Depuis mon arrivée à Paris et depuis le cours primaire de la rue des Feuillantines, la première école où je sois allé, le français était devenu ma langue maternelle si l’on peut dire, celle où tante Zsusza avait voulu m’enraciner, réussissant à effacer en moi le souvenir d’avoir su en parler une autre, que je n’aurais jamais apprise mais pourtant à partir de laquelle celle que j’appelais Alma m’avait enseigné la prononciation du français avec son accent hongrois, et dans laquelle, commentant la signification des mots du vocabulaire français, mon vieux maître Abba avait éveillé ma conscience et accompagné mes premiers pas dans l’univers des sens, des sentiments et de la pensée. Retrouvant Alma en celle que j’appelais maintenant Félicia, sans hésiter une seconde et spontanément, nous avons renoué nos relations dans la langue française que depuis des années je parlais avec l’accent de Paris.
D'abord, je préférerais garder les mots, sans la musique.Mais après, je choisirai de garder la musique sans les mots, pour écouter ce que les mots ne m'auraient pas appris ».
Mon vieux maître Abba m'avait prévenu : « Les légendes semblent être trop belles pour être vraies. Mais il faut croire en elles, car elles seules sont plus fortes que la laideur et la réalité. Tout être tente de faire de sa vie une légende : c'est la seule façon de ne pas désespérer et de rendre l'existence supportable en l'ouvrant à un temps au de-là du sien propre.Car on dit que les légendes sont éternelles.
« Lumière avec le lettre L à l'initiale, aurait pu donner ce titre à ce chapitre dans un autre variante de cette histoire où la vérité, si elle existe, l'aurait emporté sur la littérature. A vrai dire, n'est ce pas la littérature qui fait la lumière, si l'on peut dire ? Ce mot « lumière » Alma m'avait appris à le prononcer en français avec son accent hongrois, au cours du dernier été dans l'ancien monde, et mon vieux maître Abba avait trouvé des stratagèmes pour m'en livrer le sens. Dans notre cachette au fin fond de la Transylvanie, une nuit dans la pièce sans fenêtre où avaient lieu nos conversations, il avait soufflé la chandelle, nous plongeant donc l'obscurité totale. Il m'avait alors demandé : « Maintenant qu' est ce qui te manque ? » A sa grande surprise, j'avais répondu : « Plus rien ». et il me semblait l'avoir déçu. Alors il avait rallumé la chandelle, avait ouvert devant moi mon vieux dictionnaire bilingue, et m'avait demandé de lire à voix haute, en les repérant, égrenés au fil des pages, tous les mots que j'avais appris. Intrigué, j'avais commencé l'exercice par la lettre A, m'efforçant à la meilleure prononciation.Quand j'allais arriver au mot « Lumière » mon vieux maître avait soufflé la chandelle une seconde fois et, à nouveau, il m'avait demandé : « Maintenant, qu'est ce qui te manque ? » Alors j'avais répondu : « Le livre. »
Tous les mots que tu entends et tous les mots que tu lis sont de la littérature.La littérature c'est a vie même des hommes, c’est ce que contient l'air qu'ils respirent.Quand il n'y a plus de littérature, les hommes meurent.Leur dernier souffle, c'est de l'air qui passe entre leurs lèvres où il n'y a plus de mot. »
« J'étais devenu un homme ordinaire.Il n'y avait plus, entre le « je » qui pense et le « je » qui est, l'espace d'aucun jeu.
« Dans le meilleur des cas, les idées sont le royaume de ce qui n'existe pas, dans son effort pour exister.Mais parfois les idées sont le royaume de ce qui n'existe pas, dans son confort de ne pas exister. »
Le passage du savoir au pouvoir est une perversion
L'ivresse, c'est quand un être s'est légèrement séparé de son identité sociale, pour ne plus être que celui qu'il peut aimer en lui même.
« Un homme qui ne sait rien, qui n'a rien appris, fait il quand même partie de l'Humanité ?. Il m'avait répondu : Dès qu'un homme sait parler, il est capable de tout savoir, de tout apprendre.Et même s'il n'apprend rien, il sait : il sait au moins qu'il est un Homme. »