Citations sur Après la fin du monde : Critique de la raison apocalypt.. (33)
Pour le personnage de Dostoïevski, une seule injustice suffit à disqualifier la création et, avec elle, son créateur. Dans sa révolte, Ivan amalgame Dieu et l'univers au point d'espérer non seulement la fin du monde, mais de regretter qu'il n'y ait eu quelque chose plutôt que rien. Lorsque le désir apocalyptique perd la foi en un ailleurs, il devient facilement nihiliste.
Les Temps Modernes marquent donc la naissance de deux désirs concurrents et toujours contemporains : celui de s'exiler hors de notre monde et celui de l'habiter vraiment.
Il y a donc une symétrie parfaite entre le déclin des espérances politiques et le scepticisme à l'égard du monde entendu comme un espace où les images et les actions s'enchaînent. Ce scepticisme n'est pas cognitif (le monde existe-t-il ?) mais éthique, puisqu'il doute de la capacité des individus à inscrire des actes sensés dans le réel.
Le monde n'apparaît peut-être jamais aussi clairement qu'au moment où il manque.
On peut "perdre" le monde, et c'est même ce qui arrive lorsque triomphe la perception de n'appartenir d'aucune manière à ce que l'on voit [l'auteur part ici de la base d'un témoignage d'un rescapé du Ghetto de Varsovie]. Pourtant, c'est encore sur le "monde" que l'on compte pour signifier ce qui installe le réel dans une précarité absolue.
On n'hérite jamais que de possibilités ouvertes par d'autres et qui n'ont pas été menées à leur terme car cet achèvement est refusé aux hommes du fait de leur mortalité.
Ce qui a cessé d'être peut encore signifier au présent, ne serait-ce que le fait de ne plus signifier aujourd'hui comme il signifiait hier.
(...) parler de l'histoire comme d'un processus implique qu'il n'existe pas de monde, mais seulement des états du monde pris dans un flux perpétuel. Nombre de phénomènes actuels que l'on rassemble à tort sous le titre de "mondialisation" relèvent de cette forme d'acosmisme processuel. Il y est moins questions du monde que d'un ensemble d'évolutions (économiques, techniques, culturelles) que l'on déclare "globales" pour mieux suggérer leur caractère irréversible.
(...) l'infinité spatiale de l'univers conquise par la physique moderne est un ferment d'inquiétude puisqu'elle motive l'abandon de la métaphore de l'habitation : on n'habite jamais que des espaces limités.
Le sujet sans monde a d'abord été un individu en colère contre un monde suspecté de non-sens. Son soucis de mener une vie parfaitement réglée émane d'un refus de la contingence : la méthode et le calcul fournissent les moyens de ne pas affronter l'indétermination angoissante du monde.