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Critique de AgatheDumaurier


Un coeur simple
C est un texte tellement beau que le lire est douloureux, de plus en plus douloureux au fur et à mesure que l' on grandit, mûrit, vieillit.
Quelle folie de le faire lire à des lycéens ! Ils ne peuvent rien y comprendre, ce n est pas leur faute. C est un texte sur le temps qui passe, sur la vie qui s écoule doucement, sur les grandes et les petites pertes, qui ne rendent pas plus forts mais consument peu à peu. Jour après jour, année après année, quand on a pris conscience que rien n est immortel, que tout fuit et nous échappe.
Félicité, la servante de Mme Aubain, protège sa maitresse de cette cruauté sans nom. Pour rien, comme ça. Elle est immense et déchire le coeur.
Rien ne serait possible sans la prose inouïe de Flaubert. Il me semble qu' il fait atteindre au français, dans certains passages, la perfection de son essence monotone et mélancolique. Rien d autre à faire que citer.
"Elles se promenaient ensemble le long de l'espalier ; et causaient toujours de Virginie, se demandant si telle chose lui aurait plu, en telle occasion ce qu'elle eût dit probablement.
Toutes ses petites affaires occupaient un placard dans la chambre à deux lits. Mme Aubain les inspectait le moins souvent possible. Un jour d'été, elle se résigna ; et des papillons s'envolèrent de l'armoire.
Ses robes étaient en ligne sous une planche où il y avait trois poupées, des cerceaux, un ménage, la cuvette qui lui servait. Elles retirèrent également les jupons, les bas, les mouchoirs, et les étendirent sur les deux couches, avant de les replier. le soleil éclairait ces pauvres objets, en faisait voir les taches, et des plis formés par les mouvements du corps. L'air était chaud et bleu, un merle gazouillait, tout semblait vivre dans une douceur profonde. Elles retrouvèrent un petit chapeau de peluche, à longs poils, couleur marron ; mais il était tout mangé de vermine. Félicité le réclama pour elle-même. Leurs yeux se fixèrent l'une sur l'autre, s'emplirent de larmes ; enfin la maîtresse ouvrit ses bras, la servante s'y jeta ; et elles s'étreignirent, satisfaisant leur douleur dans un baiser qui les égalisait."
[...]
"Elle avança les narines, en la humant avec une sensualité mystique ; puis ferma les paupières. Ses lèvres souriaient. Les mouvements de son coeur se ralentirent un peu, plus vagues chaque fois, plus doux, comme une fontaine s'épuise, comme un écho disparaît ; et, quand elle exhala son dernier souffle, elle crut voir, dans les cieux entr'ouverts, un perroquet gigantesque, planant au-dessus de sa tête."
Mais les citations ne peuvent rendre compte de la beauté somptueuse de l ensemble. Il faut le lire.
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