- La passion quand ça foire, on parle de ses ravages. Quand ça marche, on n’en parle plus. Elle s’éteint toute seule.
Je ne veux plus être cette chienne qui se frotte contre des draps imprégnés de l’odeur de son mâle, cette fille qui attend le ventre à l’air qu’il revienne la prendre et la satisfaire.
Tout se consume à l’intérieur et la douleur me tord les entrailles. J’ai l’impression de hurler en silence, alors que je voudrais être entendue par la terre entière. J’étouffe.
La guerre est finie mais les blessures persistent. On ne s’en remettra jamais.
Le mimétisme de l’amour nous rendait tous deux semblables, à peine adolescents, avec nos cheveux coupés courts, nos jeans délavés, pieds nus dans nos mocassins identiques. Et jusqu’aux mots qu’on s’empruntait avec délices, comme si avoir le même langage renforçait un peu plus la ressemblance.
Sébastien était à la fois mon passeport et ma barrière. Un certificat d’appartenance à une France dont j’apprenais par cœur l’histoire et la géographie mais que je ne parvenais pas à rendre tout à fait mienne. Et la meilleure des protections contre l’amour prétendument « envahissant » des miens.
Il prétendait qu’on retrouvait parfois des passagers errant dans les salles d’attente, ne sachant plus pourquoi ils étaient venus ni où ils auraient dû partir. Le no man’s land les avait rendus amnésiques. Dans la maison déserte, Sébastien était perdu lui aussi, incapable de retrouver ses marques.
Les mots de la passion qui, dans les romans, appartiennent aux autres. Nous étions lyriques, exaltés, emportés par des sentiments trop violents dont nous n’avions pas la maîtrise.
Le menteur, embellissait les histoires pour mieux les raconter.
Prendre. Donner. Oser. L’un dans l’autre jusqu’au vertige.
Dormir ensemble. Voguer, dériver, peau à peau. Un même souffle. Deux moitiés enfin réconciliées.