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Critique de topocl


Ce qui se perdaient dans la misère c'était aussi le désir et l'élan vers l'avenir

Entre deux expulsions, cette famille de gitans a trouvé à se fixer dans un jardin abandonné de banlieue. Quelques poules cohabitent avec les rats dans la boue, on s'entasse dans les caravanes, mais ils se tiennent les uns les autres : la matriarche, crainte et vénérée, les cinq fils, qui ferraillent vaguement pour masquer leur honteuse inutilité, les belles-filles, épouses et mères, et la troupe de marmots qui ne sait même pas qu'il existe autre chose que cette « liberté » bien chère payée. Tous analphabètes, à la fois fiers et humiliés de n'être pas insérés dans cette société qu'ils connaissent si peu et qui le leur rend bien.

Ils sont semblables à n'importe lequel des enfants qui sont ici. La seule chose qui les différencie, murmura-t-elle, c'est que leurs parents ne savent ni lire ni écrire et qu'ils n'ont pas de maison.

Et puis un beau matin, survient Esther, ses livres illustrés sous le bras main, qui va lire des histoires, ouvrir un dialogue, générer des confidences, et finalement se battre pour que, coûte que coûte, Anita aille à l'école.

Sujet à haut risque avec tout ce qu'on pouvait redouter de stéréotypes, de bons sentiments, de bien-pensance et de lacrymal.
Et bien, Alice Ferney fait très fort, elle évite tous ces écueils. Cette main tendue devient subtilement partage, mais pas miracle. Les personnages sont tout entremêlés de contradictions et de douleurs. Esther elle-même est une espèce de minéral plein de douceur. Il y a en Alice Ferney une sensibilité aux failles et fragilités d'autrui, à leurs petits bonheurs aussi, une humanité qui est à bien des moments bouleversante. Cette façon qu'on les petits de se lover autour de leur lectrice, cette adepte de la lecture à haute voix comme lien premier façon Pennac , il y a là de grands moments .

Il y avait un secret au coeur des mots. Il suffisait de lire pour entendre et voir, et l'on n'avait que du papier entre les mains. Il y avait dans les mots des images et des bruits, la place de nos peurs et de quoi nourrir nos coeurs.


Et puis il y a les mots, à la fois outils et personnages. La langue d'Alice Ferney est dense, généreuse et fouettante. C'est une langue qui fouille et qui remue, avec ces dialogues tendus imbriqués dans le texte, cette façon de passer de l'un à l'autre avec un oeil plein de compassion pas mièvre du tout, une compréhension de ces vies d'espoir et de désespoir mêlés.

Mais surtout les mots sont le fil rouge de ce récit, des mots qui apportent le réconfort , la fierté, la foi en l'autre, la consolation, la transmission. Des mots émancipateurs. Mots des livres (on se régale à identifier les extraits des lectures d'Esther), mots des dialogues et monologues, joyeux, furieux ou confidents.

Quant à la question de savoir si c'est « bien vu », « comme si on y était », je suis bien incapable d'y répondre, et peu sont à même de le faire : comment ça se passe chez les gitans, dans leurs campements, dans leurs têtes et dans leurs coeurs? Tour ce que je sais, c'est qu'Alice Ferney nous propose ici sa version, pleine d'honnêteté et de respect, qu'elle est probable, touchante, renversante.
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