AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Balbuciendo (12)

Poème: fil de funambule tendu entre pierre tombale et perce-neige.
Commenter  J’apprécie          30
Le silence neige de souvenirs qui ne cicatrisent pas.
Commenter  J’apprécie          20
Traversée par un rayon de nuage,
À Modica, devant la casa de Quasimodo,
Alors qu’au fond San Giorgio flamboie.
Ed è subito sera.


Écume de nuages, déjà disparue.
Rien sur l’os que quelques bulles de salive
Laissée par la vague du baroque.



Pluie jusqu’à Agrigente puis glossolalie de lumière crue
Sur la Vallée des Temples. Nuages, architraves en vol.
Ils nous enroulent dans les voiles du temps que le vent arrache,
Laissant voir, quand nous marchons la nuit entre les temples
Illuminés, nos squelettes d’écume brûlés de trous noirs.



Nuages, arbres de vie dans le ciel torse.
Mues de quel dieu à venir?




Tu filmes les nuages. Je les filme en mots.
Nous nous rencontrons parfois à une bifurcation du ciel.


Pauvres nous serions sans l’improvisation des nuages
Qui nous apprennent à resplendir et à passer.
Commenter  J’apprécie          10
2

Prière aux nuages ce soir pour le cri d’enfant
De l’os sans dieu.


Taormina théâtre grec où les nuages derviches-tourneurs
Tournoient dans leurs rêves au milieu des acteurs.
Et toujours derrière les nuages un couteau
Prêt à disséquer les entrailles de l’amour.


Tarentelles de nuages pastels rythmées
Par les tambourins à rubans transparents des vagues.


Moelles de nuages à Syracuse où le théâtre et la mort
Gradins et nécropoles lévitent dans le bleu.
L’oreille de Denys, utérine, écoute l’arrière-gorge des tombes.
Duo la nuit à Ortygie, derrière le duomo où le dorique
Chante avec le baroque, deux hommes sur un pas de porte,
Viole et guitare , poussière d’or des sons.



La musique nous apprend à décalquer les nuages.


Courses de nuages derrière la voiture, spirales d’anges.
Et soudain, villa romaine del Casale, flûtes
De nuages dansant au rythme des dauphins en mosaïque.
Soir d’orage, motos de nuages pétaradant,
Piazza Armerina, in memoriam Roma de Fellini.


Nuages, nos traces de pas presque effacés dans l’air.
Commenter  J’apprécie          10
2

Passages de nuages en Sicile

Isola di Capo Passero, pointe sud rude de l’Europe.
Fin du monde pour nuages migrateurs.
Profils de rocs rongés par le ressac. Au large,
Je fais la planche, île moi aussi, songe qui dérive.
Une mouette se pose au centre du nombril.
S’éclaire un nuage: phare vers quelle houle?


Parfois la mer est si haute qu’on ne sait
Si on saute dans les vagues ou les nuages.


Notes de nuages, nids de silence.
Si solaires qu’y pousse le citron.


Noto, le baroque arraché au tremblement de terre.
Les têtes torses du palais Villadorata
Sont les miroirs de pierres des nuages.
Sirènes, vieillards, sphinx, griffons: nos métamorphoses.


Buffets d’orgues des nuages vocalises
De Vivaldi éparses dans le ciel.

Pentes mystiques de l’Etna, gutturales, rosseliniennes.
A gravir quand l’ombre sombre des nuages les dévalent
Et que stridulent leurs crânes échappés des cratères.
Alors s’allument des visages dans l’ossuaire des rocs.
Commenter  J’apprécie          10
3
In memoriam

Savoir depuis toujours que le père voulait que sur sa pierre tombale en granit rouge corail soit écrite la formule latine « In memoriam ». Devoir lutter contre le marbrier qui s'obstine plusieurs fois, incompréhensiblement, à écrire "In mémoriam" avec un accent aigu. Corriger l’erreur du marbrier, jour après jour, avec acharnement et opiniâtreté. Avoir en mémoire le récit de Rilke consacré au poète Félix Arvers qui, dans la tension de son agonie, parvient à repousser le moment de sa mort pour corriger une religieuse qui, à côté de lui, prononce « collidor » au lieu de « corridor ». « C'était un poète et il haïssait l'à peu près », écrit Rilke. Ainsi le père. Contre le marbrier, à force de résistance et de persévérance, obtenir finalement gain de cause. Mais nuit après nuit, dans les pluies battantes des cauchemars, continuer à essayer, encore et toujours, de mettre le feu à l'accent aigu comme si c'était essayer de mettre fin à la mort.
Commenter  J’apprécie          10
2
« Ce qu'a vu le vent d'Ouest »
Debussy

Etre seule sur cette terrasse, en surplomb au-dessus du golfe de Porto-Vecchio, et écrire. Jour après jour, en écrivant, apprendre à aimer la vie après un deuil. Apprendre à déchiffrer les infinies tessitures des couleurs quand resplendit le soleil du soir : au premier plan, l'éclat mauve des grappes de bougainvilliers; puis l'argenté des chênes verts entrecoupé par les verts plus sombres des cyprès ou par les verts citronnés de lumière des grands pins; puis le bleu moiré de la mer méditerranée scandé par les blancs rythmiques des voiliers; et à l'horizon la découpe bleu¬ vert du cirque des montagnes qui bercent la baie jusqu'à ce qu'elle s'endorme et que s'allument et se réverbèrent, une à une, dans le crépuscule or-rose les lumières serpentines du port. Apprendre à déchiffrer les nuances infinitésimales du chant du vent d'ouest dont les étreintes, les rafales souples, tintinnabulantes, soulignent encore la précision et l’intensité des couleurs : chant plus sourd dans le touffu des pins, plus aigu dans les chênes verts, plus guttural dans les cyprès, plus mat dans les élytres des eucalyptus.
Jour après jour, en écrivant, désirer être jetée, après la mort, n'importe où dans la mer, comme on jetait en Inde les corps des enfants morts dans le Gange.
En état d'apesanteur, écouter l'inconnu monter en soi : dans les vibrations de la chaleur, parmi les rumeurs du vent d'ouest, entendre tout à coup quelque chose comme la voix assourdie et tremblante du père mort. S'apercevoir que la découpe des montagnes au loin (comment ne pas l'avoir vu plus tôt ?) correspond à l'exacte découpe (mais plus calme, plus apaisée) de son profil sur son lit de mort. Héler le vent, par psalmodies, balbuciendo : « Pourquoi, mon père, pourquoi avoir demandé à être incinéré ? Pourquoi le feu ? Pourquoi n'avoir pas laissé aux vivants les os, les reliques ? »
Mais (comme souvent dans les rêves) ne pas parvenir à comprendre ce que répondent peut-¬être les cendres de cette voix, que le vent d'ouest amplifie et éparpille au large et qui ensemencent la mémoire de leur énigme fatale.
Commenter  J’apprécie          10
TRIPTYQUE POUR LE PERE MORT

1
« Continuons d'œuvrer »

Dans la lumière crue d'une chambre d'hôpital, brûler au chevet du père mourant. Se souvenir qu'au sortir du coma, il avait des sourires de bébé d'une douceur qui n'existe que chez Schubert. Tandis qu il agonise, être saisie par le contraste entre la tension de la bouche grande ouverte, tordue sur le visage en sueur, et le calme des mains, qui reposent sans peser, en paix sur les draps gonflés par la respiration ventrale. Ecouter le médecin répéter que l'hémorragie a fait tripler de volume le cerveau. Découvrir qu'il y a le mot « rien » dans le prénom du père « Adrien ». Ouvrir de nouvelles portes de douleur à l'intérieur de soi. Etre frappée par l'inutilité de la montre au poignet gauche du mourant. Sortir pour vomir, puis pour manger.
Au retour, le trouver mort: avec la même inquiétude dans les plis de la bouche et la même sérénité dans la pose délicate des mains. Se demander qui de la bouche ou des mains dit la vérité sur la mort. Craindre qu'une mouche ne s'engouffre dans la bouche béante. S'apercevoir soudain que la montre au poignet du mort a disparu. Deviner que quelqu'un a volé la montre, alors que le père était mourant ou déjà mort. Un voleur sordide? Ou un voleur généreux, venu couper le cordon ombilical qui reliait encore le mort au temps?
A voix très basse et un peu tremblante, pendant que le corps commence à se rigidifier, de plus en plus jaunâtre et froid, psalmodier par cœur, sans que les larmes ne caillent dans les yeux, la lettre de Goethe à Zelter du 19 mars 1827: « Continuons d'oeuvrer. La pensée de la mort me laisse parfaitement calme, car j'ai la ferme conviction que notre esprit est une substance de nature tout à fait indestructible, qui continue d'œuvrer d'éternité en éternité. » Entendre l'entrechoquement dans le crâne du doute et de l'espoir, comme deux percussions que l'on heurte l'une contre autre avec violence puis qui vibrent à l’infini avant de retourner au silence. Comprendre que peu importe qui l’emporte du doute ou de l’espoir, si nous « continuons d’œuvrer ».
Commenter  J’apprécie          10
Scriptorium

Écriture : tout, terre, terrier, trou.
À-pic du cri dans l’œil de la gorge.
Les mots titubent atterrés de mémoire.
Les souvenirs brûlent le vagin du visage.
Une étoile anonyme essuie les larmes.
Les onomatopées de l’os tournoient.
Poème : scansion du noir, balbuciendo.
Commenter  J’apprécie          10
3
Notes de Selinunte

Percussions émeraudes et mauves des vagues
Sur la plage de dunes et de lys sauvages
Heurtent contre la douleur et l’assourdissent un peu.
Derviche-tourneur de la caméra tu planes
Au-dessus des sables avec tes doigts de papyrus
Et soliloques ailé face au cosmos.
Des brouillards de chaleur tournoient autour des corps
Ébréchés et en voilent les plaies argentées.
L’écume recouvre les cruautés conjugales
D’une traîne de mariée aérienne et légère.
Nous mues d’eucalyptus parmi les coquillages morts.
Nous vents dans les joncs enlacés, nous vents.

Vus de la mer les temples de Selinunte
Voguent sur le temps avec leurs mâts doriques.
Le vide hisse les voiles du ciel.
Au loin le temple de Segeste lévite
De calme dans les montagnes en vol.





Dégradés de douleur jusqu’au presque effacement
Trompeur dans le lait bleu du large au soleil du soir.
S’illuminent un à un les lys au-dessus desquels
Nous nous penchons comme sur une mémoire étoilée
Lointaine dont seul le parfum craille encore dans l’humus.
Selinunte: l’os et le lys.
Respire - le avant que le linceul fantôme
De la lune rousse ne disparaisse dans la mer:
Mirage comme nous un instant éclairé puis éteint.

J’écris pour quelqu’un menotté de douleur
Qui regarde le noir se balafrer de rêves.






Bégaiement



Cratère de fatigue, ventrale, cervicale. Assez.
La lumière d’hiver crie d’anges que je ne peux rejoindre.
La douleur tord la chevelure d’hortensia de la mémoire.
Une voix de ruminant bégaie à l’oreille:
« Dieu me meut ». Ou est-ce: « Dieu me
Ment »? Le destin se joue à la lettre près
Et on n’entend pas distinctement cette lettre.
Mais le tapage cesse. Un peu de bleu monte au crâne.
Chaque côte est peinte en or par un peintre invisible :
Échelle intérieure à gravir jusqu’à l’œil du cœur.



Scriptorium


Écriture: tour, terre, terrier, trou.
À-pic du cri dans l’œil de la gorge.
Les mots titubent atterrés de mémoire.
Les souvenirs brûlent le vagin du visage.
Une étoile anonyme essuie les larmes.
Les onomatopées de l’os tournoient.
Poème : scansion du noir, balbuciendo.


***


Extraits de La Troisième Main (Arfuyen, 2015)
Commenter  J’apprécie          00






    Lecteurs (7) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

    Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

    Paris
    Marseille
    Bruxelles
    Londres

    10 questions
    1227 lecteurs ont répondu
    Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

    {* *}