger », forte femme, n'ayant peur de rien, même quand elle se fait braquer par un monstrueux éléphant, est chargée de débusquer les pièges « inventifs » des chasseurs locaux, fils de fer ou lames acérées immobilisant les girafes recherchées pour leur queue comme tape-mouches, leurs os comme manches de couteau, leurs tendons comme cordes de guitare, leurs poils des bracelets( !!!).
Et son job de ranger se passe dans une des réserves au nord-est de la Namibie, le Bwabwata, jouxtant un immense parc privé, appartenant à John Latham et à N/Kon, un San, ou Bochiman, parlant en « clics » (comme les héros de « les dieux sont tombés sur la tête ») et appartenant à une très vieille culture de plus de trente mille ans.
Ce parc, le Wild Brunch, est protégé par de nombreuses caméras de surveillance de haute technologie, de drones et d'un avion, et pourtant un meurtre a été commis, puis un autre, puis l'assassinat d'un rhinocéros appelé « longue queue », allant jusqu'à l'empoisonnement des eaux tuant beaucoup d'animaux pour récupérer les cornes et les griffes…
Comment un parc privé peut-il, à la mort du directeur, qui se trouve propriétaire des bêtes sauvages et peut en décider le « prélèvement », ne pas revenir de droit à l'État namibien ? c'est que John Latham veut rendre ces terres, même si c'est illégal, aux San, les premiers habitants de la région avant l'invasion bantoue, puis la colonisation allemande. Les San n'ont jamais tué d'éléphants, qu'ils considèrent comme leurs égaux. Pacifiques, qu'on leur rende leur terre !
« il leur avait fallu éveiller l'oeil qui voit l'invisible, l'oeil de l'esprit, développant des aptitudes intellectuelles décisives, comme la puissance de l'imagination. »

Qui braconne ? les villageois des alentours des parcs touchent de l'argent pour préserver la faune et profitent du tourisme, il serait illogique qu'ils braconnent leur propre gagne-pain. Et pourtant cohabiter avec des animaux sauvages est
dangereux, cause d'accidents mortels. Or dans le désert, tuer les lions voleurs de bétail parait être légitime défense.
La peur, la faim.
Tout aussi paradoxal, les éleveurs doivent souvent quitter leurs terres « au nom de la préservation exclusive des bêtes sauvages, ceux-là même que l'Occident avait majoritairement exterminés.
Un nouveau colonialisme vert. »
Mais plus que tout, ce sont les trafiquants asiatiques, avec leur nouvelle route de la soie, et trouvant des acheteurs prêts à croire aux vertus aphrodisiaques des cornes de rhinos qui perpétuent le trafic finançant les conflits armés et les groupes terroristes ou financés par eux. le chapeau étant porté par un malfaiteur afrikaner, appelé « le Scorpion ».

Okavango, c'est une rivière, entre l'Angola, la Namibie et le Botswana. C'est surtout un des plus beaux livres sur l'Afrique, dont on sent l'engagement de l'auteur, dont on ressent les dangers et les difficultés, dont on lit la beauté sauvage. Caryl Ferey, par sa manière de camper ses personnages avec leurs contradictions, par sa dénonciation du braconnage et son analyse des raisons diverses qui le rendent possible, par ses interventions explicatives quant au passé récent de la zone a écrit un chef d'oeuvre.
Coup de coeur. et merci à Pascale @CalouRmn, qui m'a prévenue de la sortie du livre.
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