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Critique de Lamifranz


Encore un souvenir scolaire concernant ce livre : une lecture, en fin de cours, de "La légende de Saint Julien l'Hospitalier". Je me souviens, qu'à l'époque (au siècle dernier, dirons-nous), ce récit m'avait marqué par le mélange de mystère et de merveilleux dans lequel il baignait. J'ignorais alors qu'il faisait partie d'un triptyque intitulé "Trois contes" publié par Flaubert en 1877, qui constitue en fait sa dernière oeuvre romanesque publiée de son vivant, puisqu'il est mort en 1880.
Le recueil réunit trois contes ou nouvelles assez différentes d'inspiration : une nouvelle contemporaine "Un coeur simple", une légende médiévale "La légende de Saint Julien l'Hospitalier", et enfin une évocation biblique "Hérodias".
"Un coeur simple", relate la vie de dévouement de Félicité, une fille de province placée chez madame Aubain, une bourgeoise, mère de deux enfants, Paul et Virginie. Elle passe toute sa vie dans cette maison et dans cette famille qui devient la sienne. Elle participe aux joies et aux douleurs (la mort de Virginie, puis celle de son neveu Victor, et enfin celle de Madame Aubain) et reporte toute son affection sur Loulou, un perroquet que lui a laissé Madame Aubain, mais Loulou meurt aussi, et sur les conseils de sa maîtresse, Félicité le fait empailler. Quand elle meurt à la fin de la nouvelle, elle s'imagine que c'est Loulou qui l'emporte au ciel...
"La légende de Saint Julien l'Hospitalier" renoue avec les contes du Moyen-Age où un christianisme naïf se mêle au merveilleux : Julien, fils d'un petit seigneur local, grand chasseur devant l'Eternel, reçoit un jour la prédiction par un cerf qu'il avait massacré avec sa biche et son faon, qu'il allait tuer son père et sa mère. Pour échapper à cette funeste prophétie, il part au loin, se marie, et ne pense plus au terrible présage. Un soir alors qu'il est à la chasse, deux vieillards se présentent au château et se présentent comme les parents de Julien. L'épouse de ce dernier, ravie, les invite, les fait manger et leur propose sa propre chambre pour se reposer. Julien rentre de la chasse, bredouille et plein de rage. Voyant des formes dans le lit de sa femme il les poignarde tous les deux. Prenant conscience de son erreur, il quitte le château et part mendier sur les routes. Devenu passeur au bord d'un fleuve, il transporte un jour un lépreux en guenilles à qui il donne tout ce qu'il a, jusqu'à la chaleur de son corps. C'est alors que le lépreux se transforme en une merveilleuse clarté (Jésus-Christ) et l'entraîne au ciel avec lui
"Hérodias" reprend l'épisode biblique de la mort de Jean-Baptiste (appelé ici Iaokannan). Hérode Antipas a épousé sa nièce et belle-soeur Hérodias, ce qui amène Iaokannan à l'accuser d'inceste. Par l'intermédiaire de sa fille Salomé qui exécute une danse que nous qualifierons de lascive (en étant gentil), elle finit par obtenir la tête du prophète, qu'elle se fait servir sur un plateau.
Ces "Trois contes" représentent peut-être l'apogée de Flaubert en ce qui concerne la qualité de l'écriture : travaillée à l'extrême, d'une grande précision, elle colle à merveille au propos, tour à tour familière, poétique, dramatique, à la limite du fantastique, sensuelle, d'une grande puissance d'évocation.
Dernière oeuvre romanesque de l'auteur les "Trois contes" font un peu aussi figure de testament, dans la mesure où tous trois rappellent d'autres grandes réalisations : "Un coeur simple", par sa peinture de moeurs provinciales rappelle "Madame Bovary", La "Légende de Saint Julien l'Hospitalier" nous remet en mémoire la "Tentation de Saint Antoine", par son alliance insolite entre merveilleux et imaginaire chrétien, enfin "Hérodias" renoue avec les fulgurances antiques de "salammbô".
Pour moi un des meilleurs "Flaubert", égal à "Madame Bovary", et supérieur à 'L'éducation sentimentale" ou à "salammbô"...
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