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Citations sur Pêcheur de perles (22)

Ni amicaux ni, bien sûr, désinvoltes, les biographes sont, à quelques rares exceptions près, les mandataires méticuleux de la morale du ressentiment. Il leur incombe de réparer l'affront de l'éminence et de rabattre le caquet des esprits prétendument supérieurs. La mission qui leur est assignée consiste à faire déchoir les auteurs incomparables en les enfonçant dans la médiocrité commune voire, si possible dans l'abjection. Derrière l'oeuvre, la vie. Et sous la surface chatoyante ou monotone de la vie, l'égoïsme, la mesquinerie, la mysogynie, la part d'ombre, les lourds secrets, la Faute.
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Walter Benjamin collectionnait amoureusement les citations. Dans la magnifique étude qu'elle lui a consacrée, Hannah Arendt compare ce penseur inclassable à un pêcheur de perles qui va au fond des mers "pour en arracher le riche et l'étrange".
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À peine conquis le droit d’être dissemblables et de vivre à la première personne, les nouvelles féministes choisissent de se fondre dans la forme compacte du nous : me too, moi aussi. Il n’y a plus d’individus, il n’y a que des échantillons. Les différences sont sacrifiées, le cœur battant, à la satisfaction de s’agglutiner et de faire masse. La singularité des expériences est remplacée par la globalité de la domination et la chambre à soi par l’immense appartement communautaire de la sororité. Le privé est politique et le politique se trouve lui-même réduit à une fable manichéenne. Cette fable ne se laisse pas troubler par les démentis du réel. Aucune objection ne l’atteint.
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Sous le nom de devoir de mémoire, le mal absolu, on l’a vu dans les chapitres précédents, occupe le champ entier du souvenir. Mais force est de le constater : cette mémoire impérieuse qui oublie tout ce qui n’est pas crime rate aussi le crime lui-même. Elle en parle sans cesse elle ne sait pas de quoi elle parle. Elle ignore superbement la réalité qui l’obsède. Elle est aveugle à cela même dont elle ne veut pas détourner les yeux. Elle réfléchit à la signification du pétainisme, elle en pourchasse les vestiges, elle en démasque les nouvelles figures, elle s’inquiète de ses multiples avatars, et elle se révèle incapable de faire la différence entre Pétain et De Gaulle. Elle attribue au premier les principes invoqués par le second dès le 18 juin 1940. Elle flaire une odeur de moisi dans la permanence dont se réclame De Gaulle tout comme dans l’émotion éprouvée par Marc Bloch au souvenir du sacre de Reims et au récit de la fête de la Fédération. Quand elle dresse un réquisitoire contre le régime de Vichy, c’est, sans s’en rendre compte, la geste de la France libre qu’elle poursuit de sa vindicte post-nationale.
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Selon Alain, homme de l’ancien monde, « l’esprit humain se forme non à choisir, mais à accepter ; non à décider si une œuvre est belle, mais à réfléchir sur l’œuvre belle. Ainsi, en dépit des lieux communs, trop évidents, il y a une imprudence à juger par soi, c’est l’humanité qui pense ». Et Nicolas Gómez Dávila renchérit : « Notre opinion sur un grand livre est le verdict que ce livre porte sur nous. » Cette prudence et cette modestie sont hors de saison.
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Il est vrai qu’un nouveau bonjour a fait son apparition dans l’espace communicationnel : le bonjour égalitaire, indifférencié, pétulant des courriels ; le bonjour électronique et sans façon qui supprime d’un seul coup toutes les nuances et tous les échelonnements de nos anciennes pratiques épistolaires : Madame, Monsieur ; chère Madame, cher Monsieur ; cher ami ; mon cher ami ; mon cher Camus, mon cher Malraux ; cher Denis, chère Angélique. Ce bonjour au goût du jour n’est pas une adresse à l’Autre, c’est une irruption du moi. Ce n’est pas un chevalier, c’est un gougnafier. Il n’accueille pas, il déboule ; il ne s’incline pas, il s’invite ; il n’est pas avenant, il est abrupt ; il n’est pas bien disposé, il est éhonté ; il ne salue pas, il klaxonne ; il ne dit rien aux destinataires que l’arrivée triomphale du destinataire. Ainsi, la muflerie fait main basse sur la courtoisie et retourne contre celle-ci, sans autre forme de procès, son propos inaugural.
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Peut-on affirmer encore que les émeutes qui embrasent périodiquement la France sont une réponse aux crimes de la police et à l’abandon de la promesse républicaine dans les cités sensibles ? Je lis ici ou là : « Forcément, les gens se rebellent. » Mais cette explication par le désespoir qu’engendrent l’exclusion et l’exploitation tient-elle la route ? Pourquoi les émeutiers de juin 2023 ont-ils systématiquement ciblé les réalisations de la promesse ? Pourquoi, s’ils sont, comme on a dit, « accablés de problèmes », ont-ils exprimé leur colère en mettant le feu aux solutions ? La haine qui s’est alors donnée libre cours, les bibliothèques incendiées, les écoles dévastées, les mairies mises à sac, les razzias, les pillages – tout cela ne témoigne-t-il pas d’une extériorité et d’une hostilité radicales à ce que nous sommes ?
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L’homme moderne pensait, avec Diderot, que « le temps voit tout ». Il ne comptait plus sur Dieu mais sur la postérité pour reconnaître les siens. Je me demande si cette espérance nous est encore permise. Peut-on croire que la fièvre est passagère et que la clairvoyance retrouvera un jour ses droits ? L’illusion communiste s’est fracassée sur les horreurs du socialisme réel, mais y aura-t-il jamais une épreuve de vérité pour l’idéologique woke ? Le présent redeviendra-t-il modeste ? Notre monde sortira-t-il du dogmatisme et du narcissisme qui l’aveugle ? Se réveille-t-on d’un éveil ?
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Ainsi, l’époque actuelle bat sa coulpe avec un zèle jubilatoire. Résolument engagée dans la voie réparatrice de l’égalité, elle se gargarise de sa honte, elle vit à l’heure de la shame pride. C’est par la repentance, en effet, qu’elle marque sa prééminence. Elle se veut ouverte à l’altérité. Mais en réalité, elle ne sort jamais d’elle-même et, forte de sa sensibilité absolue, elle ne voit pas la poutre qui est dans son œil. Elle mène un combat acharné contre le nationalisme et témoigne d'un chauvinisme du présent sans équivalent dans l’histoire des hommes. Arrogance pénitentielle, triomphe du Même sou la bannière de l’Autre, suprémacisme égalitaire : tel est le triple paradoxe de notre temps. On voulait tirer toutes les leçons des années noires si bien pressenties puis décrites par Thomas Mann et on finit par relever de la critique qu’il formulait en 1931 dans « Regénération de la bienséance ». Cette critique, en outre, n’est pas audible. Comment s’opposer à l’antiracisme sans être soi-même raciste ou au féminisme radical sans témoigner de son indécrottable misogynie ? La pensée éveillée est trop généreuse pour ne pas être totalitaire. Son adversaire est nécessairement un scélérat, à « canceler » de toute urgence.
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Ce nouveau « nous », ce « nous » sans précédent, se définissait non par son contenu mais par son ouverture, non par son origine mais par sa rupture avec l’origine, non par ses racines grecque, latine, biblique, humaniste, mais par le déracinement. Choisir contre l’incarnation la voie de l’indétermination, quitter l’être afin d’être moralement irréprochable, telle était la leçon tirée de l’expérience de l’histoire par l’histoire en marche. Nous avions pour tâche d’effacer la tache en remplaçant, sur les billets de banque, les visages par des viaducs et en substituant à la discriminatoire communauté de destin une communauté procédurale sans exclusive car tissée de normes, de valeurs et de droits.
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