- (...) On ne peut plus rien faire en ce qui concerne les morts, Bonnie. C'est aux vivants que nous devons apprendre à consacrer davantage d'attention.
Un murmure d'excitation parcourut l'atmosphère. "N'est-ce pas Marla Brenzelle ? demanda une voix. C'est bien Marla Brenzelle ?"
Marla Brenzelle, mon cul ! se dit Bonnie. Elle l'avait connue au lycée, quand elle n'était encore que Marlene Brenzel, une fille banale et mal foutue qu'aucun garçon ne regardait. Depuis, la chirurgie esthétique lui avait offert un nez tout neuf, une nouvelle paire de seins, un ventre plat et des cuisses de mannequin. Elle s'était teint les cheveux en blond platine. Son père, lui, avait acheté une chaîne de télé pour faire d'elle la star de son propre magazine. La seule chose qui n'avait absolument pas évolué chez Marlene, durant toutes ces années, c'était son cerveau. Il répondait toujours aux abonnés absents.
- Avez-vous peur de votre petit-fils, Mr Reilly ? demanda soudain Bonnie. Mrs Reilly ?
Bob Reilly se raidit et sa femme lui jeta un regard anxieux.
- Votre petit-fils est en proie à une grande violence intérieure et je voudrais l'aider avant qu'il ne soit trop tard.
- C'est pour ça que vous avez envoyé la police l'interroger ? demanda le vieil homme à brûle-pourpoint. Est-ce là tout ce que vous avez trouvé pour l'aider ?
- Croyez-vous votre petit-fils capable de faire du mal à quelqu'un, Mr Reilly ? demanda Bonnie, le cœur battant .
- Tout le monde est capable de faire du mal à quelqu'un, lui rétorqua Bob Reilly en poussant sa femme dehors.
Il y a des gens qui sont faits pour n’avoir qu’un seul enfant. Ils savent au fond d’eux-mêmes qu’il n’y a pas de place dans leur cœur pour plus d’un. Ils savent qu’ils ne pourraient pas aimer deux enfants de la même manière, que l’un d’eux finirait par être rejeté avec perte et fracas.
Un couple ne se construit pas sur des secrets et, en ce qui vous concerne, un tel secret pourrait l’achever.
« Tu es une brave petite. » Ces mots, leitmotiv de sa mère, la firent pleurer au souvenir de cette autre femme morte bien trop tôt elle aussi. Quelle ironie, songea-t-elle, il ne s’agissait pas là des vacances romantiques dont elle avait rêvé, mais la vie se chargeait tout de même de lui faire manquer une semaine de cours.
Ce n’était pas sa faute. Ce n’était pas non plus la leur. Ce n’était la faute de personne. C’était simplement les choses de la vie.
On ne peut pas plaire à tout le monde.
Lauren disparut quelques secondes avant de se décider à descendre avec une lenteur et une prudence infinies, concentrée sur ses pieds, refusant de lever le nez sur son père ou sa belle-mère, comme un petit animal sauvage à qui un être humain présenterait de la nourriture.
Elle avait une beauté saine et sportive, le genre de beauté qui ne se démode pas et la faisait paraître plus jeune que ses presque trente-cinq ans. Joan l’avait décrite un jour comme une belle passe-partout.